JO Paris 2024. Des frissons au triomphe, l'Olympiade extraordinaire des sportifs d'Outre-mer

Les athlètes ultramarins lors des Jeux Olympiques de Paris 2024.
100 ans après les derniers Jeux Olympiques organisés en France, l’édition 2024 a été une réussite à tous les niveaux. Sur le plan sportif, les athlètes français ont brillé en individuel et par équipes, rapportant un total de 64 médailles. Un record ! Près d'un tiers d'entre elles ont été décrochées par des Ultramarins.

Le triomphe de Teddy Riner. La déception d'Ysaora Thibus. La chute des handballeurs et des footballeuses. La performance de Rénelle Lamote. Les larmes de Vahine Fierro. Pendant quinze jours d'une Olympiade extraordinaire, la France a vibré avec les athlètes bleu-blanc-rouge. Le temps de la compétition, les Français ont mis de côté leurs aspérités pour se réunir derrière leurs champions. C'est historique : la France a remporté 64 médailles, dont 16 en or, et termine cinquième au classement des nations.

Durant ces Jeux Olympiques de Paris, les Ultramarins n'ont pas été en reste. Dès le début de la compétition, fin juillet, les premiers à ouvrir la brèche ont été les acharnés du rugby à 7. Antoine Dupont et ses camarades, dont le Martiniquais Andy Timo, le Guadeloupéen Jefferson-Lee Joseph et le Réunionnais Jordan Sepho, ont fait rêver les Français. Le 27 juillet, dans un Stade de France en fusion, ils ont offert au pays son premier titre olympique en battant les Fidji (28 à 7). Un exploit monumental face à une équipe qui n'avait jamais perdu un match aux JO. Les Bleus ont célébré leur victoire avec une petite chorégraphie sur la pelouse du stade. La machine était lancée, la France allait briller lors de ces Jeux.

Le Martiniquais Andy Timo célèbre après avoir réussi un essai lors du quart de finale de rugby à sept entre l'Argentine et la France lors des Jeux Olympiques de Paris 2024, au Stade de France, le 25 juillet 2024.

Galvanisées par cette première breloque dorée, les différentes délégations françaises ont surfé sur l'euphorie. Littéralement. Car à plus de 15.000 km de Paris, les rois et reines de la glisse ont affronté le redoutable tube de Teahupo'o, en Polynésie française. L'enfant du pays, Kauli Vaast, est resté maître à la maison et est allé chercher son premier titre olympique. Malheureusement, sa coéquipière de toujours, Vahine Fierro, n'a pas réussi l'exploit chez les femmes et s'est inclinée en quarts de finale face à la Réunionnaise Johanne Defay, qui a décroché le bronze.

Toujours dans l’eau, le papillon de Nouméa Maxime Grousset aurait, lui aussi, voulu prendre son envol. Mais il n’a pas réussi à déployer ses ailes vers l'or dans la piscine olympique de Paris La Défense Arena. Engagé dans le 50 m nage libre, 100 m nage libre et le 100 m papillon, sa spécialité, le nageur de 25 ans repart de ses Jeux bredouille. Enfin presque : il a tout de même remporté une médaille de bronze avec ses camarades du relais 4x100 m quatre nages.

Teddy "The Winner"

Si le collectif a étincelé aux JO de Paris 2024, des individualités se sont illustrées par leur triomphe et par le spectacle qu'elles ont offert au public. Le nageur Léon Marchand est de ceux-là. Mais aussi le grand et l'imbattable Teddy Riner. Dès la cérémonie d'ouverture, le Guadeloupéen a été placé sur un piédestal en étant le dernier relayeur de la flamme olympique, aux côtés de Marie-José Pérec. Tout un symbole. 

Puis lors de la compétition, Teddy a fait du Teddy : il a gagné et laissé son empreinte dans l'histoire des Jeux Olympiques. Venu pour reconquérir sa couronne et devenir le judoka le plus titré de l’histoire, il ne s’est pas loupé en remportant son troisième titre olympique en individuel après avoir battu le Coréen Kim Min-jong. Le lendemain, il a récidivé sans forcer et est allé chercher son deuxième titre d’affilée avec l'équipe de judo. Le multi-médaillé s'est tout de suite envolé vers la Guadeloupe pour célébrer ses victoires sur sa terre natale.

Teddy Riner arrive à Pointe-à-Pitre le 6 août 2024 après avoir remporté deux médailles d'or aux Jeux Olympiques de Paris.

