Le marronnage, mouvement révolutionnaire ou de résistance des esclaves noirs ?

Le Marronnage est l'un des visages de la résistance des esclaves
À l'occasion du début du mois des mémoires, consacré à la mémoire de l'esclavage, nous vous proposons d'écouter sous la forme originale d'un podcast la définition du mot : marronnage. Avec le comédien Yao Louis decouvrez la lettre M de l'Abécédaire des Outre-mer.

“Neg mawon”, vous avez sans doute déjà entendu ce terme quelque part. Peut-être avec le groupe de hip-hop à la mode dans les années 2000 et qui portait ce nom. “Fiers d’être Neg’Marrons”, c’était même l’une de leurs chansons. Alors vous vous en doutez, neg mawon est une contraction de "nègre" et cette expression est le fruit de toute une histoire.  Le nègre marron était le nom attribué à celui qui s’était rendu coupable de marronnage. Nous y voilà : M comme marronnage. C’est au temps de l’esclavage que ce terme a vu le jour. Au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, des milliers d’hommes et de femmes esclavisés se sont enfuis des domaines de leurs maîtres pour trouver refuge dans des lieux reculés. C’était ça le marronnage : avoir fui la plantation et tenter de vivre libre.

Le terme provient de l’espagnol “cimarrón” qui signifie “celui qui vit sur les cimes”. Le mot désignait à l’origine du bétail échappé dans les collines de l’île d’Hispaniola, aujourd'hui Haïti et la Républicaine dominicaine. Lors de la conquête espagnole, le terme aurait peu à peu été utilisé pour qualifier les Amérindiens qui se révoltaient et partaient se réfugier dans les montagnes. Il se serait ensuite répandu dans toutes les colonies, aux Antilles, en Guyane, à La Réunion, pour désigner les esclaves en fuite. 

Installation de statues, musée du Marronnage du Dimitile à La Réunion

Différentes formes de marronnages

Tout au long de l’époque coloniale, le marronnage a pris des formes diverses. Les fugitifs pouvaient s’échapper seuls ou à plusieurs, discrètement ou avec violence, de façon temporaire ou définitive. La géographie des lieux était généralement un allié naturel. En Martinique et en Guadeloupe, ces hommes et ces femmes pouvaient aisément trouver des milieux montagneux pour se réfugier. Idem à La Réunion où ils pouvaient aussi gagner des vallées reculées ou les flancs difficilement accessibles du Piton de la Fournaise. En Guyane, c’est la forêt qui constituait le meilleur refuge.  

L’évasion. Tony de B. del. In : Les Marrons, L.-T. Houat, Paris, Ebrard, 1844.

Un acte de résistance 

Mais pour beaucoup, le marronnage n’était pas qu’une simple fuite. C’était un vrai acte de résistance contre l’esclavage. Nombre de fugitifs se rassemblèrent pour former des groupes plus ou moins organisés loin des regards. Dans ces refuges, les marrons pouvaient continuer de faire vivre les traditions des régions africaines auxquelles ils avaient été arrachés. Et il arrivait parfois que ces communautés organisent des raids pour piller des plantations ou libérer d’autres esclaves.

La Réunion : champ de canne à sucre, en arrière plan le Grand Bénare et le Dimitile

 

 À l'origine des nombreuses légendes 

Le marronnage fit aussi naître de vraies légendes. À La Réunion, il y a par exemple celle du roi Phaonce. L’histoire raconte que Phaonce était un chef marron dont le royaume s’étendait entre le Piton Rouge, le Petit Bénare et le Grand Bénare dans les hauteurs de l’île. Il aurait été tué par un “chasseur de marrons” qui lui aurait coupé une main et une oreille pour les rapporter à son maître.

Oui, vous avez bien entendu un “chasseur de marrons”. Parce que face à la multiplication des fuites, certains propriétaires n’hésitèrent pas à engager des traqueurs pour ramener les marrons “morts ou vifs”. À leur retour, s’ils étaient vivants, les prisonniers étaient tués ou cruellement punis. L’un des châtiments consistait à leur mutiler le tendon d’Achille pour les empêcher de courir.

Bushinengué dans une pirogue sur le fleuvre Maroni près de Saint-Laurent de Maroni en Guyane

 Les irréductibles

Cependant des camps de marrons résistèrent jusqu’à l'abolition de l’esclavage en 1848. En Guadeloupe, les historiens citent l’exemple du camp de Keller ou Mondong, établi dans les massifs montagneux. Les derniers chefs de ce camp furent Mokachi, Grand-Papa et Bonga. En Guyane aussi, le marronnage a pris une telle ampleur que les fugitifs réfugiés sur les rives du fleuve Maroni ont formée des groupes qui donnèrent naissance à des peuples qui existent encore tels que les Saramakas et les Alukus (ou Bonis).  Aujourd'hui, les peuples marrons partagent tous le nom de Bushinengués.

Découvrez ici toutes les lettres de : l’Abécédaire des Outre-mer. 

Production : Initial Studio 
Écriture et recherches : Emeline Férard
Interprétation : Yao Louis, avec la contribution de Louise Nguyen
Réalisation et musique : Victor Benhamou et Johanna Lalonde 
Direction éditoriale pour Outre-mer la1ère : Fabrice Hochard et Jean-Marc Party