Maguy Nestoret-Ontanon a eu plusieurs vies en une seule : le sport de haut niveau, conseillère à la Mairie de Paris, un poste de DTN, une mission ministérielle… La Martiniquaise aime relever les défis. Tout en restant fidèle à ses engagements et à ses combats.
Ce mardi 28 juillet 2020, Maguy Nestoret-Ontanon fête ses 51 ans. Bon anniversaire, Madame… et bonnes vacances ? Pas tout de suite. Plus tard. En septembre. Un peu.
Il faut dire que l’ex-sprinteuse de l’équipe de France n’a jamais trop goûté l’inaction. À croire qu’elle n’aime pas ça. Le CV de la Martiniquaise sur Linkedin peut en témoigner. Neuf nouvelles lignes ont été ajoutées depuis la fin de sa carrière sportive : commercial, marketing, communication, conseillère politique, DTN, chargée de mission ministérielle, conseillère Haute Performance…
Et pourtant, rien n’était écrit à l’avance : "Ma vie professionnelle a été faite de rencontres, confirme Maguy. Ces rencontres m’ont permis d’évoluer, de rebondir parfois. Tout cela sans le moindre plan de carrière. Disons que j’ai eu de la chance. Enfin… pas uniquement. J’ai aussi beaucoup bossé afin de pouvoir laisser cette chance s’exprimer."
En 2005, Maguy Nestoret-Ontanon intègre un univers qu’on dit impitoyable : la politique. Durant huit années, elle sera la conseillère Sports et Outre-mer de Bertrand Delanoë, le maire de Paris. Un autre monde. Une autre approche : "Je venais de l’athlétisme où vous êtes jugés sur vos performances. Ce n’est pas le cas en politique. Ceci étant à la Mairie de Paris, j’ai évolué dans un cadre très bienveillant. Je me suis bien entendue avec les deux adjoints aux Sports qui se sont succédés. Et même si Bertrand Delanoë n’était pas un sportif, il aimait l’idée que le sport puisse rassembler. Un élément essentiel dans mon travail."
Un cadre bienveillant au sein du cabinet du maire. Point positif. Cependant, la Martiniquaise a aussi vite compris que la politique n’était pas un monde empli de gentils bisounours : "Je m’en doutais un peu mais quand on y est confronté, c’est assez perturbant. Je me souviendrai toute ma vie de ce type avec qui j’avais rendez-vous. En arrivant devant mon bureau, il a lâché : je suis désolé mais mon dossier est trop important pour être traité par une simple secrétaire ! Merci pour les femmes, les noires et les secrétaires… Il est reparti avec son dossier sous le bras et malheureusement pour lui, le projet n’a jamais abouti."
Effectivement, c’est bête.
Quatorze mois de dialogue qui auront au moins permis à certains de changer de discours. "Dans le foot ou le rugby par exemple, il y a encore un système d’encouragement profondément ancré dans le langage homophobe. Du style : 'arrêtez de jouer comme des tapettes !' Donc, si notre action a pu permettre d’en sensibiliser certains, c’est déjà une belle avancée."
Maguy Nestoret-Ontanon est une femme engagée. Elle a des convictions. Elle les défend. Tous les combats l’intéressent. L’injustice la révolte. Un exemple ? Être une femme en 2020 relève encore du parcours d’obstacles. "En théorie, nous arrivons à une quasi-parité hommes / femmes. Dans la pratique, c’est autre chose. Surtout dans les instances sportives quand je regarde les présidences de Fédérations ou les postes de DTN…"
En 2012, la Martiniquaise publie avec Audrey Keysers La femme est l’avenir du foot aux éditions Le bord de l’eau. Dans ce livre préfacé par le Guadeloupéen Lilian Thuram, Maguy donne la parole à celles et ceux qui rêvent d’un football déshabillé de son machisme tristement légendaire : "Le foot n’a pas de sexe. Quand je réalise que le PSG a investi dans son équipe féminine, que les médias diffusent des matchs féminins, que le public prend du plaisir à suivre les matchs… Je me dis que ça progresse. Si avec Audrey, nous avons modestement contribué à faire bouger les lignes, je m’en réjouis."
En 2020, les choses ont-elles évoluées ? "Pas vraiment, répond la Martiniquaise. Le racisme est encore trop présent. La lutte contre ce fléau ne mobilise pas suffisamment les gens. On n’a pas besoin d’être Blanc pour défendre le Noir, ni Noir pour défendre le Blanc. Il faut juste apprendre à mieux connaître l’autre pour mieux l’accepter."
