Deuxième volet de notre enquête. Condamné à 28 ans de prison, le Guadeloupéen Fabrice Boromée purge sa peine dans l’Hexagone depuis 2011. Ce dernier ne souhaite qu’une chose : rentrer chez lui en Guadeloupe, où il est interdit de séjour. Il répond aux questions de La1ère.
Dans le bureau parisien de Me Benoît David, des piles de dossiers s’entassent. Sur leur couverture, le nom de "Fabrice Boromée", suivi du sigle "DPS" : détenu particulièrement signalé. Comprendre par là qu'il ne sort jamais de sa cellule sans une escorte de surveillants casqués. A 34 ans, le Guadeloupéen a déjà passé près de 10 ans de sa vie derrière les barreaux. Déjà incarcéré entre 2004 et 2009 pour des faits de violence avec arme, il retourne en prison en février 2010 suite à un vol de scooter qui a failli tourner au drame. Une condamnation assortie d'une interdiction de séjourner en Guadeloupe. En août 2011, Fabrice Boromée est donc transféré dans l’Hexagone, contre son gré.
>>> LIRE LE PREMIER VOLET DE NOTRE ENQUÊTE : "Transférés dans les prisons de l'Hexagone, comment vivent les détenus d'Outre-mer ?"
Depuis, les incidents violents se multiplient et les peines s’accumulent (voir encadré en bas de page). Initialement condamné à 8 ans de prison, le Pointois purge actuellement une peine de 28 ans. Placé à l'isolement dans la maison centrale de Vendin-le-Vieil (flambant neuve et ultra-sécurisée), le Guadeloupéen a déjà connu plus de dix établissements en métropole. Me Benoît David parle d'ailleurs de "tourisme pénitentiaire". A l'époque de notre entretien, en octobre 2014, Fabrice Boromée était emprisonné à Arles. Lors du traditionnel "coup de fil hebdomadaire" à son avocat, le Guadeloupéen a accepté de nous répondre.
La1ère : Pourquoi est-ce si important pour vous d’être transféré en Guadeloupe ?
Fabrice Boromée : Pour ma famille, pour avoir le parloir, pour voir les miens. Mon frère vit en Guadeloupe. J’avais mon père là-bas, mais il est décédé. Ma mère est morte quand j'avais 8 ans. Il ne me reste que mon frère.
Comment gardez-vous contact avec lui ?
On s'appelle régulièrement, le week-end. C’est plutôt par téléphone, parce qu’il a des difficultés à écrire. Il ne vient pas au parloir non plus, parce que c’est trop cher (la seule personne qu'il rencontre au parloir, c'est son avocat, ndlr).
Les conditions de détention ne sont-elles pas meilleures dans l’Hexagone qu’en Guadeloupe ?
Non, Madame ! Depuis que je suis arrivé ici, je n’ai subi que du racisme, que du cachot, que du mitard, que de l’isolement, que des casques, que des boucliers, que des injustices, vous comprenez ? D'ailleurs, je subis tellement d'injustices que je suis passé de 8 ans à 28 ans de prison.
Vous mentionnez également des problèmes de racisme, est-ce exact ?
Oui, j’en subis beaucoup Madame. Chaque fois que je demande un truc en prison, on l'accorde aux autres, mais jamais à moi. On m’a déjà traité de "sale nègre". Ça m’a poussé à commettre une agression. Après quoi j'ai été placé en quartier disciplinaire, où j’ai subi beaucoup de sévices. Pendant environ trois mois, on m’a jeté mon repas à terre comme à un chien. J’en ai marre de souffrir ici (en métropole, ndlr). Je veux être libre chez moi, voilà tout. C’est mon pays, ça me manque.
Qu’est-ce qui vous manque le plus en Guadeloupe ?
Ma langue ! Le créole. Quel que soit l'établissement, je peux rarement parler ma langue avec qui que ce soit. Alors qu’en Guadeloupe, je suis chez moi, je me sens mieux. Et puis ici, je ne mange pas le repas que j’avais chez moi : les fouyapins, la banane, le madère ! Ici, c’est "petits pois-carottes"... J’ai pas été élevé comme ça, Madame !
>>> DECOUVRIR LE TROISIEME VOLET DE NOTRE ENQUETE : "Le parcours du combattant des détenus longues peines condamnés Outre-mer"
Après la prise d'otage d'un surveillant à Arles il y a quelques mois (pour laquelle il est en attente de jugement), elle pourrait encore augmenter de plusieurs années.
