Avec, entre autres, son association La Fabrique insomniaque, la romancière, dramaturge et traductrice guadeloupéenne Gerty Dambury s’est lancée dans un pari ambitieux : créer une résidence d’artistes principalement caribéens, une bibliothèque et organiser des événements dans le petit village de Le Gouray (un peu plus de 1200 habitants), situé au cœur des Côtes d’Armor dans la région Bretagne.
"Le projet est de mettre à disposition des jeunes Afrodescendants caribéens un espace qui leur permette de créer. Le deuxième volet est de donner un accès à la littérature caribéenne en la rassemblant en un lieu, une bibliothèque où la littérature de la Caraïbe pourrait être consultée. Pour ce volet nous avions fait des propositions à certaines institutions, dont le ministère des Outre-mer quand il voulait créer la Maison des Outre-mer, sans suite", explique-t-elle à Outre-mer La 1ere.
La ferme Kanna-la
Lasse de la région parisienne, Gerty Dambury décide alors d’acheter avec son compagnon, à Le Gouray, une ferme comprenant des hangars destinés auparavant à l’élevage. Le but étant de les réhabiliter pour y organiser des manifestations culturelles. "Il y aura un espace dédié à la création, notamment théâtrale, ainsi qu’aux répétitions et un autre consacré à la littérature de la Caraïbe avec une bibliothèque. Pour cela nous avons déjà reçu des dons d’éditeurs de 500 à 600 livres et nous en achetons nous-mêmes."
En ce qui concerne la littérature, Gerty Dambury ambitionne également d’instaurer régulièrement des résidences d’écrivains dans son nouvel espace, dénommé Kanna-la (le Canard en créole), ainsi qu’une autre manifestation qu’elle organisait en région parisienne intitulée Le Séna (une agora libre de parole réunissant artistes professionnels et spectateurs où tous peuvent s’exprimer). Un Séna a d’ailleurs déjà été organisé dans la ferme Kanna-la en juin 2022, dans le cadre d’un mini festival (Sanblé) en partenariat avec la commune du Méné (dont dépend Le Gouray). Gerty Dambury prévoit aussi des conférences, des lectures d’auteurs et diverses rencontres autour de la littérature caribéenne.
"Patchwork poétique"
"Je dis bien caribéenne", précise-t-elle, "car ce n’est pas seulement francophone. Je ne veux pas m’enfermer dans la francophonie. C’est très important pour moi politiquement. Je fais du travail, comme dans le Séna, autour des langues de la Caraïbe. Cela peut être en français, en créole, en anglais, ou en espagnol. Je travaille aussi sur un nouveau concept qui est le ‘patchwork poétique’, qui permettrait aux gens de découvrir la poésie de la Caraïbe, avec des lectures et aussi de l’art pictural par exemple".
Gerty Dambury compte organiser son Sanblé (mini festival) tous les deux ans, vers la mi-juin. "Mais ce ne sera pas un endroit où se déroulent cinquante choses en même temps et où les artistes ne peuvent pas se voir les uns les autres. Il faut qu’ils soient en rassemblement, en rencontres, en discussions. La rencontre c’est aussi un déplacement dans des langues. Il y a par exemple le breton et la langue du pays des Côtes d’Armor qui est le gallo. C’est un aspect que je prendrai en compte dans les prochaines activités que j’organiserai, où je ferai intervenir une confrontation entre les langues, en donnant sa place au créole comme au gallo".