En Polynésie, l'engouement pour l'aviron indoor va grandissant. Surtout chez les jeunes. À l'origine de ce succès ? Kévin Scott, le directeur technique de la Fédération Polynésienne d'Aviron : "Notre objectif premier a toujours été d'équiper les établissements scolaires. Cela nous permet de toucher la jeunesse. Ils sont là. Sur place. Captifs. Pas besoin d'aller les chercher dans les quartiers. N'oublions pas qu'il y a un gros problème de transports en Polynésie." Et comme Kévin est un geek assumé, il organise depuis deux ans, les championnats scolaires de Polynésie… connectés. "C'est juste énorme. En 2024, nous avons pu réunir quelques mille cinq cents participants. Simplement avec une centaine de rameurs répartis sur l'ensemble des établissements scolaires." La meilleure équipe vient ensuite à Paris pour les championnats de France. And the winner is… le lycée Tuianu Le Gayic de Papara.
Expérience mini, motivation maxi
Sur le plan physique, la sélection masculine impressionne. Surtout Tane Mu Wong, solide athlète déjà bien connu dans le monde du va'a. À Paris, les championnats de France ont débuté par un 1 000 mètres à quatre. D'entrée, les rameurs polynésiens prennent la tête. Ils partent vite. Peut-être même un trop. "Je confirme, assume Tane. On est un peu des chevaux fous. On part très vite. Sur la fin, ça commence à piquer. On a du mal à garder la même cadence. Et que dire de cet air glacé en ce moment à Paris. Ça pique aussi la gorge !"
Si les lycéens polynésiens avaient des atouts physiques évidents, les lycéennes ont brillé par leur cohésion d'équipe. "On avait mal aux jambes et aux bras, raconte Mahealanie Teua. Mais notre mental était au top. On n'a pas lâché. On s'encourage entre nous. C'est peut-être ce qui explique qu'on ait fait un meilleur chrono qu'en Polynésie sur le 1 000 mètres à quatre." Dans cette épreuve qui voit les quatre athlètes ramer côte à côte, les lycéennes prennent une belle septième place. Les garçons eux, terminent onzièmes. Les Polynésiennes seraient-elles les plus fortes ? "Peut-être… s'écrie Kaahilani Toomaru avant d'éclater de rire. Ce qui est certain, c'est que ça donne envie de revenir ici pour progresser encore dans ce sport."
Une expérience XXL
Pour que l'aventure soit réussie, il faut un dynamiteur passionné (Kévin Scott), des rameurs motivés (les lycéens) et des encadrants convaincus. Les deux professeurs d'EPS du lycée de Papara ont tenu ce dernier rôle avec brio. Ariiteaveura Chee Ayee et Raihau Nena ont commencé la détection des jeunes talents dès le mois d'août 2024. Avant de préparer les rameurs à vivre quelque chose d'unique. "Nous ne sommes pas venus uniquement pour deux jours de compétition, précise Raihau. Les jeunes ont pu aussi s'entraîner dans un lieu magnifique à Joinville-le-Pont. Tout en ayant la chance de découvrir ce lieu mythique du sport français que représente l'INSEP."
Sept jours au total. Une parenthèse enchantée. Et des envies. Des idées. Des projets. Qui commencent à prendre forme. "On réfléchit à créer un club d'aviron indoor, révèle Ariiteaveura. Il n'en existe aucun sur toute la presqu'île. Cela permettrait aux élèves de pouvoir s'entraîner dans un lieu spécifique. Sans avoir à aller au lycée pour cela." Et attention, les deux compères ne cherchent pas à entrer en concurrence avec les sports nautiques si populaires en Polynésie. "Ce n'est pas l'idée. Un pratiquant de va'a peut très bien faire également du rameur en salle. C'est très complémentaire."
L'aviron indoor et ses opportunités
Kévin Scott dresse un bilan satisfaisant de ces championnats de France 2025. Comme l'an dernier, l'aventure humaine s'est révélée unique. "La plupart de ces jeunes n'étaient encore jamais sortis de la Polynésie française. Une lycéenne a même dû faire une demande de passeport car elle prenait l'avion pour la première fois." Quant à l'opération séduction de l'aviron indoor, elle est réussie. "Nos jeunes se projettent déjà. Ils voient tout ce que ça leur apporte. Certains font de la pirogue et ça les a rendus meilleurs en pirogue. D'autres pratiquent le foot ou le taekwondo et ils mesurent tout le bénéfice au niveau de leur préparation physique."
Tout cela va même beaucoup plus loin. En septembre 2025, deux jeunes rameuses sont invitées par la Chicago Rowing Foundation à un stage de quinze jours aux États-Unis. Teranihere Pater et Hanaiki Paheroo pourraient alors voir leurs vies basculer. "C'est une chance unique. La Chicago Rowing Foundation cherche à aider des jeunes talentueux issus de milieux modestes. Elles ont aujourd'hui quinze ans. Si elles sont retenues à l'issue du stage, elles reviendront au Lycée français de Chicago en février 2026 pour y terminer leurs études. Avec une bourse et dans une famille d'accueil sur place. Il s'agirait de notre première filière d'accès au sport de haut-niveau via l'aviron. Un tremplin juste exceptionnel."