Le "Mwakast", podcast engagé du Guadeloupéen Samora Curier

Connaissez-vous le “Mwakast” ? Ce podcast lancé par Samora Curier rencontre depuis trois ans un succès grandissant sur les plateformes d’écoute. Entouré d’invités, le Guadeloupéen questionne à son micro l’identité antillo-guyanaise. Rencontre près de Paris avec un passionné.

Tout commence avec ce titre choisi comme un pied de nez. En 2018, alors qu’il est installé en région parisienne depuis une dizaine d’années, le Guadeloupéen Samora Curier lance le “Mwakast”, contraction de podcast et de “mwaka”, expression souvent péjorative utilisée pour désigner les Antillais de l’Hexagone.

Trois ans et un peu plus d’une quarantaine d’épisodes de son émission plus tard, le trentenaire reçoit dans son appartement-studio d’enregistrement de Saint-Ouen. “ A l'époque, je voulais créer un espace safe de discussions pour les Antillo-Guyanais de l’Hexagone afin de parler de notre identité une fois qu’on est confrontés pendant une longue période à une autre culture, un autre mode de vie”, se souvient Samora Curier, attablé dans la cuisine. Le web-designer, passionné de médias et de technologies s'interroge aussi sur sa place depuis son arrivée à Paris. 

Quand on est en Guadeloupe, on est Guadeloupéen. Quand on est en Martinique, on est Martiniquais mais c'est ici, dans l'Hexagone, que l'on devient "les Antillais". Au fait, ça veut dire quoi être Antillais ?

Samora Curier

 

Avec cette question en toile de fond, il décide de créer le "Mwakast", investit dans du matériel, installe un studio d'enregistrement dans une pièce de son appartement et se lance dans l'excercice de l'interview. 

Un partage d'expériences 

A son micro défilent alors des ami.es, des sociologues, des sportifs comme la championne guyanaise de natation Malia Metella, des artistes comme le réalisateur martiniquais Cedric Richer ou encore l'une de ses idoles, la "madone" du groupe Kassav' Jocelyne Béroard. S'engagent alors des discussions autour de l'Histoire des Antilles, de la culture de la Caraïbe, des difficultés à trouver sa place et des préjugés encore tenaces auxquels il faut faire face. "Le podcast me permet de rencontrer d'autres personnes qui vivent les mêmes expériences que moi et d'apprendre aussi des méthodes d'autodéfense", confie le jeune homme. 

Rencontre avec Samora Curier, créateur du "Mwakast" signé Hodane Hagi Ali

 

En échangeant avec d'autres, Samora Curier livre un peu de lui.  "Je viens d'une famille qui m'a toujours appris à me méfier un peu de l'Hexagone. On appelait ça Babylon, l'endroit où l'on peut se perdre. J'essaye de ne pas oublier qui je suis et d'où je viens". Et c'est à Trois-Rivières, "plus belle commune de Guadeloupe" - selon lui - que Samora Curier a grandi dans les années 90. Une enfance baignée "dans l'esprit de révolte" de ses parents, anciens militants indépendantistes.

Une plateforme présente sur tous les réseaux sociaux

Lors d'un récent séjour chez eux, Samora Curier s'est d'ailleurs plongé dans cette histoire familiale en tendant son micro à son père, ancien sécrétaire de l'UTS-UGTG, l'Union des Travailleurs de la Santé. Des échanges qu'il a mis en ondes dans son documentaire "Kaskod". Cette année, le passioné a multiplié les formats et fait évoluer le "Mwakast", devenu désormais une réelle plateforme, présente sur les réseaux sociaux.

Des auditeurs qui ne sont pas antillo-guyanais ou africains partagent et apprécient le podcast. Ça me fait plaisir et ça veut dire que nos sujets sont universels.

Samora Curier

 

Avec environ 6 000 écoutes mensuelles, mais aussi des réels, ces vidéos courtes partagées sur Instagram, vues jusqu'à 300 000 fois, le "Mwakast" semble avoir trouvé son public. De là à ce que le trentenaire s'y consacre à temps plein ? Samora Curier confie y réflechir tout comme il envisage de retourner s'installer en Guadeloupe. 

Mille et une manière "d'être Antillais"

Alors finalement, on l'interroge : c'est quoi être antillais ? "Quand j'ai lancé le podcast, je cherchais la meilleure version, la bonne définition. Ce que j'ai découvert au fur et à mesure des 40 épisodes, c'est qu'il n'y a pas une seule bonne réponse", explique Samora Curier.

Il ajoute : "Je dirais qu'être antillais, c'est avoir conscience de son histoire et l'utiliser comme un terreau pour agir concrètement pour nos territoires. Être Antillais, c'est être conscient de ce sacerdoce". Un défi que le trentenaire endosse avec fierté sans jamais se départir de son second degré. Pour preuve, depuis son lancement, le "Mwakast" reste sous-titré : "le podcast des gens qui prononcent le mot goyave correctement".