Dans les cours de récréation des écoles de Fort-de-France, la pointe de vitesse de Robert Sainte-Rose force l’admiration de tous ses camarades. Dès 12 ans, il débute l'athlétisme et porte les couleurs du Club Colonial. Le Martiniquais prend son envol et enjambe 1,70m au saut en hauteur dans une compétition interscolaire où il remplace au pied levé un coéquipier. Le timide adolescent explore plusieurs sports. Il cultive deux autres passions, le football et le basket-ball et s'inscrit simultanément au club omnisports du Good Luck. En 1961, l'Antillais se rend aux Jeux de la Communauté à Abidjan, en Côte d'Ivoire. À son retour, il intègre le Bataillon de Joinville. Sous les drapeaux, il progresse et son choix se porte définitivement sur le saut en hauteur.
Toujours plus haut, toujours plus loin, toujours plus fort, pendant cinq années consécutives, il domine le saut en hauteur et remporte le titre de champion de France. Dès 1964, à Tokyo, il participe à ses premiers Jeux Olympiques. Aux championnats d’Europe, en 1966, à Budapest, les Tricolores réalisent un doublé. Madubost et Sainte-Rose franchissent consécutivement la barre de 2,12m, l'un à son deuxième essai, et l'Antillais, à la troisième tentative. Madubost obtient le titre européen. Le Foyalais monte sur la seconde marche du podium continental. Deux ans plus tard, Robert est sélectionné aux JO de Mexico.
Robert Saint-Rose témoin de deux événements historiques au JO 1968
Assis dans les tribunes du Stade Olympique Universitaire de Mexico, le Martiniquais assiste à l'une des manifestations politiques les plus importantes de l'histoire des Jeux olympiques. Pendant les cérémonies de remise de médailles, deux Américains Tommie Smith et John Carlos, montent sur la première et troisième marches du podium du 200m, en chaussettes et lèvent un poing ganté de noir pendant l'hymne américain. Ils protestent contre le racisme aux États-Unis. L’image fera le tour du monde. La nuit suivante, les deux Afro-Americains sont exclus et expulsés du village olympique.
4 jours plus tard, dans la même enceinte, Robert Sainte-Rose se présente à la finale du saut en hauteur. Une véritable révolution se joue sous les yeux du Martiniquais et des 80 000 spectateurs fascinés. Les compétiteurs sont adeptes des traditionnels sauts du rouleau ventral au-dessus de la barre à l’horizontale. Des athlètes observent avec stupéfaction un Américain.
JO 1968, sa première rencontre avec Dick Fosbury
Dick Fosbury réalise un saut dorsal inédit. La tête la première sur une impulsion du pied extérieur, il effectue un rouleau dos à la barre. Grâce à cette nouvelle technique, sa détente est plus efficace et il gagne une vingtaine de centimètres. Quelques images télévisuelles du Flop de Fosbury ont déjà circulé. Sainte-Rose, le troisième meilleur performeur de l’année avec un bond de 2,19m, est admiratif. À 25 ans, ses muscles sont formatés à la technique ventrale. Pas question de changer de méthode pour le Foyalais. Il efface les barres les unes après les autres mais le concours s’arrête à 2 mètres 09, à dix centimètres de son record personnel. L’altitude de Mexico à 2 300m favorise des records du monde de douze épreuves, mais pose des problèmes de respiration à l'Antillais pendant sa course d’élan. Il se classe à la 9e place. Dick Fosbury franchit 2,29m. Le 20 octobre, le représentant des États-Unis est sacré champion olympique. La technique a changé à jamais et le traditionnel rouleau ventral est abandonné. Robert Sainte-Rose a bien conscience qu’un bouleversement dans l’échiquier du saut en hauteur s’est produit.
Regardez Robert Saint-Rose qui évoque sa reconversion