On connaissait Arnaud Dolmen, Sonny Troupé ou Grégory Privat. Dans le sillage de cette talentueuse et jeune génération d’artistes antillais remarquée ces temps-ci (Arnaud Dolmen, révélation 2022 aux Victoires du jazz, Grégory Privat récemment distingué par l’Adami), il faudra sans doute bientôt compter avec Jimmy Felvia, pianiste martiniquais ("On s’entraide tout en conservant notre personnalité" fait-il remarquer), que l’on pourra entendre en trio mardi 4 avril au Duc des Lombards.
Il y présentera son troisième album Convergence, une dizaine de titres qui traduisent l’esprit dans lequel l’album a été conçu : une convergence d’idées, d’êtres humains et d’énergie. "C’est un album 100% instrumental en trio, issu d’un travail de synthèse entre la musique traditionnelle martiniquaise et ma vision d’un jazz contemporain. Je ne voulais pas d’un album qui dise la même chose que le précédent. Il m’a fallu du temps pour trouver la bonne inspiration et la bonne orientation".
Ensuite, Jimmy Felvia a mûri les morceaux en live dans les clubs et dans les festivals. C’est-à-dire qu’à la réécoute, il a retenu ce qui lui plaisait dans un morceau en laissant de côté le reste. Ce qui a pris beaucoup de temps.
Spirit Up trio, son précédent opus sorti en 2013 que vous pouvez écouter ci-dessus, convoquait une ambiance plus urbaine avec un mélange hip-hop et des plages chantées. Ce changement de registre dit bien l’évolution de la réflexion de l’artiste. "Je ne recherche pas des prouesses techniques. J’essaie plutôt de créer un univers. J’aime bien quand les gens me disent : 'On a voyagé dans le temps et on a eu des émotions'". A 38 ans, il dit s’être épanoui dans ces compositions instrumentales où "il avait suffisamment à dire tout seul sur des compositions plus précises".
Dans le groupe Kassav, je ne regardais que le pianiste. Je sentais déjà la particularité de cet instrument qui synthétise l’aspect mélodique, harmonique et rythmique de la musique.
Jimmy Felvia
Fils d’un musicien, Jimmy est plongé jeune dans le milieu artistique. À six ans, il accompagne son père saxophoniste dans les bals, tient à l’occasion la clave ou joue des bongos. Le piano, il le découvre chez sa grand-mère, fasciné qu’il est par l’instrument. "Dans le groupe Kassav’, je ne regardais que Jean-Claude Naimro, le pianiste. Je sentais déjà la particularité de l’instrument qui synthétise l’aspect mélodique, harmonique et rythmique de la musique".
Paradoxalement, c’est Barel Coppet, le célèbre clarinettiste, qui lui donne ses premières leçons. "Avec le recul, j'ai pris conscience que chez nous aux Antilles, nous avons un contact festif et de danse avec la musique. Les études sont venues par la suite. À Paris, où c’est très académique".
Des quatre années passées à la Bill Evans Piano Academy, il en retirera nécessairement une connaissance plus fine du jazz, lui dont les premières icônes étaient surtout caribéennes comme Paulo Rosine, Mario Canonge, Alain Jean-Marie ou Marius Cultier. "C’est avec Chick Corea que j’ai découvert le jazz à 14 ans. J’aimais, mais j’y trouvais un aspect inaccessible."
La Bill Evans Piano Academy lui a permis de comprendre ce qu’il jouait. Il y a aussi développé sa ligne de conduite : proposer quelque chose d’international mais de différent des artistes américains ou caribéens, quelque chose de singulier et de légitime.
Jimmy Felvia a beaucoup accompagné. Victor O, E. Sy Kennenga, Kali, Maurice Bouchard, des artistes cubains. C’est l’une des raisons pour lesquelles il ne propose que son troisième album. Pour l’aboutissement de Convergence, il a fait appel à Michel Alibo à la basse et à la contrebasse, Tilo Bertholo à la batterie, et Thierry Jean-Pierre, un autre bassiste. En lisant ces noms, les connaisseurs comprendront l’urgence à aller voir ce pianiste ce mardi 4 avril.