Près de quatre ans après l’adoption par l’Assemblée nationale de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen dont l’article 1er proclame que "Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits", l’esclavage est abolit par la Convention national le 4 février 1794.
"La Convention nationale déclare que l’esclavage des Nègres, dans toutes les Colonies, est aboli ; en conséquence, elle décrète que tous les hommes, sans distinction de couleur, domiciliés dans les colonies, sont citoyens Français, et jouiront de tous les droits assurés par la Constitution. – Elle renvoie au comité de salut public, pour lui faire incessamment un rapport sur les mesures à prendre pour assurer l’exécution du présent décret."
Pour autant, ce n’est pas la première fois que l’abolition de l’esclavage est annoncée, puisqu’en 1793, suite aux révoltes dans les colonies et notamment à Saint-Domingue, l’abolition y est proclamée localement afin d’y rétablir l’ordre. C’est dans cette continuité que le décret est adopté par la Convention nationale en début d’année suivante. Surtout, chaque habitant des colonies, peu importe sa couleur, devient citoyen français.
Une situation difficile dans les colonies
En ce début février 1794, la situation de la France est délicate, c’est la période de la Terreur, l’Europe entière lui fait la guerre dans ce qu’on appelle la première coalition et des révoltes royalistes émiettent le territoire. Dans les Outre-mer, l’Angleterre occupe une partie des riches colonies sucrières que sont la Guadeloupe (mais en sont chassés en mai 1794), la Martinique, Sainte-Lucie et les îles de Tobago. La marine française ne peut lutter contre la Royal Navy et dans les colonies restantes aux mains de la République, les insurrections se multiplient.
C’est dans ce contexte particulier que continue la révolte des esclaves à Saint-Domingue, la plus riche des colonies françaises. Commencée en 1791, elle continue avec comme principal leader, Toussaint Louverture. Les revendications d’origines des révoltés avaient pour but la fin de l’esclavage et l’égalité entre les noirs et les blancs. Une revendication obtenue dès 1793 par Sonthonax, le commissaire civil de la République sur place, et confirmée par le décret du 4 février 1794.
Peu appliqué et rapidement abandonné
Il fût plus facile de promouvoir ce décret que de le faire appliquer. Dès le début, les colons et les propriétaires de plantation s’y opposent totalement à l’île de La Réunion et à l’île Maurice. Là-bas, l’abolition n’aura pas lieu. En réalité, son application ne sera effective qu’en Guadeloupe et en Guyane. A Saint-Domingue, ou l’abolition est effective depuis 1793, la guerre fait rage entre les Français et les Espagnols alliés aux Anglais.
Dès 1798, des lois réintroduisent une différence raciale entre les noirs et les blancs. Surtout, en 1802, Napoléon, pour des raisons qui restent relativement obscures, les historiens ne parviennent pas à se mettre d’accord, rétablit l’esclavage. Est-ce par pensée esclavagiste alors qu’il interdira la traite négrière en 1815 ? Est-ce par pression de sa femme, Joséphine, une créole dont la famille possède des plantations ? Est-ce par pression des colons dans les colonies ? Nombreuses sont les hypothèses, mais incertaine en est la véritable raison.
Quoiqu’il en soit, cette première abolition de l’esclavage, qui ne reconnaissait aucun dédommagement pour les anciens propriétaires d’esclaves et qui donnait la citoyenneté à tout homme habitant dans les colonies peu importe sa couleur de peau, fête aujourd’hui ses 128 ans. L’abolition définitive de l’esclavage sera proclamée par la IIe République en 1848.