La présidente de l’Assemblée juge "tout à fait respectueuses" les tenues des députés polynésiens

Steve Chailloux, Moetai Brotherson et Tematai Le Gayic sont arrivés à l'Assemblée nationale parés d'un lavalava.
Le vêtement du politique est loin d’être anecdotique. Les tenues des députés polynésiens, notamment leurs nu-pieds et leurs chemises à fleurs, ont été très commentées. Yaël Braun-Pivet les juge parfaitement conformes aux règles de l'Assemblée.

Cravate pour les élus du RN, pareo et paniers pae'ore pour les députés polynésiens. Marine Le Pen, soucieuse de normaliser l’image de son parti, a imposé un dress code strict aux parlementaires de son groupe. "On n’est pas la France insoumise, on ne vient pas en tongs et en chemises à fleurs [à l'Assemblée nationale]", avait-elle lancé. Une référence à peine voilée aux trois élus polynésiens, membres de la Nupes, qui s'affichent au Palais Bourbon en tongs, paréos et chemises à fleurs.

Si le règlement de l’Assemblée nationale pointe précisément ce qui est interdit - le port de "signe religieux ostensible" ou de "messages commerciaux" par exemple - il reste beaucoup plus flou sur ce qui est autorisé. La tenue des députés doit "rester neutre" et "s’apparenter à une tenue de ville".

Mais une tenue traditionnelle est-elle incorrecte ? Non, répond Yaël Braun-Pivet, éphémère ministre des Outre-mer et désormais présidente de l’Assemblée nationale. Invitée de "Dimanche en politique" sur France 3, elle est revenue sur la polémique lancée par la présidente du groupe RN et alimentée par les internautes sur les réseaux sociaux. "Nous sommes députés et nous sommes en mesure de savoir ce qui est digne et ce qui ne l’est pas, ce qui est respectueux et ce qui ne l’est pas, ce qui est correct et ce qui ne l’est pas, a-t-elle estimé. Ce sont des parlementaires qui siégeaient déjà, lors de la précédente mandature, en habits traditionnels et c’est tout à fait respectueux de l’institution et de leurs électeurs."

La bonne tenue c’est une tenue correcte. C’est une tenue qui est respectueuse de nos électeurs et des Français. Nous les représentons dans l’hémicycle.

Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée nationale.

Moetai Brotherson, élu en 2017, avait déjà fait parler de lui en se présentant à l'Assemblée en short lors de son premier jour en tant que parlementaire. Le doyen des élus polynésiens ne se sépare jamais de sa chemise à fleurs et enfile parfois un pagne traditionnel. Un moyen d’être vu… et entendu. Difficile de ne pas y voir un message politique, ou a minima une façon de visibiliser son territoire, de la part de l’élu indépendantiste. Steve Chailloux, fraîchement élu dans la deuxième circonscription de Polynésie, ne dit pas autre chose. "Cela symbolise notre identité, expliquait-il en portant fièrement un lavalava – un pareo traditionnel – lors de son entrée au Palais Bourbon il y a une dizaine de jours. Nous représentons le peuple dans la Nation, mais plus particulièrement dans notre cas le peuple polynésien, donc c’est tout à fait symbolique que nous portions nos vêtements."


Vestiaire de droite, vestiaire de gauche

Car le vêtement du politique est politique. Les nu-pieds des députés polynésiens sont loin d’être le premier "scandale" vestimentaire de l’hémicycle. En 2012, Cécile Duflot, alors ministre du Logement, était huée par certains parlementaires pour avoir osé porter une robe à fleurs. Un an plus tard, c’est l’élue des Yvelines Valérie Pécresse qui se faisait recadrer par le président de l’UMP pour avoir osé pénétrer à l’Assemblée en jean.

Les députés La France insoumise élus en 2017 ont refusé de porter la cravate, se surnommant les "sans cravates", référence directe aux "sans culottes" de la Révolution. Les règles encadrant la manière de s'habiller des élus ont été modifiées en 2018. La cravate n’est plus obligatoire, mais le règlement devient paradoxalement plus strict. Désormais, la tenue des députés "ne saurait être le prétexte à la manifestation de l’expression d’une quelconque opinion". Impossible d’utiliser ses vêtements pour faire directement passer un message politique, comme l’avait fait Patrice Carvalho en 1997. Député communiste de l’Oise, il avait siégé en bleu de travail pour dénoncer la sous-représentation des ouvriers à l’Assemblée.