Le journaliste martiniquais Olivier Dubois, qui vit et travaille au Mali depuis 2015, avait lui-même annoncé son enlèvement dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux le 5 mai 2021.
Il y expliquait avoir été kidnappé le 8 avril à Gao, dans le nord du Mali, par le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM), principale alliance jihadiste au Sahel, liée à Al-Qaïda.
Le Parquet national antiterroriste (Pnat) avait ouvert une enquête préliminaire pour "enlèvement en bande organisée" et "en relation avec une entreprise terroriste".
L'accès aux investigations
Une information judiciaire a été ouverte le 3 octobre et confiée à des juges d'instruction du pôle antiterroriste du tribunal de Paris, a précisé la source judiciaire ce mardi 10 janvier.
L'avocat de la famille d'Olivier Dubois, Me Laurent Bayon, s'est félicité auprès de l'AFP "de l'ouverture de l'information judiciaire qui permet d'accéder aux investigations conduites par le Pnat" lors de l'enquête préliminaire. Dans le dossier figure également la procédure de la justice malienne, a-t-il précisé.
En apprenant l'ouverture de l'information judiciaire, l'ONG Reporters sans frontières (RSF) a annoncé qu'elle se portait partie civile pour "accompagner les familles" et suivre l'enquête.
"Une forme de pression"
Contacté par la rédaction radio d'Outre-mer la 1ère, le responsable du bureau Investigation de RSF, Arnaud Froger, a expliqué en quoi cette nouvelle étape était importante.
"Le dispositif tel qu’il est conçu dans ce genre de situation permet dans un premier temps aux services de sécurité, de renseignements de travailler dans une très très grande discrétion, puisque personne n’a accès aux informations qui ont pu être obtenues", contextualise-t-il.
"Là, on arrive dans une nouvelle étape où ces deux juges qui ont été nommés vont enquêter en toute impartialité et en toute indépendance sur les faits qui ont été constitués et sur ce qu’il est possible de savoir sur sa séquestration, sur les conditions de son enlèvement", poursuit-il.
Pour lui, "le fait que la justice avance, c’est aussi une forme de pression qui est mise sur les autorités [maliennes et françaises, NDLR], sur l’exécutif pour faire libérer au plus vite Olivier Dubois. Ça devrait en tout cas participer à une forme de regain de mobilisation afin d’obtenir sa libération."
Une "bouffée d'air frais"
Tout en restant prudent, Arnaud Froger dit ne pas avoir "de raison de penser qu’Olivier Dubois n’est plus en vie, il y a plusieurs preuves de vie qui pour certaines ont été rendues publiques".
La dernière remonte à une deuxième vidéo d'Olivier Dubois diffusée le 13 mars 2022 sur les réseaux sociaux, sans indication sur la date à laquelle elle avait été tournée.
Sur les images, l'otage, qui semblait en bonne santé, s'était adressé à sa famille et au gouvernement français en demandant de "continuer à faire son possible" pour sa libération. Le journaliste, âgé de 48 ans et père de deux enfants, mentionnait également les messages de ses proches, qualifiés de "bouffée d'air frais", qu'il recevait via la radio RFI.
Mais la junte malienne a suspendu le 17 mars 2022 la diffusion de RFI et de la chaîne de télévision France 24 dans un contexte de tensions avec la France.
"Record" de captivité
"Depuis les otages au Liban, dans les années 1980, il y a plus de 30 ans, aucun journaliste n'a été retenu en captivité aussi longtemps", avaient rappelé 40 rédacteurs en chef de médias francophones dans une tribune publiée par le quotidien Libération en octobre, soit 18 mois après l'enlèvement d'Olivier Dubois.
Sa famille a lancé en 2022 une pétition en ligne pour demander sa libération et réalisé une vidéo pour le premier anniversaire de son enlèvement afin de sensibiliser le public.
Le 8 janvier dernier, son comité de soutien rappelait sur les réseaux sociaux que cela faisait déjà 21 mois que le Martiniquais était retenu en otage. Un triste anniversaire rapporté également par Martinique la 1ère.
Les autorités françaises assurent régulièrement rester mobilisées pour mettre fin à la captivité du journaliste, qui travaille pour Libération, Le Point et Jeune Afrique.
Olivier Dubois est le seul otage français recensé non retenu par un État dans le monde depuis la libération en octobre 2020 de Sophie Pétronin, également enlevée au Mali.