Le système de mutation des policiers désavoué par le tribunal administratif

Le tribunal administratif de Paris demande au ministère de l’Intérieur d’annuler sa liste de mutation des policiers pour 2014. En clair, le système des mutations est considéré comme opaque. A l’origine de cette procédure, deux policiers qui réclamaient leurs mutations outre-mer.
En novembre 2014, La1ere.fr racontait le parcours d’Eric Grondin, policier originaire de La Réunion qui souhaitait rentrer sur son île. En poste à Paris, il cumulait les week-ends, faisait en sorte de n’avoir aucun avancement, dans l’espoir de rejoindre sa femme et ses enfants installés à La Réunion.
 

Un système opaque

Ce cas n’est pas isolé et il était d’autant plus douloureux qu’il plane sur les mutations Outre-mer dans la police un fort soupçon d’injustice. Anne Constance Coll, avocate au barreau de Paris, spécialiste de Droit public a reçu dans son bureau de Corbeil Essonnes des dizaines de policiers frustrés de ne pas obtenir leurs mutations pour des raisons opaques.

Anne-Constance Coll, avocate au barreau de Paris, spécialiste de Droit public
 

Trois policiers courageux

Parmi eux, trois fonctionnaires de police se sont décidés à porter plainte. "Il leur a fallu beaucoup de courage, explique Anne-Constance Coll à La1ere.fr. Ils ont dû engager des frais, sans aucune aide". Sans l’appui des syndicats et face au risque de représailles de leur administration, ces policiers ont malgré tout obtenu gain de cause devant le tribunal administratif.

La liste de 2014 annulée 

Pour deux d’entre eux, la mutation désirée se trouvait Outre-mer, pour l’un en Guadeloupe, l’autre à La Réunion. Le tribunal administratif de Paris a décidé le 28 janvier dernier "d’annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l’Intérieur a rejeté (leurs demandes) de mutation ainsi que la liste, communiquée par le ministre de l'intérieur, des fonctionnaires de police nationale devant faire l’objet d’une mutation au titre de l’année 2014".
 

Un système qui explose

En clair, les 1100 personnes qui ont obtenu une mutation cette année-là devraient logiquement voir leurs dossiers réexaminés. C’est logiquement tout le système qui explose. "Il était temps ! Pour l’avocate Anne-Constance Coll, ce système est totalement opaque. Il y a trois listes dont une que l’on peut qualifier de liste piston", explique-t-elle.
 

Comment ça marche ?

D’abord, un télégramme est envoyé par fax aux policiers dans lequel figurent les postes vacants. Les policiers peuvent postuler en fonction de leur nombre de points (en fonction de leur ancienneté) ou de leurs situations particulières (familiales ou de santé). Quelques mois plus tard, un deuxième télégramme est publié avec la liste des transferts.  Enfin une troisième liste, la fameuse "liste piston" selon Anna-Constance Coll, sort "avec des noms de personnes qui n’ont pas forcément le nombre de points requis ou moins que d’autres postulants. Mais surtout, dans cette liste figure des postes en particulier Outre-mer qui n’étaient pas dans le premier télégramme"
 

Injustice pour les originaires d'Outre-mer

Dans Le Parisien, Denis Jacob, secrétaire général du syndicat Alternative Police nationale-CFDT confirme les propos de l’avocate : "le système actuel est pervers et clientéliste. Bénéficiant trop souvent à une minorité au détriment de la majorité". Lui-même dénonce "le piston syndical". Les originaires d’Outre-mer, très présents dans la police font souvent les frais de cette injustice. Repartir Outre-mer n’est pas une mince affaire. Les postes à Bordeaux, Biarritz, Nantes, La Réunion ou les Antilles sont très demandés.

Le ministère de l’Intérieur va-t-il rapidement réagir ?

C’est toute la question. Anne-Constance Coll note que l’un de ses trois clients a déjà vu sa mutation à Bordeaux se concrétiser suite à la décision du tribunal administratif. Les deux policiers demandant leurs mutations à La Réunion et en Guadeloupe attendent encore.

Rétropédalage coûteux

Pour Jimmy Terrine, le président de GPX Outremer, le syndicat des gardiens de la paix originaires d'Outremer, les décisions rendues par le tribunal administratif vont poser problème. "Les personnes qui ont été mutés depuis deux ans ont été affectés, précise-t-il au micro de Tiziana Marone d'Outremer 1ère, donc soit il va falloir légitimer leur affectation, ce que j'espère pour eux, soit il va falloir faire un rétropédalage, ce qui va coûter extrêmement cher à l'administration pour faire revenir les fonctionnaires avec leurs familles, sans compter les frais de déménagement".

Avis mitigé

Le syndicaliste a donc globalement un avis mitigé sur les décisions du tribunal administratif. "Ce n'est pas la première fois que des collègues saisissent les tribunaux", ajoute-t-il. Jimmy Terrine craint que ces décisions remttent en cause la manne des mutations ponctuelles. "C'est un atout pour les syndicats, explique le président de GPX, c'est ce qui leur permet de défendre certaines situations de mutation avec un regard plus humain que l'administration. Mais d'un autre coté, avoue le syndicaliste, certains en ont profité par le passé. Or ils n'avaient pas la légitimité et des collègues se sont retrouvés lésés".