Alors que la France émerge du plus vaste mouvement de contestation politique, sociale et culturelle, Roger Bambuck s'envole vers les États-Unis. Il se rend aux Championnats d'Athlétisme Américain (AAU), prêt à défier les rois du sprint dans leur propre pays, au Charles C. Hughes Stadium de Sacramento. Là-bas, il s'apprête à participer à l'épreuve reine du 100 mètres
C'est la première fois qu'un athlète français bat un record du monde au sprint.
La piste californienne en briques pilées est considérée comme la plus rapide. Le Français est un des trois athlètes non-américains invités à cette compétition. Il va inscrire son nom dans la « nuit de la vitesse ». Les spectateurs assistent à une explosion de performances.
Dans la quatrième série, au coude à coude, Charlie Greene devance Roger Bambuck, crédité du même temps manuel ! L’Américain et le champion de France franchissent la ligne d’arrivée à 10 secondes 0, égalant le record du monde du 100 mètres.
Trois athlètes américains font tomber le record de Roger Bambuck
Roger Bambuck détient le record durant une heure et quarante minutes. Mais en l'espace de 2h30, cinq records du monde sont égalés ou améliorés. En demi-finale, Jim Hines devient le premier athlète à descendre sous les dix secondes avec un temps de 9,9 s. Ronnie Ray Smith, deuxième de la course, égale le record du monde de Hines.
Dans la deuxième demi-finale, Charles Greene l'emporte en 9 s 9 également, et devient le cinquième athlète de la journée à égaler ou améliorer le record du monde. Il devance Lennox Miller et Roger Bambuck qui réalisent le temps de 10 s 0. En finale, après un faux départ de Bambuck et de Mel Pender, le Guadeloupéen court en 10s0 et se classe à la quatrième place. Une finale remportée par l’Américain Charles Greene.
Une carrière achevée à 23 ans
À dix-sept ans, le natif de Pointe-à-Pitre s’élance sur la piste et réalise ses premières courses. En 1964, son record sur 100 mètres est de 10 s 4. À ses premiers championnats de France, il se classe deuxième sur 100 mètres derrière Bernard Laidebeur. Le Guadeloupéen est sélectionné pour les Jeux Olympiques. Quelques jours avant les JO, Bambuck égale le record de France à Fontainebleau en 20 s 7. Il obtient alors le deuxième temps mondial chez les juniors. Un an plus tard, il égale le record de France du 100 mètres en 10 s 2. Aux championnats d’Europe de Budapest, en 66, le sprinteur décroche la médaille d‘argent aux 100 mètres et l’or en 200 m. Il règne sur le sprint continental lorsqu’il bat le record du Monde à Sacramento.
Quelques mois plus tard, aux Jeux Olympiques de Mexico, Roger Bambuck gagne la médaille de bronze du relais 4 fois 100 mètres. Il se classe cinquième aux 100 mètres et aux 200 mètres. Il est l'un des témoins privilégiés lorsque sur le podium de la finale olympique du 200 mètres : les deux Américains, John Carlos et Tommie Smith, se partagent une paire de gants noirs et dressent tous deux un poing rageur vers le ciel. Ce geste de protestation contre la condition des Noirs aux Etats-Unis restera dans l'histoire.
Dans la foulée des JO de Mexico, il met fin à sa carrière à 23 ans. Le record de France du 100 mètres qu'il avait établi en 1968 de 10,11 s ne sera battu qu'en 1987 par Max Morinière. Son record sur 200 mètres 20,47 s tiendra également jusqu'en 1987, battu par Gilles Quénéhervé.
À 78 ans, Roger Bambuck, l'ancien secrétaire d’Etat à la jeunesse et aux sports de 1988 à 1991, revient sur son record du monde du 100 mètres.