"Qui l'eu cru ?", s'étonne encore Khaleesy Mai. Fraichement élue Miss T France 2022-2023 ce week-end, la Polynésienne, originaire de Tahiti, se remet tout juste de ses émotions. Et pour mieux savourer son titre, elle et son compagnon ont filé en Haute-Savoie pour des vacances méritées.
À la base, Khaleesy Mai ne voulait pas s'inscrire au concours dans l'immédiat : "Ce n'était pas dans mes projets. Mais là, j'étais prête, j'avais calculé l'éventualité d'obtenir le titre, et finalement, c'est passé !"
"Immense fierté"
À l'annonce de son nom, Khaleesy Mai était "remplie de joie". C'est une fierté pour la Tahitienne de 30 ans, aussi Calédonienne par sa mère, de ramener la couronne dans les terres du Pacifique. Ce couronnement est aussi une fierté pour sa mère. "Elle a toujours voulu avoir une fille. C'est la première fois depuis ma transition qu'elle m'a appelé ma fille", confie Khaleesy, prise à la gorge par l'émotion.
Née sur l'île de Rurutu dans l'archipel des Australes, elle est la cadette d'une fratrie de huit frères. Khaleesy Mai s'est construite sans figure paternelle, sa mère l'a élevée seule : "Mon père est parti tôt, j'ai grandi dans une famille monoparentale. Pendant longtemps, j'ai cru que cette intense féminité que je ressentais venait du fait que je n'avais pas d'autorité paternelle", explique l'ambassadrice. C'est l'un de ses frères qui a permis à Khaleesy d'avoir un déclic, une prise de conscience de qui elle était vraiment. "Il m'a connu avant et pendant ma transition. Son soutien compte énormément, il m'a permis de réaliser la personne que j'étais", raconte la Polynésienne, émue.
Aujourd'hui, c'est une "immense fierté" pour la reine de beauté que d'être reconnue en tant que femme.
J'ai participé à Miss T France non pas pour mes origines et ma culture, non pas pour mon physique. J'y ai participé pour la femme forte que je suis, pour la cause et la visibilité.
Khaleesy Mai
Amour, gloire et beauté
Khaleesy Mai est bien connue des Polynésiens. Elle et son compagnon, en couple depuis neuf ans, ont participé à l'émission hono ipo en 2020, l'équivalent de Quatre mariages pour une lune de miel en Polynésie. Le couple a remporté le voyage, mais ils ont décidé de l'offrir à d'autres participants. "C'est à ce moment que le marié m'a dit qu'il fallait que je sois fière de qui je suis, car la différence est une richesse qui nous cultive et nous élève. Ces paroles profondes raisonnent encore aujourd'hui", décrit Miss T France.
Elle entame sa transition il y a trois ans, à l'âge de 27 ans. "C'est la naissance de Khaleesy. Je me suis inspirée de la série Game of Thrones, car je me suis vue dans cette femme qui se bat pour la justice, qui prend parti. Je me suis affirmée et je suis cette personnalité", explique-t-elle. En même temps, Khaleesy participait à l'élection Miss T en Polynésie. "Je n'ai pas eu de titre, mais j'en garde une expérience grandissante", raconte-t-elle, le sourire aux lèvres. Déjà, la reine de beauté partageait une "positive attitude" qui l'a amenée jusqu'à son sacre national.
Militer pour mieux régner
Tout au long de son règne, Khaleesy Mai dit vouloir militer pour "changer l'image des trans". "Être trans ne veut pas dire prostituée ! Être trans ne veut pas dire trottoir !", fustige-t-elle. Elle estime que trop souvent, une image "sale" colle aux personnes trans et qu'il faut casser ce cliché. "Depuis ma transition il y a trois ans, je suis cette femme trans militante, cette femme classe qui travaille et qui veut être respectée en tant que telle."
La reine de beauté travaille en tant que cheffe de rang depuis huit mois, dans un hôtel restaurant à Paris. Elle dit n'avoir jamais été victime d'agression, qu'elle soit verbale ou physique. "Je pense que c'est parce que je suis quelqu'un de respectueux. Je cultive l'amour." La cheffe de rang reconnaît avoir eu des commentaires ou des remarques, mais ne jamais s'arrêter là-dessus. "Ce que le monde pense de moi ne me définira jamais", conclut Khaleesy.
Maintenant, Miss T France souhaite être une "porte-parole" de tous celles et ceux comme elle. "Je peux parler à cette communauté et l'une de mes premières actions sera d'aller à la rencontre de ceux qui ont vécu le même parcours." Elle avoue que la Polynésie lui manque, en particulier "les sourires et la chaleur". Khaleesy compte retourner bientôt au Fenua, avec son écharpe et sa couronne.