Dans la lignée du roi Teddy Riner, d'autres judokas ont aussi brillé sur les tatamis de l'Arena Champs-de-Mars : la Martiniquaise Amandine Buchard et la Guadeloupéenne Sarah-Léonie Cysique ont arraché le bronze. Le Martiniquais Joan-Benjamin Gaba, que personne n'a vu venir, a fait une entrée remarquable dans l'histoire du judo français en terminant deuxième en individuel et en se montrant décisif lors des épreuves par équipes (il a battu le champion japonais Hifumi Abe). 

En escrime, échecs et mat

Si la France se place incontestablement parmi les nations dominantes en judo (10 médailles au total), on aurait aimé pouvoir dire de même concernant l'escrime. Depuis plusieurs éditions, ce sport est l'un des plus pourvoyeurs de médailles pour la délégation française. Mais, à Paris, les escrimeurs tricolores ont perdu de leur superbe.

Le spectacle s'annonçait époustouflant dans un magnifique Grand Palais transformé en enceinte de combat. Si le Guadeloupéen Yannick Borel est allé décrocher la plus belle médaille de sa carrière en accrochant l’argent à l'épée, d'autres ont vraiment déçu en individuel. Ysaora Thibus, Enzo Lefort ou encore Marie-Florence Candassamy ont été éliminés beaucoup trop tôt dans la compétition quand on les attendait triompher. Ils ne rapporteront aucune médaille en individuel à la France.

L'escrimeuse guadeloupéenne Ysaora Thibus lors des épreuves de fleuret aux Jeux Olympiques de Paris 2024.

Heureusement, ils ont pu se rattraper lors des épreuves par équipes sous les yeux de la championne d'escrime Laura Flessel. En épée, les dames, avec les Antillaises Marie-Florence Candassamy, Coraline Vitalis et Alexandra Louis-Marie se sont hissées jusqu'en finale, perdant leur ultime combat d'un rien contre l'Italie. Elles finissent en argent. Au fleuret, le Guadeloupéen Enzo Lefort a emmené son équipe sur la troisième marche du podium. Ouf. La France évite la débâcle et compte tout de même 7 médailles en escrime. Mais, pour la Guadeloupéenne Ysaora Thibus, vaincue dès le premier tour en individuel et par équipes, ces JO sont le point d'orgue d'une saison de calvaire après ses accusations de dopage et sa blessure aux championnats d'Europe. Inconsolable, elle a quitté le Grand Palais par la petite porte.

Rebondir

D'autres Ultramarins sont aussi repartis de ces Jeux à la maison avec une pointe d'amertume et de tristesse, sans réussir à poser un pied sur le podium : les Martiniquais Thomas Vernoux en water-polo et Gaëtan Alin en breaking, le Calédonien Nicolas Goyard en voile, la Réunionnaise Manon Lebon en escalade, les Guadeloupéennes Axelle Etienne en BMX et Amandha Sylves en volley, les joueuses de rugby à 7, la Martiniquaise Davina Michel en boxe, le Guadeloupéen Luidgi Midelton en escrime ou encore l'Antillais Gaël Monfils en tennis. Les gymnastes Mélanie de Jésus dos Santos et Marine Boyer, elles, sont passées à côté de la compétition après la blessure de la Réunionnaise à l'échauffement qui a complètement perturbé l'équipe. Mais, rien de grave pour ces athlètes hoirs pairs : une des grandes qualités des sportifs de haut-niveau est leur capacité à savoir rebondir. Beaucoup donnent déjà rendez-vous aux prochains Jeux de Los Angeles 2028.

Si la jeune grimpeuse réunionnaise Oriane Bertone a fini dernière de la finale d'escalade, elle a montré un vrai potentiel pour la suite de sa carrière sportive. Elle sera sans aucun doute une adversaire redoutable dans les prochaines années. Pareil pour la Guadeloupéenne Rénelle Lamote, classée cinquième de la finale du 800 m : si elle ne décroche pas de médaille, elle fait la meilleure performance d'une Française depuis les JO de 1964. De bon augure pour la suite. Ou encore pour la Martiniquaise Célia Joseph-Noël, sixième en gymnastique ryhtmique avec ses coéquipières. La nageuse calédonienne Emma Terebo, aussi, s'est montrée remarquable dans le bassin olympique de Paris La Défense Arena, avec deux finales à son compteur.

La Guadeloupéenne Rénelle Lamote après sa finale du 800 m aux JO de Paris, le 5 août 2024.

Les athlètes tricolores, qui n'ont pas été extraordinaires sur les pistes violettes du Stade de France, n'auront pas le choix de rebondir. Les résultats d'athlétisme se sont révélés décevants pour la France, comme aux derniers championnats du monde. Y compris pour les Ultramarins. Gilles Biron a complètement raté son 400 m, Laëticia Bapté n'a pas terminé son 100 m haies assez rapidement, le Polynésien Teuraiterai Tupaia, blessé au coude, n'est pas parvenu à envoyer son javelot dans la stratosphère...