Difficile de rester calme devant tant d’injustice. Le racisme se dissimule trop souvent derrière de petites phrases anodines. Anodines et assassines. "On m’a dit un jour : pas mal, votre parcours pour quelqu’un comme vous ! Sous-entendu : pas mal pour une Noire. À l’inverse aux Antilles, je me suis déjà fait traiter de salope parce que j’étais à la plage avec un Blanc, en l’occurrence mon mari Guy Ontanon. C’est violent. Violent et insupportable."
Tous ses combats, Maguy aime les relayer sur les réseaux sociaux. Éduquer, transmettre, faire réagir… Même si elle trouve désolant de constater qu’un long post argumenté sur les discriminations déclenche souvent bien moins de commentaires que les photos de vacances sans intérêt de certains ou les vidéos virales de chats en tout genre.
Heureusement, Maguy Nestoret-Ontanon garde le cap. Fidèle à ses idéaux. Depuis un an, la Martiniquaise est de retour dans l’univers du sport : conseillère Haute Performance à l’Agence Nationale du Sport. Elle y travaille au sein du Pôle piloté par Claude Onesta, ancien entraîneur à succès de l’équipe de France de handball : "Claude, le manager général nous challenge beaucoup. Comme Bertrand Delanoë à la Mairie de Paris. J’aime ça. Je retrouve un peu l’exigence du haut niveau."
Son travail au sein de cette nouvelle agence ? "J’accompagne les Fédérations dans leur recherche de la performance. Tout en pilotant en équipe, les suivis socio-professionnels des sportifs qui cherchent à sécuriser leur parcours. Réussir à vivre normalement alors qu’ils sont en pleine carrière sportive. Tout en préparant aussi la reconversion. Exister pendant et après le sport."
Sa reconversion, Maguy peut en être fière. Des postes importants. Des montagnes déplacées. De quelques millimètres seulement parfois. Mais c’est déjà beaucoup. À 51 ans, la Martiniquaise ose enfin croire en elle : "Ça m’a pris du temps mais aujourd’hui, je connais mes capacités, ma valeur. J’aimerais juste que l’on soit de plus en plus nombreux à croire en nous. Je pense ici aux minorités."
Son combat contre les inégalités est loin d’être terminé. "Je suis fatiguée et en colère mais je n’arrêterai pas de me battre." Se battre notamment pour sa fille Chloé, 19 ans. Une brillante étudiante en psychologie dont sa maman est la plus grande fan : "Ah ma fille, c’est quelque chose… Je ne suis pas fière d’elle ; je suis HYPER fière ! Nous avons d’ailleurs une relation très fusionnelle. Je suis persuadée que sa génération est plus forte que la nôtre. Les discriminations vont reculer, vous verrez. En tout cas, je l’espère."
Il faut dire que l’ex-sprinteuse de l’équipe de France n’a jamais trop goûté l’inaction. À croire qu’elle n’aime pas ça. Le CV de la Martiniquaise sur Linkedin peut en témoigner. Neuf nouvelles lignes ont été ajoutées depuis la fin de sa carrière sportive : commercial, marketing, communication, conseillère politique, DTN, chargée de mission ministérielle, conseillère Haute Performance…
Et pourtant, rien n’était écrit à l’avance : "Ma vie professionnelle a été faite de rencontres, confirme Maguy. Ces rencontres m’ont permis d’évoluer, de rebondir parfois. Tout cela sans le moindre plan de carrière. Disons que j’ai eu de la chance. Enfin… pas uniquement. J’ai aussi beaucoup bossé afin de pouvoir laisser cette chance s’exprimer."
En 2005, Maguy Nestoret-Ontanon intègre un univers qu’on dit impitoyable : la politique. Durant huit années, elle sera la conseillère Sports et Outre-mer de Bertrand Delanoë, le maire de Paris. Un autre monde. Une autre approche : "Je venais de l’athlétisme où vous êtes jugés sur vos performances. Ce n’est pas le cas en politique. Ceci étant à la Mairie de Paris, j’ai évolué dans un cadre très bienveillant. Je me suis bien entendue avec les deux adjoints aux Sports qui se sont succédés. Et même si Bertrand Delanoë n’était pas un sportif, il aimait l’idée que le sport puisse rassembler. Un élément essentiel dans mon travail."
Un cadre bienveillant au sein du cabinet du maire. Point positif. Cependant, la Martiniquaise a aussi vite compris que la politique n’était pas un monde empli de gentils bisounours : "Je m’en doutais un peu mais quand on y est confronté, c’est assez perturbant. Je me souviendrai toute ma vie de ce type avec qui j’avais rendez-vous. En arrivant devant mon bureau, il a lâché : je suis désolé mais mon dossier est trop important pour être traité par une simple secrétaire ! Merci pour les femmes, les noires et les secrétaires… Il est reparti avec son dossier sous le bras et malheureusement pour lui, le projet n’a jamais abouti."