En janvier 2013, le Guadeloupéen avait déjà pris en otage un surveillant de la prison d’Alençon-Condé-sur-Sarthe (Orne). Il réclamait notamment son transfert en Guadeloupe. Il avait alors écopé de huit ans de prison.
Un an auparavant, il avait été condamné à 15 mois ferme pour avoir agressé le directeur de la maison centrale de Clairvaux, lequel venait de lui annoncer le décès de son père à Pointe-à-Pitre. Fabrice Boromée n'avait pas été autorisé à se rendre à l’enterrement.
>>> LIRE LE PREMIER VOLET DE NOTRE ENQUÊTE : "Transférés dans les prisons de l'Hexagone, comment vivent les détenus d'Outre-mer ?"
Depuis, les incidents violents se multiplient et les peines s’accumulent (voir encadré en bas de page). Initialement condamné à 8 ans de prison, le Pointois purge actuellement une peine de 28 ans. Placé à l'isolement dans la maison centrale de Vendin-le-Vieil (flambant neuve et ultra-sécurisée), le Guadeloupéen a déjà connu plus de dix établissements en métropole. Me Benoît David parle d'ailleurs de "tourisme pénitentiaire". A l'époque de notre entretien, en octobre 2014, Fabrice Boromée était emprisonné à Arles. Lors du traditionnel "coup de fil hebdomadaire" à son avocat, le Guadeloupéen a accepté de nous répondre.
La1ère : Pourquoi est-ce si important pour vous d’être transféré en Guadeloupe ?
Fabrice Boromée : Pour ma famille, pour avoir le parloir, pour voir les miens. Mon frère vit en Guadeloupe. J’avais mon père là-bas, mais il est décédé. Ma mère est morte quand j'avais 8 ans. Il ne me reste que mon frère.
Comment gardez-vous contact avec lui ?
On s'appelle régulièrement, le week-end. C’est plutôt par téléphone, parce qu’il a des difficultés à écrire. Il ne vient pas au parloir non plus, parce que c’est trop cher (la seule personne qu'il rencontre au parloir, c'est son avocat, ndlr).
Les conditions de détention ne sont-elles pas meilleures dans l’Hexagone qu’en Guadeloupe ?
Non, Madame ! Depuis que je suis arrivé ici, je n’ai subi que du racisme, que du cachot, que du mitard, que de l’isolement, que des casques, que des boucliers, que des injustices, vous comprenez ? D'ailleurs, je subis tellement d'injustices que je suis passé de 8 ans à 28 ans de prison.
Vous mentionnez également des problèmes de racisme, est-ce exact ?
Oui, j’en subis beaucoup Madame. Chaque fois que je demande un truc en prison, on l'accorde aux autres, mais jamais à moi. On m’a déjà traité de "sale nègre". Ça m’a poussé à commettre une agression. Après quoi j'ai été placé en quartier disciplinaire, où j’ai subi beaucoup de sévices. Pendant environ trois mois, on m’a jeté mon repas à terre comme à un chien. J’en ai marre de souffrir ici (en métropole, ndlr). Je veux être libre chez moi, voilà tout. C’est mon pays, ça me manque.
Qu’est-ce qui vous manque le plus en Guadeloupe ?
Ma langue ! Le créole. Quel que soit l'établissement, je peux rarement parler ma langue avec qui que ce soit. Alors qu’en Guadeloupe, je suis chez moi, je me sens mieux. Et puis ici, je ne mange pas le repas que j’avais chez moi : les fouyapins, la banane, le madère ! Ici, c’est "petits pois-carottes"... J’ai pas été élevé comme ça, Madame !
>>> DECOUVRIR LE TROISIEME VOLET DE NOTRE ENQUETE : "Le parcours du combattant des détenus longues peines condamnés Outre-mer"
Les violences se multiplient, les peines aussi
D'incidents en incidents, la peine de Fabrice Bormée est passée de 8 à 28 ans.Après la prise d'otage d'un surveillant à Arles il y a quelques mois (pour laquelle il est en attente de jugement), elle pourrait encore augmenter de plusieurs années.
En janvier 2013, le Guadeloupéen avait déjà pris en otage un surveillant de la prison d’Alençon-Condé-sur-Sarthe (Orne). Il réclamait notamment son transfert en Guadeloupe. Il avait alors écopé de huit ans de prison.
Un an auparavant, il avait été condamné à 15 mois ferme pour avoir agressé le directeur de la maison centrale de Clairvaux, lequel venait de lui annoncer le décès de son père à Pointe-à-Pitre. Fabrice Boromée n'avait pas été autorisé à se rendre à l’enterrement.