Raphaël Mohamed vit et s'entraîne au CREPS de Poitiers depuis 2019. Son menu hebdomadaire ? Il mange des haies, dévore des séances de kiné et déguste un peu de muscu. Une activité copieuse. Riche. Qu'il ne peut digérer qu'en se reposant. Le régime classique d'un athlète de haut-niveau. Qui reconnaît tout de même s'adonner à un autre type de sport : "Les jeux vidéo ? C'est vrai, je pratique beaucoup. En ce moment, je suis à fond dans Call of Duty. Nous jouons en ligne avec pas mal d'athlètes de mon groupe d'entraînement. Au début, Just Kwaou-Mathey était imbattable. Mais c'est en train de s'équilibrer." Comme quoi, sur une piste d'athlétisme ou avec une manette de jeu dans la main, le Mahorais demeure un compétiteur né.
Un cross scolaire a tout changé
Raphaël Mohamed est né à Saint Paul à La Réunion. Une enfance heureuse dans ce département. Et une découverte de l'athlétisme qui tient du hasard. "Je devais être en classe de quatrième et j'ai pris la troisième place d'un cross scolaire. Le vainqueur avait droit à une licence d'athlétisme gratuite. Or, les deux premiers du cross ont refusé le prix." Le Mahorais n'a que 13 ans. Il ne le sait pas encore mais sa vie va changer.
À l'US Pointe-des-Galets, Raphaël goûte à toutes les disciplines. "Même si j'ai très vite eu une préférence pour les haies, la longueur et la hauteur." Les haies finissent par l'emporter. "Je pense que j'avais mieux compris la technique de cette discipline." Et surtout, ses chronos baissent. "Attention, je faisais peut-être partie des meilleurs hurdleurs à La Réunion sans pour autant être LE meilleur. Ce n'est que plus tard, dans la catégorie junior, que j'ai commencé à atteindre les finales des championnats de France."
Changement de dimension à Poitiers
En 2019, Cédric Lopez, l'entraîneur de Raphaël à La Réunion lui fait un beau cadeau. Il explique au Mahorais que ses progrès futurs passent par l'exil. Il l'invite donc à rejoindre l'Hexagone. "Ce fut un gros choc malgré tout. Je quittais mon cocon." Raphaël Mohamed pose ses valises à Poitiers. Au CREPS. Où il intègre le groupe coaché par Fabien Lambolez. "C'est une chance de pouvoir s'entraîner avec Just Kwaou-Mathey, Pablo Matéo ou Jeff Erius. Ça crée une vraie dynamique."
Et la dynamique paie. L'hiver dernier, le Mahorais a battu son record en salle sur le 60 mètres haies. 7 secondes 73. Et avec un meilleur chrono à 13 secondes 56 sur le 110 mètres haies, le sociétaire du RC Mamoudzou peut se montrer ambitieux pour l'été prochain. "J'attends beaucoup des Jeux des îles à Madagascar. Je vise un podium. Voire le titre. Pourquoi pas ?" Bref, une belle répétition avant les JO de Paris 2024. "Les JO, oui, bien sûr. Sauf que se qualifier sur les haies quand on est Français, c'est chaud. Il faut faire partie des trois meilleurs. Et quand on connait la densité tricolore sur les haies…"
Besoin de chaleur
Ce qui manque le plus au Mahorais en exil ? Le soleil et la chaleur. Bonne nouvelle : Raphaël Mohamed part en stage à Majorque. "Quinze jours avec mon groupe d'entraînement à Magaluf, au sud de l'île de Majorque. La deuxième quinzaine d'avril. L'occasion pour moi de travailler ma vitesse… sous le soleil." Sous le soleil et en bonne compagnie. Le groupe de Poitiers devrait partager ses séances avec ceux de Benjamin Crouzet et Olivier Vallaeys. Traduction : Pascal Martinot-Lagarde et Wilfried Happio seront aussi de la fête. Voilà qui promet un rassemblement explosif.
Raphaël est un personnage multiple. Né à La Réunion. Une maman mahoraise. Un papa comorien. Même s'il se sent Mahorais, l'île Bourbon conserve une place toute particulière dans son cœur. "Forcément. J'ai grandi là-bas. J'y étais encore en décembre dernier pour un stage. Je peux vous dire que c'était super." Serait-il devenu un Réunionnais d'adoption ? "Pas du tout. Loin de moi l'idée de renier mes racines mahoraises et comoriennes. Il n'empêche qu'après ma carrière, je me verrais bien retourner vivre à La Réunion."