On a envie d’avoir un grand-père comme lui, racontant de belles histoires, héroïques et tragiques, des hommes qui ont fait la guerre et se sont battus pour la liberté. Ecouter Louis Kasni Warti c’est plonger dans la vie d’un Volontaire du Pacifique, avec fascination et respect.
La commémoration du 80ème anniversaire du raliement de l'Océanie à la France Libre (la Polynésie le 2 septembre, la Nouvelle-Calédonie le 19 septembre), nous permet une visite chez le dernier survivant Calédonien du Bataillon du Pacifique. Dès qu’on rentre dans son petit appartement de Brunoy dans l'Essonne, qu’il partage avec sa femme Monique, on ne peut pas rater la grande photo de deux périodes de sa vie. 1945 et 2019, l’année de l’armistice du 8 mai 1945 dans une photo aux côtés de Jean Tranape, Compagnon de la Libération, et une autre, l’année de ses 100 ans.
Car Louis Kasni Warti est né le 1er Novembre 1919 à Nouméa. Il passe sa jeunesse dans le quartier de la vallée des colons. Le 1er Avril 1940 il s’engage avec le Bataillon d’infanterie coloniale à Nouméa, sous le matricule 2045 comme soldat de deuxième classe, il a alors 21 ans. Puis il intègre les Forces Françaises Libre (FFL) le 12 février 1943 et enfin dans le désert Libyen et sera rattaché au Bataillon d’Infanterie et de Marine du Pacifique, le fameux BIMP. Il est volontaire et fait partie du deuxième contingent du corps expéditionnaire, après le premier parti en 1941. Louis embarque à bord du croiseur USS Helena le 4 mars 1943 à 6 h 30 du matin, pour voguer vers son destin, fier de s’engager : " C’était normal, j’ai été élevé dans une école française, à l’Européenne, tous les jours avant de rentrer en classe on chantait la Marseillaise. Je me suis engagé car notre but c’était de libérer la France, notre mère nourricière. On n’en avait rien à foutre de Pétain, on était un peu comme des mercenaires et de Gaulle a fait appel à des Français libres."
Que ce soit à Tahiti ou en Nouvelle Calédonie, nous étions des soldats engagés pour défendre la mère patrie. Et on a formé le Bataillon du Pacifique, Tahitiens et Calédoniens, même si moi je suis arrivé plus tard au moment de la création du BIMP.
Louis Kasni Warti
Et Louis de nous entonner une Marseillaise extraordinaire (à son arrivée en France, il a fait partie d’une chorale en tant que baryton). Papi Louis a encore une voix magnifique et surtout un enthousiasme débordant quand il entame l’hymne national. Regardez le reportage d'Outre-mer la 1ère :
" Dans le désert, on avait peur de mourir, mais avant l’assaut on avait un prêtre qui célébrait la messe, alors on y allait. En Italie aussi à Cassino c’était terrible, nos avions avaient tout bombardé, et on pensait avoir réduit en cendres les positions des Allemands. Mais ils continuaient à nous tirer dessus. Je m’en suis sorti en faisant un roulé-boulé car j’étais dans la visée d’un tireur allemand. On éprouvait le besoin de passer à travers, on était courageux oui ! "
Il combat pour la libération d'Hyères non sans avoir donné un coup de main avec sa 3ème compagnie aux Américains qui étaient bloqués sur la plage d’Alpha Beach : " Comme nous, les Calédoniens et Tahitiens, on courrait vite, on est allé les aider et on les a sorti de là, ils ont pu continuer leur progression, " se rappelle-t-il avec fierté.
Louis se souvient aussi de la bataille du Golf Hôtel, à Hyères, un terrible affrontement dans ce labyrinthe de béton avec plusieurs niveaux, " On y allait au lance-flammes pour déloger les Allemands, ce n’était pas beau à voir mais on n’avait pas le choix ". Il garde aussi en tête une image spectaculaire, comme dans un scénario de film, avec la jeep du général Brosset qui montait sur l’escalier de l’hôtel, conduite par son aide de camp, l’acteur Jean-Pierre Aumont.
Il va avec le BIMP jusqu’aux Ardennes, où il combattra dans le froid. Puis il est démobilisé en novembre 1944 pour rejoindre, comme de nombreux Volontaires du Pacifique, la caserne tranquille et douillette de Latour-Maubourg, à Paris. De Gaulle les félicitera tous. Un grand moment pour le petit Louis. Il terminera la guerre comme voltigeur de première classe.
Je m’en suis sorti mais j’ai eu de la chance, il fallait sauver sa peau, et partant de là on devient un peu un héros. Mais il faut aussi avoir l’âme guerrière et aimer sa patrie.
Louis Kasni Warti
Légion d'Honneur en 2010
La France lui décerne la Légion d’Honneur en 2010. Louis aura 101 ans le 1er novembre prochain, il est le dernier survivant calédonien du Bataillon d’ Infanterie et de Marine du Pacifique, alors que quatre Polynésiens sont encore en vie, dont Ari Wong Kim qui vient de recevoir la Légion d'Honneur. Il est titulaire de la médaille militaire, de la Croix de guerre 39-45 avec citation, de la médaille de la Résistance et de la médaille des blessés de la France libre.
C’est la destinée, on a la chance de s’en sortir, d’autres ne s’en sortent pas, voilà.
Louis nous montre sa dernière fierté, une photo de lui avec son petit-fils Mathieu, officier dans l’armée de l’air, de la base aérienne 133 à Saint-Dizier. Puis il nous accompagne jusqu’à l’ascenseur, avec son petit sourire malicieux et ses yeux qui pétillent à nouveau.
On sent chez cet homme toute la fierté qu’il a de raconter son histoire. On le sent aussi en paix avec lui-même. Portant sa Légion d’Honneur côté cœur, et son insigne du Bataillon du Pacifique côté droit, calot sur la tête, ce grand petit bonhomme nous adresse un dernier signe en guise d’au-revoir.