Cet ouvrage parle du BUMIDOM et des histoires méconnues des Ultramarins. En 1963, l'État organise et encadre la migration des Antillais, Guyanais et Réunionnais vers l'Hexagone, initiative qui perdura jusqu'en 1981.
L’autrice illustre cette période de migrations à travers une série de témoignages poignants, parmi lesquels ceux de Mary-Yvonne, Joséphine, Géromine et Renata se distinguent particulièrement. Des femmes et hommes traversent les océans, direction Paris, Le Havre, Nantes, Marseille, Bordeaux, puis d’autres villes à plus de 6 000 kilomètres de leurs villes ou communes d’origine.
J’ai écrit ce livre après avoir discuté et collecté de nombreux témoignages de personnes originaires des Antilles", explique Marlène Pideri Joncart. "Ces individus m'ont fait part de leur tristesse, de leurs expériences et des traces indélébiles laissées par toute la période du Bumidom. Je voulais être la voix de ceux qui n'en ont pas, d'autant plus que certains ont réussi à s'en sortir alors que d'autres non. Il y a eu beaucoup de souffrance, de déracinement, de perte de culture, et même une réduction des libertés individuelles. Je me demande si les élus ont réellement mesuré l'impact de cette opération. On l’a présentée comme un eldorado, mais la réalité sur place était bien plus tragique.
Marlène Pideri-Joncart
À cette époque, la France manque de main-d'œuvre, tandis que le chômage dans les territoires ultramarins est endémique. Le Bumidom est alors jugé comme la meilleure solution. Sous le gouvernement du Général de Gaulle, en 1963, le départ de milliers de travailleurs antillais et réunionnais vers l’Hexagone a été orchestré. Une caractéristique notable de cette migration est la forte proportion de femmes, représentant un tiers des migrants en dehors des regroupements familiaux.
"Certaines femmes se sont retrouvées dans la prostitution", précise Marlène Pideri Joncart. À travers les récits de Mary-Yvonne, Joséphine, Géromine, Renata et bien d'autres, nous découvrons les histoires cachées de cette époque.
Une scène douloureuse est écrite dans le livre. Elle est particulièrement émouvante. Elle se déroule le 10 mai 1968. Maryvonne, une employée de maison, se rend au commissariat pour déclarer qu’elle a été expulsée de son logement et que son enfant de quelques mois est retenu par le propriétaire. Mise à la porte du jour au lendemain par la femme du propriétaire, elle se retrouve privée de son enfant. Cet exemple illustre également les souffrances sexuelles généralisées auxquelles étaient confrontées les femmes venues des Antilles ou de la Réunion, souvent à la merci de maîtres chanteurs, parfois avec le consentement des personnes qui les hébergeaient.
Marlène Pideri-Joncart
À travers Mary-vonne et les autres, Marlène Pideri Joncart rend un vibrant hommage à ces migrants en exposant leurs défis, leurs douleurs et leurs combats dans un contexte souvent hostile et déshumanisant.
Il n'est pas question de fermer les yeux et d'oublier cette période . J'explore les injustices sociales de ces hommes et de ces femmes, dont certains étaient illettrés et n'avaient pas d'autres options que de partir. Ces hommes et ces femmes qui ne valaient pas grand-chose. C’étaient des Noirs. Il y avait le racisme, les humiliations. Ils ont dû énormément prendre sur eux pour affronter tout ça.' Les migrants ont été envoyés dans des centres d’adaptation à la vie métropolitaine avant d’être placés en emploi. L’arrivée dans l’Hexagone a été parfois brutale.
Marlène Pidéri-Joncart
Retraitée de la fonction publique et mère de cinq enfants, Marlène Pideri Joncart évoque le Bumidom dont les conséquences se font encore sentir aujourd'hui. Soixante ans plus tard, les "enfants" de Bumidomiens se retrouvent pour la plupart dans l’Hexagone. Ils ont grandi en France et se retrouvent coupés de la réalité de leur pays d’origine. Pour certains, leur identité n'est pas totalement "construite".