Le titre de son dernier roman Frapper l’épopée est un emprunt à la rappeuse-rockeuse-chanteuse Casey : dans la chanson Rêves illimités, la Martiniquaise - fort appréciée d’Alice Zeniter - assène : "J'ai fripé la copie où est frappée l’épopée". Le message sous-jacent résonne alors pour l’autrice de L’art de perdre (prix Goncourt des lycéens en 2017) comme un appel à écrire l’Histoire différement de celle rédigée par les tenants du colonialisme.
Comme en son temps Naïma le personnage de L’art de perdre, Tass, fil rouge de Frapper l’épopée, est aussi un miroir d’Alice Zeniter. Qui continue d’interroger là encore la partie algérienne de ses origines tout autant que l’Histoire de France et de ses colonies dans laquelle sa lignée s’inscrit malgré elle. Et il lui aura suffi d’apprendre que des dissidents d’Algérie, rétifs au fait colonial, ont été envoyés au bagne en Nouvelle-Calédonie et y ont fait souche, pour que l’envie (le besoin ?) d’écrire la Nouvelle-Caledonie/Kanaky (comme elle la nomme quasi-systématiquement) l’habite entièrement.
Écoutez dans L’Oreille est hardie comment Alice Zeniter a bâti ce roman qui lui tient tout particulièrement à cœur :
Histoire, histoire
Tass, jeune professeur remplaçante rentre en Nouvelle-Caledonie après dix ans d’absence et une rupture amoureuse. Son retour, au cœur d’une société faite de beautés tout autour d’elle mais aussi de tensions politiques, sociales, communautaires, donne à ce roman son fil rouge. Mais Alice Zeniter va encore plus loin : l’intime mêlé au politique n’est jamais loin chez Alice Zeniter, c’est ainsi.
Sous ses dehors romanesques, Frapper l’épopée est aussi un livre historique, politique, didactique. Outre écrire et décrire les affres de ses personnages tout en nous montrant ce à quoi ressemble ce pays avec ses villes, ses montagnes, sa faune, sa flore et cette société vue de l’intérieur, c’est tout un chemin de la pensée que nous pousse aussi à prendre l’écrivaine, avec même une dimension culturelle et magique issue de la culture kanak qui vient encore enrichir le récit.
Un roman de genres
Y croiriez-vous si elle vous certifiait que l'on peut voir aussi en Frapper l'épopée un roman policier, une forme de polar, dans lequel s’inscrirait un western en filigranes ?! Et pourtant, les deux genres littéraires prennent entièrement leur place dans le récit et l’autrice s’en explique dans L’Oreille…
Coté "polar", quelques énigmes et des révélations aussi bien dans le parcours de Tass que dans celui des autres personnages : un mystérieux trio adeptes de "l’empathie violente" et deux jeunes frère et sœur kanaks qui disparaissent de la classe de Tass sans explications et que les autorités recherchent.
Et pour l'aspect "western", Alice Zeniter voit dans ce genre une allégorie de la partition géographique et ethnique du territoire et de la colonisation de la Nouvelle-Calédonie…
Écoutez L’Oreille est hardie…
Et écoutez comment s’est faite la rencontre entre l’autrice et le territoire de la Nouvelle-Calédonie au fil du temps où elle y a séjourné en 2022. Une rencontre où elle-même avoue avoir trouvé au-delà de ce qu’elle était venue chercher. Tout cela s’entend dans l’entretien accordé à L’Oreille… et se lit dans ce roman à l’écriture "zenito-calédonienne" (comme elle le dit avec malice). Frapper l’épopée est une réussite formelle, profond dans son contenu, pour regarder autrement - pour celles et ceux qui ne la connaissent que dans les fils d’actualité - cette riche terre de contrastes qu’est la Nouvelle-Calédonie.
Retrouvez Alice Zeniter, invitée de L'Oreille est hardie, c'est par ICI !
Ou par lĂ :
Le roman "Frapper l’épopée" d'Alice Zeniter est paru aux éditions Flammarion.