Au Los Angeles Memorial Coliseum, le Calédonien Jean-Paul Lakafia tire son bras vers l’arrière lors de sa course d’élan ponctuée par des foulées pour propulser le javelot appelé "planeur". En finale des Jeux Olympiques 1984, motivé et concentré, du haut de son mètre 93, il déploie toutes ses forces et son engin épouse une longue trajectoire. L’atterrissage de son pilum de 800 grammes dépasse les 85 m. Il considère que le jet a bien marqué son impact de la pointe. Tous les espoirs sont permis. La distance parcourue devrait logiquement porter l’ancien licencié de l’AS Magenta sur le podium. Jean-Paul a le sentiment du devoir accompli. Il attend avec impatience la mesure de sa performance.
Deux disqualifications non justifiées
Le panneau des résultats reste vierge. Les juges ne prennent pas la peine de mesurer la distance, refusent de valider son lancer. Le prochain concurrent est déjà dans la chambre d'appel. Son jet est compté à plat par le jury, synonyme de disqualification. Une explication s'impose. Jean-Paul cherche du regard l'entraîneur national Michel Thieurmel parmi les 92 000 spectateurs.
Son deuxième jet approche les 85m. Le champion de France en titre vit une seconde désillusion!
Incrédule, il est pris de panique dans ce grand moment de solitude. Déconcentré, perturbé,
son troisième essai atteint 70,82m. Insuffisant! Le concours olympique s’arrête là pour le Calédonien.
Son entraîneur crie au scandale et au vol. Thieurmel accuse les juges d’avoir été distraits par les courses de la sprinteuse américaine Evelyne Ashford sur 100m et du meilleur spécialiste sur 400m haies Edwin Moses. La délégation française porte réclamation en vain. Rares sont les recours possibles dans ce type d'épreuve. Ce 5 août 1984, la déception est à son comble.
Le concours est remporté par le Finlandais Arto Härkönen avec un jet de 86m76. Le Calédonien finit au 12e rang du classement. Pour des raisons de sécurité, la fédération internationale impose désormais de nouvelles normes au javelot : il ne plane plus, il pique.
Un mois plus tôt, au Stadium Nord de Villeneuve-d'Ascq, Jean-Paul était sacré champion de France avec une distance de 85 m. Les sentiments de Jean-Paul sont mitigés. L'expérience des JO lui laisse un goût amer néanmoins sa participation à ces jeux reste inoubliable. Cette mésaventure marque un véritable tournant dans la vie de l’athlète. Jean-Paul remet en question son avenir de sportif de haut niveau. Âgé de 23 ans, il s’investit dans une reconversion professionnelle. Son nouvel objectif : intégrer la police nationale.
La transmission de la flamme olympique
À l'âge de 19 ans, Lakafia réalise un véritable exploit. L’enfant de Nouméa bat les meilleures performances de France sénior de Macquet et Lutui (83,46m) à 3m seulement du record du monde juniors de l’époque. Il améliore à deux reprises le record de France du lancer du javelot, le portant à 83,56m en 1980 et à 84,74m en 1983. Un an après les JO, il quitte la Calédonie. Puis, il s’installe en Touraine et épouse Laurence, la fille du président du club d'athlétisme du CO Tours-Sud. Deux de ses trois enfants sont joueurs professionnels de rugby.
32 ans après la participation de Jean-Paul aux JO, c’est son fils Pierre-Gilles qui a porté les couleurs de l’Equipe de France de Rugby à 7, aux Jeux Olympiques de Rio.
Découvrez l'interview de Jean-Paul Lakafia :