Le temps passe. Le temps file. Mickaël Hanany a déjà 38 ans. En 2017, il mettait fin à une belle carrière d'athlète. Deux JO au compteur. Un record de France du saut en hauteur à 2 mètres 34. Le fruit d'un gros travail. Une vie quasi-monastique consacrée au sport de haut-niveau. Un parcours impressionnant rendu possible grâce à de belles rencontres. "Mon premier mentor a pour nom Claude Michot. Un prof d'EPS passionné qui dénichait des athlètes. J'avais alors onze ans et j'estimais que l'athlétisme était un sport de filles avec toutes leurs tenues moulantes. Sauf que ma mère a insisté pour que j'essaie au moins une fois. C'est comme ça que tout a commencé. Claude Michot m'a sorti de ma cité."
La cité de Cergy Préfecture, Mickaël la quitte définitivement à 20 ans. L'Antillais s'envole pour les États-Unis. Le Texas. Dallas tout d'abord. Puis El Paso. Deuxième rencontre. Deuxième coup de cœur. "Calvin Robinson, mon entraîneur américain m'a littéralement transformé. En France, j'étais une huître. Je ne m'ouvrais pas. Il m'a aidé à penser positif, à me découvrir intérieurement. Aujourd'hui encore, je demeure très proche de lui. C'est mon deuxième mentor."
Nouveau défi dans le monde hospitalier
Titulaire d'un Bachelor en biologie pré-médecine et d'un MBA en commerce international, Mickaël Hanany rêvait d'intégrer une biotech après sa carrière sportive. En novembre 2018, il devient finalement Directeur de développement des lignes de service des hôpitaux d'El Paso. Un titre qui nécessite quelques explications : "C'est très simple. Dans un périmètre de 350 kilomètres autour d'El Paso, je propose aux autres infrastructures médicales qui n'ont pas certaines spécialités ou fonctions d'acheminer leurs patients chez nous. Attention : je ne suis pas un commercial. Je ne fais que tisser des liens avec des médecins, des patrons de clinique ou des chefs-infirmiers afin de les aider. Le but est de trouver une solution pour tous les patients."
Lorsqu'il fête son premier anniversaire dans ses nouvelles fonctions, la planète entière découvre une menace virale qui va vite se transformer en pandémie mondiale. "Avant même que le Covid n'arrive chez nous, nous avions une quarantaine de lits spécifiques disponibles. Autant dire... rien du tout ! En urgence, nous avons converti plus de 200 lits. Souvent dans des tentes spécifiques à l'extérieur. Et malgré cet effort, nous avons dû refuser des malades. Psychologiquement, c'était très éprouvant. Heureusement aujourd'hui, El Paso approche des 80 % de vaccinés. La situation est sous contrôle."
L'ex-athlète est aussi devenu coach
Son deuxième mentor Calvin Robinson avait d'emblée prédit à l'Antillais un avenir de coach. "Jamais de la vie !" répondait-il souvent. Pourtant, Mickaël semble bien avoir le goût de la transmission dans le sang. "Je sais d'où je viens. C'est-à-dire de la cité. Il est important de savoir redonner. Pour l'instant, ça ne peut se faire qu'à distance. Mais j'ai bon espoir que dès le mois prochain avec la réouverture des frontières, mon groupe me rejoigne au Texas."
Le groupe Hanany comprend des leaders naturels comme Mouhamadou Fall, champion de France 2020 et 2021 du 100 mètres. Mais aussi des athlètes en devenir comme Fanny Peltier ou le Guyanais Loïc Prévot. Un groupe d'élite qui a choisi un entraîneur exilé. Au risque de choquer. "En France, il est difficile de monter un projet comme celui-là. La Fédération n'aime pas trop les systèmes parallèles qu'elle ne peut pas contrôler. En quittant la matrice, on vous rajoute de la pression. Il faut absolument réussir. Et même si c'est le cas, vous n'aurez jamais la reconnaissance que peut avoir un athlète de l'INSEP."
#Paris2024 j’ai mal et peur pour l’athlé. Je sais que certains auront appris de #Tokyo2020 mais quand t’es le pays hôte, tu te dois de présenter une vraie team. En revanche, le travail a accomplir reste colossal. Je ne sais pas si on s’en rend compte… 😞😞
— Mickael Hanany (@MickaelHanany) August 6, 2021
L'athlétisme français dans la tempête
Lorsqu'il met fin à sa carrière en 2017, Mickaël Hanany ne ressent aucun manque. "J'ai fait ce que j'avais à faire. Ça reste hyper difficile d'être athlète. Surtout que mon corps commençait à me lâcher. Et financièrement, c'est souvent de la survie." Il n'empêche que les performances de l'athlétisme français en 2021 le désolent. "Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Une seule médaille à Tokyo. Une seule ! On a trop compté sur la chance. Le niveau mondial ne cesse de progresser alors que le niveau tricolore régresse. C'est inacceptable."
Pour relever la tête, l'Antillais ne voit qu'une seule solution : se fixer des objectifs ambitieux. "Viser entre trois et cinq médailles à Paris en 2024, je trouve ça pathétique. Il faudrait plutôt établir une feuille de route pour atteindre dix à douze récompenses. Et mettre tout en œuvre pour réaliser cet objectif. Le facteur chance ne peut pas tout. On l'a bien vu au Japon."
Même retraité des sautoirs, Mickael Hanany a conservé une exigence de vie. Tous les matins de la semaine, il a rendez-vous dans une salle de sport entre cinq et sept heures. "De la muscu, du crossfit, du cardio… J'en ai besoin. Ça reste une source d'équilibre chez moi." Et l'American Way of life qu'il déguste depuis dix-sept ans ? "Je m'éclate. La ville n'est pas très grande. Il n'y a pas de violence. Je vis ma vie." Une vie bien remplie du lundi au vendredi. Lever 4 heures. Coucher 23 heures 30 ou minuit. Avant un week-end off. Règle immuable. "Disons que je me consacre alors à ma famille. Entièrement. Mon épouse. Nos enfants. La petite dernière n'a que quinze mois. J'ai de quoi m'occuper. Mais je le répète : je suis heureux !"