La ministre du Droit des femmes Laurence Rossignol a engendré une polémique en parlant de "nègres" ce mercredi sur RMC et BFM. Faute de langage, maladresse ou pensée raciste? Pour les spécialistes, l'utlisation de ce mot lié à l'esclavage et à la colonisation n'est pas anodine.
"Il y avait des nègres afr…, des nègres américains qui étaient pour l'esclavage". Ces quelques mots prononcés par la ministre du droit des Femmes Laurence Rossignol au micro de Jean-Jacques Bourdin, sans aucune réaction de ce dernier, ont provoqué une polémique sur les réseaux sociaux.
La ministre effectuait une comparaison entre les femmes qui choisissent de porter le voile et des Noirs qui auraient été en faveur de l'esclavage. Après avoir minimisé l'usage du mot "nègre" tant décrié, s'être référée à Montesquieu, et dénoncé une "aseptisation du langage", la ministre a fini par concéder une "faute de langage".
Réfutant l'idée que les Noirs ont eux-mêmes fièrement revendiqué cette appellation, il rappelle qu'en 1935, pour leur célèbre magazine Aimé Césaire et Léopold Sedar Senghor préférèrent le titre l'Etudiant noir à l'Etudiant nègre, justement pour éviter toute connotation péjorative.
"Entre les deux guerres, des mouvements politiques et culturels qui contestaient la colonisation ont remis ce mot en cause. C'est un terme qui reste encore aujourd'hui très chargé", ajoute-t-il.
L'historien Pascal Blanchard se fait plus nuancé. Selon lui, le mot "nègre" en lui-même "n'est pas choquant en soi". L'usage fait par la ministre, en revanche, l'est, explique-t-il, exemple à l'appui: "je peux être petit et blanc, cela va être un fait. Pourtant la personne qui me désigne par l'appellation de "Petit blanc" aura une vision racialiste de ma personne".
Au delà de sa comparaison douteuse, elle a également au cours du même entretien, parlé de "franco musulmans". Preuve pour Pascal Blanchard, de la pensée raciste de nos dirigeants. "C'est très révélateur de la pensée la mieux partagée par nos politiques, soupire t-t-il. Et ça démontre que ça dépasse le clivage droite-gauche. Il s'agit quand même d'une ministre de gauche, de la République, qui est censée nous parler d'égalité!", s'exclame-t-il.
Pap Ndiaye, aussi, souligne l'absence d'intersectionnalité dans le combat de la ministre. "C'est très symptomatique: son combat pour le féminisme ignore totalement les autre luttes minoritaires", regrette-t-il.
La ministre effectuait une comparaison entre les femmes qui choisissent de porter le voile et des Noirs qui auraient été en faveur de l'esclavage. Après avoir minimisé l'usage du mot "nègre" tant décrié, s'être référée à Montesquieu, et dénoncé une "aseptisation du langage", la ministre a fini par concéder une "faute de langage".
Faute ou maladresse?
L'utilisation du mot nègre, quasiment disparu de l'usage courant pour parler des Noirs est-il une simple "faute"? C'est effectivement "une maladresse", pour le linguiste Alain Rey, qui rappelle l'origine espagnole du terme. "Ce mot vient de 'negro' qui veut dire noir. Il n'était pas péjoratif au départ, il l'est devenu. On le retrouve dans des expressions héritées du colonialisme comme 'parler petit nègre' ou les gateaux 'têtes de nègre'. Pourtant, l'employer n'est pas gravissime car il a été revendiqué par les intéressés eux-mêmes", estime-t-il, ajoutant à titre personnel ne jamais l'utiliser.L'Etudiant Noir plutôt que l'Etudiant nègre
Pourtant, rappelle l'historien Pap Ndiaye, le terme est loin d'être anodin. "Il est profondément lié au XVIIIe siècle et à la servitude. A l'époque, le mot était synonyme d'esclave", souligne-t-il.Réfutant l'idée que les Noirs ont eux-mêmes fièrement revendiqué cette appellation, il rappelle qu'en 1935, pour leur célèbre magazine Aimé Césaire et Léopold Sedar Senghor préférèrent le titre l'Etudiant noir à l'Etudiant nègre, justement pour éviter toute connotation péjorative.
"Entre les deux guerres, des mouvements politiques et culturels qui contestaient la colonisation ont remis ce mot en cause. C'est un terme qui reste encore aujourd'hui très chargé", ajoute-t-il.
L'historien Pascal Blanchard se fait plus nuancé. Selon lui, le mot "nègre" en lui-même "n'est pas choquant en soi". L'usage fait par la ministre, en revanche, l'est, explique-t-il, exemple à l'appui: "je peux être petit et blanc, cela va être un fait. Pourtant la personne qui me désigne par l'appellation de "Petit blanc" aura une vision racialiste de ma personne".
"Stage obligatoire au Memorial Act"
S'il y a un point sur lequel les deux historiens se rejoignent, c'est sur la méconnaissance de l'histoire par la ministre. Pascal Blanchard fustige autant l'expression employée que l'argument selon lequel des esclaves afro-américains étaient favorables à l'esclavage. " Elle est inculte. Elle ne s'est jamais intéressée à la question et vient sortir des inepties à la télévision", souligne-t-il, avant de lui recommander "un stage obligatoire de quinze jours au Memorial Act en Guadeloupe". "Elle y apprendrait l'histoire du Monde et des Outre-mer, cela lui ferait le plus grand bien!".Des propos "révélateurs"
Laurence Rossignol n'est pas la première à parler de "nègres" à la télévision. En 2010, le parfumeur Jean-Paul Guerlain ironisait face à Elise Lucet sur les "nègres" qui "n'ont jamais beaucoup travaillé". Cette fois-ci c'est face à un Jean-Jacques Bourdin impassible que Laurence Rossignol a prononcé, elle aussi par deux fois, le fameux mot.Au delà de sa comparaison douteuse, elle a également au cours du même entretien, parlé de "franco musulmans". Preuve pour Pascal Blanchard, de la pensée raciste de nos dirigeants. "C'est très révélateur de la pensée la mieux partagée par nos politiques, soupire t-t-il. Et ça démontre que ça dépasse le clivage droite-gauche. Il s'agit quand même d'une ministre de gauche, de la République, qui est censée nous parler d'égalité!", s'exclame-t-il.
Pap Ndiaye, aussi, souligne l'absence d'intersectionnalité dans le combat de la ministre. "C'est très symptomatique: son combat pour le féminisme ignore totalement les autre luttes minoritaires", regrette-t-il.