Les sangs rares des Outre-mer, des dons précieux qu'on congèle 30 ans !

Les dons de sangs rares sont conservés à - 80 degrés afin de pouvoir être utilisés pendant au moins 30 ans.
Hormis les traditionnels A, B, et O, il existe plus de 250 groupes sanguins rares en France. On trouve ces derniers davantage dans les Outre-mer, mais très peu dans les stocks de l'Établissement français du sang. Alors quand une personne porteuse de sang rare en donne, ce don bénéficie d'un traitement particulier.

Certains sangs sont si rares et si précieux qu'ils sont congelés pendant 30 ans. Il existe en effet des sangs rares, 700.000 personnes en sont porteuses en France. On l'avait expliqué dans un article précédent, si vous êtes originaires des Caraïbes (Martinique, Guadeloupe, Guyane), de l’océan Indien (Réunion, Mayotte) ou du Pacifique (Polynésie, Nouvelle-Calédonie, Wallis et Futuna), vous avez plus de chances d'être concernés.

Pour rappel, un groupe sanguin est dit "rare" lorsque moins de 4 personnes sur 1.000 le possèdent dans la population et qu'il n'existe pas d'autres groupes sanguins compatibles pour transfuser les patients concernés.

La question cruciale des sangs compatibles

Tous les sangs ne sont en effet pas compatibles entre eux. Sur la surface des globules rouges se trouvent des molécules appelées antigènes. Selon l'Établissement français du sang (EFS), au total "il y a près de 380 antigènes" connus.

Ce sont eux qui déterminent notre groupe sanguin et qui permettent donc de nous classer pour définir une compatibilité optimale lors d’une transfusion de sang. Car les antigènes fonctionnent un peu comme des clés : si les antigènes du sang du donneur sont compatibles avec le sang du receveur, la transfusion se passe sans problème.

Mais en cas d'incompatibilité, le système immunitaire du receveur va détecter les antigènes du donneur comme corps étranger, ce qui peut entraîner "le rejet du composant sanguin et une aggravation de l'état du malade".

Le blocage transfusionnel

Or, si les sangs rares sont par définition difficiles à trouver et compatibles avec aucun autre, cela peut conduire, en l'absence de dons du même sang, à des situations dramatiques.

Interviewé par Outre-mer la 1ère, le professeur Jacques Chiaroni, directeur de l'antenne de l'EFS en Provence-Alpes-Côte d'Azur et Corse et spécialiste de la question, explique qu'il existe en effet "une véritable géographie des groupes sanguins". Par exemple, "un Européen qui est rhésus négatif et va vivre en Chine est intransfusable là-bas, car le rhésus négatif n'existe quasiment pas" dans ce pays. C'est ce qu'on appelle le risque de blocage transfusionnel.

Il existe cependant des populations plus exposées que les autres : c'est le cas des Afro-descendants. "Pour une raison simple, c'est que l'origine de l'homme moderne est africaine et la population africaine a 200 à 250.000 ans d'histoire, et elle a eu le temps d'accumuler cette diversité génétique et de produire tous ces groupes sanguins différents", retrace-t-il.

Le problème, c'est que ces populations qui vivent ailleurs que sur le continent africain "sont plus exposées à ce risque de ne pas trouver la poche de sang pour les transfuser". Elles sont d'autant plus exposées à ce risque de blocage transfusionnel "qu'il y a une sous-fréquentation dans le don de ces populations d'ancestralité africaine", déplore le spécialiste.

Congelé à – 80 degrés

Pour éviter ce blocage transfusionnel, l'Établissement français du sang suit un processus spécifique aux sangs rares. Les préleveurs demandent l'origine géographique des donneurs, et si celui-ci vient "d'une région particulière où il existe des groupes sanguins plus fréquents qu'ailleurs", ils feront des analyses pour déterminer si le donneur est porteur d'un sang rare, et si oui lequel.

S'ensuit alors un traitement particulier pour avoir un stock de ce sang rare : "Dans la majorité des cas [comme le système ABO, NDLR], une poche de sang va durer 42 jours. Si la poche est extrêmement précieuse, on va la congeler à - 80 degrés de façon à pouvoir l'utiliser pendant au moins 30 ans", précise le Pr Chiaroni.

L'autre étape consiste à reprendre contact avec le donneur en question "pour lui dire à quel point son sang est extrêmement précieux, de façon à pouvoir le fidéliser vis-à-vis du don de sang et qu'il vienne donner régulièrement", ajoute-t-il. L'EFS va également lui demander s'il a des frères et sœurs, car il y a une chance sur quatre qu'il ou elle ait le même sang.

Pour le professeur, le point fondamental reste d'augmenter "la diversité des donneurs de sang pour que, dans des pays où l'Histoire a amené à une diversité biologique et culturelle importante comme la France et en particulier les départements et régions d'Outre-mer, la population des donneurs ressemble à la population des receveurs".

C'est pour ça que, quel que soit son parcours, son origine ou autre, tout le monde doit donner son sang pour justement être dans cet équilibre.

Professeur Jacques Chiaroni