Les scientifiques du Brésil à la pointe du combat contre le coronavirus

Laboratoire photo d'illustration
Malgré la rigueur budgétaire, la communauté scientifique brésilienne mène des recherches de pointe pour combattre le coronavirus, avec des solutions innovantes pour pallier le manque de matériel dans les hôpitaux, tels les respirateurs artificiels.
 
Dès la confirmation du premier cas de Covid-19 du Brésil, à Sao Paulo, le 26 février, deux chercheuses ont séquencé le génome du virus en un temps record (moins de 48 heures), montrant toute la vitalité de la science dans leur pays, en dépit des obstacles. "La communauté scientifique brésilienne apporte une contribution très importante, même si elle a reçu très peu de financement du gouvernement fédéral, surtout ces six dernières années", déclare à l'AFP Carlos Brito, directeur scientifique de la Fondation de soutien à la recherche de Sao Paulo (FAPESP).
 

Un pouvoir sceptique

Depuis l'arrivée au pouvoir du président d'extrême droite Jair Bolsonaro en janvier 2019, les universités publiques ont été régulièrement la cible de critiques du gouvernement et de ses partisans, qui les accusent de promouvoir une "idéologie de gauche", et les coupes budgétaires se sont accélérées dans la recherche. Face au coronavirus, le chef de l'Etat a ignoré toutes les preuves scientifiques en remettant en cause les mesures de confinement préconisées par l'OMS et adoptées dans le monde entier, au nom de la préservation de l'économie.

Il a même failli limoger lundi son propre ministre de la Santé, Luiz Henrique Mandetta, un médecin qui dit au contraire se fonder "uniquement sur la science" pour prendre ses décisions. La posture de Jair Bolsonaro est défendue par certains chefs d'entreprises, mais aussi des pasteurs d'églises néo-pentecôtistes, notamment l'influent Edir Macedo, pour qui l'idée d'imposer une distanciation sociale est "une tactique de Satan".
 

Une recherche active

Loin de se démobiliser, les chercheurs brésiliens continuent de travailler sans relâche dans les universités, publiques ou privées, contre le coronavirus qui a fait près de 700 morts et dont le pic est attendu fin avril. Au-delà des travaux de recherche, des groupes d'étudiants et de professeurs se consacrent à la production de matériel en pénurie actuellement, notamment des respirateurs artificiels, des équipements de protection pour les professionnels de santé ou du gel hydro-alcoolique.
 

Respirateur à bas coût 

Jurandir Nadal, chef du laboratoire d'ingénierie pulmonaire de l'institut COPPE de l'Université fédérale de Rio de Janeiro (UFRJ), développe un projet de respirateur à bas coût. En rassemblant des professeurs et étudiants de diverses disciplines de la médecine et de l'ingénierie, il a élaboré un prototype qui, s'il est produit à grande échelle, "peut servir à titre exceptionnel, dans des cas d'urgence, en l'absence d'une appareil de ventilation pulmonaire conventionnel". Son coût: 5.000 réais (environ 900 euros), dix fois moins que le prix moyen des respirateurs industriels. L'idée est de fabriquer dans un premier temps environ 1.000 appareils, avec des financements d'entreprises publiques et privées.  

D'après le ministère de la Santé, le Brésil, pour ses 210 millions d'habitants, dispose actuellement de 65.000 appareils de ventilation pulmonaire. Le gouvernement en a commandé 15.000 autres, à 12.000 euros pièce.
          

Investissements nécessaires

Malgré le succès de ce genre d'initiative, Jurandir Nadal admet qu'à cause des coupes budgétaires, il est de plus en plus difficile de retenir les jeunes chercheurs brésiliens, attirés par de meilleures conditions de travail dans des universités étrangères.

Plusieurs organismes publics brésiliens de soutien à la recherche et l'éducation ont commencé à débloquer des fonds pour financer des projets visant à combattre le coronavirus. Mais Carlos Brito rappelle que le Brésil parvient tout de même à cueillir les fruits d'un travail mené depuis plusieurs décennies, notamment dans des domaines comme la virologie, cruciale dans le combat contre le Covid-19.

Le pays a fait face à de nombreuses épidémies ces dernières années, notamment celles de dengue, de zika ou du chikungunya. "La capacité scientifique d'apporter une vraie contribution dans une situation d'urgence comme celle-là ne se construit pas en une semaine. Nous avons acquis ce savoir-faire tout au long des 40 dernières années", souligne-t-il. "Les universités sont la fierté du Brésil et elles doivent être vues ainsi. C'est le moment de montrer notre valeur, de montrer que le financement public est fondamental", renchérit Denise Carvalho, rectrice de l'UFRJ.