La Défenseure des droits a enregistré une hausse de 10 % du nombre de sollicitations reçues entre 2022 et 2023. Si bien que l'état des droits en France inquiète Claire Hédon. Elle alerte également sur l'effectivité de ces droits dans les territoires d'Outre-mer, et sur les nombreuses inégalités qui y persistent. "Dans ce rapport, nous constatons une forme de banalisation de l’atteinte aux droits, et Mayotte en est un exemple flagrant", introduit Claire Hédon.
La situation à Mayotte particulièrement préoccupante
Pour établir ses conclusions, Claire Hédon a effectué plusieurs voyages dans les territoires d'Outre-mer. Notamment à Mayotte, où elle a pu observer les destructions d'habitats menées dans le cadre de l'opération Wuambushu. "L’expulsion et la destruction du domicile constituent l’une des atteintes les plus graves", note Claire Hédon dans son rapport annuel. Une délégation de juristes s’est rendue sur place en mai 2023 "alertée par l’opération interministérielle". Une visite nécessaire pour Marie Gester, juriste au pôle droits fondamentaux des étrangers : "Au-delà des constats alarmants que nous avons pu faire concernant les personnes résidant à Mayotte, cela nous a permis de mieux comprendre le rôle et le fonctionnement des différents acteurs locaux."
Une instabilité à Mayotte qui n'est pas sans conséquence pour la Défenseure des droits. Elle y note des "atteintes récurrentes aux droits des enfants", parmi lesquels le droit à l'éducation et la rétention administrative illégale, ainsi qu’un "inégal accès aux services publics en matière de santé et de prestations sociales". Dans un rapport alarmant intutitulé "Grandir dans les Outre-mer" paru en novembre dernier, l'UNICEF rappelait que "les droits des enfants ne peuvent pas être à géographie variable". À Mayotte, la pauvreté touche 8 enfants sur 10, contre 2 enfants sur 10 dans l'Hexagone.
Dernier point éminemment problématique à Mayotte : l’accès à l’eau. Plusieurs réclamations ont été faites à la Défenseure des droits concernant les modalités de gestion de la pénurie d’eau. Une instruction est en cours.
Les services publics défaillants aux Antilles
L’accès à l’eau compte également parmi les thématiques les plus prégnantes aux Antilles. Dans un rapport paru en mars 2023, la Défenseure des droits notait que les "défaillances des services publics aux Antilles entraînent des conséquences significatives sur la vie quotidienne des habitants." À court terme, Claire Hédon préconise notamment le renouvellement urgent des compteurs d’eau ou la remise en état des réseaux d’assainissement.
Une difficulté d'accès à l'eau potable qui vient s'ajouter à la liste des inégalités d’accès à l’éducation aux Antilles. Les nombreuses coupures d’eau en Guadeloupe entrainent des pertes de jours d’écoles, jamais rattrapés. "C’est 20 % d’heures de cours en moins par rapport à l’Hexagone", précise Claire Hédon. Les restaurants scolaires sont encore insuffisants et les enfants en situations de handicap ont encore trop de difficultés de scolarisation. À l’issue de cette année d’exercice 2023, Mariam Chadli, conseillère au Secrétariat général de la Défenseure des droits, note aux Antilles une "réelle rupture de confiance entre les usagers et les institutions qui sont censées défendre leurs droits." Une défiance renforcée par l’inégalité persistante dans l’accès aux droits et aux services publics, selon le bilan annuel que dresse Claire Hédon.
La Réunion, un cas à part
Meilleure élève en matière d'accès aux droits, la Réunion n'est pas restée hors du champ d'action de la Défenseure des droits en 2023. Les réclamations les plus nombreuses sur l'île l'ont été au sujet de l'éloignement des services publics, la numérisation des démarches administratives et l'existence de discriminations. Lors de son déplacement à La Réunion, Claire Hédon a, dans ce cadre, participé au Comité opérationnel de lutte contre le racisme et la haine anti-LGBT. "Le déplacement a permis une meilleure connaissance du Défenseur des droits localement, et a aidé à dénouer certaines situations en cours avec des acteurs et des partenaires locaux " se réjouit Didier Lefèvre, chef de pôle régional La Réunion/Mayotte.
"Nos délégués sont présents sur le territoire pour accueillir les réclamants et résoudre en médiation les difficultés qu’ils peuvent rencontrer dans l’accès aux droits et aux services publics, conclut Claire Hédon. Nous traitons gratuitement les réclamations." Des délégués sont présents sur tous les territoires d'Outre-mer. En 2023, trois quarts des médiations engagées ont été résolues à l'amiable.