Mais tout n'est pas à jeter pour autant, loin de là. Le Martiniquais Wilfried Happio, visé par une enquête pour violences conjugales, a raté de peu sa qualification en finale du 400 m haies. La Guyanaise Gémima Joseph, pas encore assez rapide sur le 100 m, a suscité beaucoup d'espoir au 200 m mais a été éliminée en demi-finales. Sans parler de la très bonne course du premier Mahorais à participer à des Jeux Olympiques, Raphaël Mohamed, qui n'est pas passé loin d'une place en finale du 110 m haies (comme son coéquipier guadeloupéen Wilhem Belocian). 

Les différents relais ont aussi relativement bien performé et se sont tous hissés en finale. Un véritable exploit. Malheureusement, malgré la présence de Fabrisio Saïdy (4x400 m mixte et masculin), Gémima Joseph (4x100 m féminin), Gilles Biron (4x400 m masculin) et Alexe Déau (4x400 m féminin), les équipes n'ont pas franchi la ligne d'arrivée dans le trio de tête. La France ne compte donc qu'une seule médaille en athlétisme (celle de Cyréna Samba-Mayela au 110 m haies).

Les derniers frissons

Si l'athlétisme a représenté un petit creux dans la vague des médailles françaises, le frisson de la victoire est réapparu dans les derniers jours des Jeux Olympiques. Parmi les belles surprises, on peut citer le jeune antillais Cyrian Ravet en taekwondo. L'athlète de 22 ans aura insufflé une vague de fraicheur lors de ses combats et sa belle médaille de bronze augure de belles choses pour l’avenir. "Je veux suivre les traces de Pascal Gentil [ancien taekwondoïste originaire de la Martinique, NDLR] et je vous donne rendez-vous déjà pour les Jeux de Los Angeles en 2028", disait-il à la sortie de son dernier combat.

Les sports collectifs ont donné des sueurs froides aux supporters, qui rêvaient de voir la France décrocher une nouvelle médaille d'or en compétition par équipes, après celle du rugby à 7. Mais les matchs, souvent très serrés, ont été plus que tendus. Les handballeurs, pourtant champions olympiques en titre, n'ont pas résisté à la pression et se sont faits éliminer en quarts de finale, tout comme les footballeuses de Wendie Renard.

En revanche, l'espoir était immense pour les équipes de France de basket (masculine et féminine), les Bleuets de Thierry Henry et les handballeuses, venues défendre leur titre arraché à Tokyo. Mais la dure réalité du sport a rattrapé les valeureux athlètes : ils se sont tous inclinés en finale, après des matchs souvent irrespirables. Ils ratent tous la médaille d'or de très peu. Mais ressortent tout de même fiers avec une médaille d'argent bien méritée.

L'équipe de France féminine de basket termine les Jeux Olympiques de Paris 2024 sur une belle médaille d'argent.

Les frissons sont aussi venus de la Concorde, à Paris. Première inédite pour le Guyanais Danis Civil, alias Dany Dann, qui a enflammé la piste de danse et a marqué l'histoire du breaking en étant sacré tout premier vice-champion olympique de la discipline. La breakdance, qui a fait son apparition aux JO à Paris 2024, ne sera plus au programme des Jeux de Los Angeles, dans quatre ans. Le bboy pourrait donc bien rester le seul et unique détenteur de la médaille d'argent.

De l'argent, de l'argent et encore de l'argent... Malgré les prouesses des athlètes, on ne pouvait pas finir les JO par ces frustrantes deuxièmes places. C'est alors qu'entre en piste Althéa Laurin, jeune taekwondoïste de 22 ans originaire de Martinique. Samedi soir, à la veille d'éteindre le flambeau olympique et de passer le relais de l'organisation des Jeux aux Américains, elle a décidé de marquer son histoire, celle de son sport, et celle du pays en remportant la toute première médaille d'or française de taekwondo. La Martiniquaise, brandissant fièrement le drapeau bleu-blanc-rouge dans l'enceinte du Grand Palais, a donc passé autour de son cou la plus belle des breloques. La 16ème (et dernière) médaille d'or française.

La France conclut donc ces Jeux historiques de la plus belle des manières. Après les larmes, la rage, la joie, la souffrance et le triomphe, les athlètes ont fait leurs adieux aux Jeux de Paris 2024. La ferveur reprendra (on l'espère !) d'ici la fin du mois d'août pour les Jeux Paralympiques. À l'image de la délégation française, les Ultramarins ont resplendi de Tahiti à la capitale, sur les terrains ou dans les arenas. Ils ont remporté 19 médailles, dont 5 en or. Suffisant pour se permettre de qualifier les Outre-mer de "terres de champions".