Effectivement, c’est bête.
Maguy, une femme engagée
En 2014, Maguy découvre encore une autre facette de la politique. À la demande de la Ministre Najat Vallaud-Belkacem, elle devient chargée de mission sur l'homophobie dans le sport. Quatorze mois d’un travail passionnant. Une réalité pourtant réfutée par certaines Fédérations : "Pas mal de responsables m’ont effectivement répondu que l’homophobie n’existait pas dans leur discipline. Nous avons dû faire un gros travail de communication et de sensibilisation. C’est un problème de fond encore non résolu. Loin de là. Mais nous sommes parvenus à faire évoluer les choses."Quatorze mois de dialogue qui auront au moins permis à certains de changer de discours. "Dans le foot ou le rugby par exemple, il y a encore un système d’encouragement profondément ancré dans le langage homophobe. Du style : 'arrêtez de jouer comme des tapettes !' Donc, si notre action a pu permettre d’en sensibiliser certains, c’est déjà une belle avancée."
Maguy Nestoret-Ontanon est une femme engagée. Elle a des convictions. Elle les défend. Tous les combats l’intéressent. L’injustice la révolte. Un exemple ? Être une femme en 2020 relève encore du parcours d’obstacles. "En théorie, nous arrivons à une quasi-parité hommes / femmes. Dans la pratique, c’est autre chose. Surtout dans les instances sportives quand je regarde les présidences de Fédérations ou les postes de DTN…"
En 2012, la Martiniquaise publie avec Audrey Keysers La femme est l’avenir du foot aux éditions Le bord de l’eau. Dans ce livre préfacé par le Guadeloupéen Lilian Thuram, Maguy donne la parole à celles et ceux qui rêvent d’un football déshabillé de son machisme tristement légendaire : "Le foot n’a pas de sexe. Quand je réalise que le PSG a investi dans son équipe féminine, que les médias diffusent des matchs féminins, que le public prend du plaisir à suivre les matchs… Je me dis que ça progresse. Si avec Audrey, nous avons modestement contribué à faire bouger les lignes, je m’en réjouis."
Entre émotion, colère, indignation j’ai retrouvé du vécu mais aussi de l’espoir. Merci pour ces témoignages forts et authentiques. À lire. Par les femmes, les hommes, les Noirs, les Blancs, les Tous que nous sommes #ensemble @SoniaRolland #firminerichard #discriminations #femmes pic.twitter.com/EfyjhoeHo2
— Mag Nestoret-Ontanon (@MaguyNestoret) May 23, 2018
Une femme noire dans un monde d’hommes blancs
Le racisme ordinaire, Maguy Nestoret-Ontanon y est confrontée depuis sa plus tendre enfance. Comme cette fois à Ozoir-la-Ferrière en Seine-et-Marne où une copine de classe lui demande de porter son cartable car elle est… son esclave. Nous sommes au milieu des années 70. C’est-à-dire hier. Ou presque. Quelque temps plus tard, la petite Maguy, membre de l’école de danse classique doit aller assister avec toutes les autres à un gala à l’Opéra de Paris. Sauf que la professeure de danse fait comprendre à Papa Nestoret que sa fille ne rentre pas dans les "standards" des petits rats. Souvenirs d’enfance salis.En 2020, les choses ont-elles évoluées ? "Pas vraiment, répond la Martiniquaise. Le racisme est encore trop présent. La lutte contre ce fléau ne mobilise pas suffisamment les gens. On n’a pas besoin d’être Blanc pour défendre le Noir, ni Noir pour défendre le Blanc. Il faut juste apprendre à mieux connaître l’autre pour mieux l’accepter."
Difficile de rester calme devant tant d’injustice. Le racisme se dissimule trop souvent derrière de petites phrases anodines. Anodines et assassines. "On m’a dit un jour : pas mal, votre parcours pour quelqu’un comme vous ! Sous-entendu : pas mal pour une Noire. À l’inverse aux Antilles, je me suis déjà fait traiter de salope parce que j’étais à la plage avec un Blanc, en l’occurrence mon mari Guy Ontanon. C’est violent. Violent et insupportable."
Sa philosophie ? Toujours avancer
Tous ses combats, Maguy aime les relayer sur les réseaux sociaux. Éduquer, transmettre, faire réagir… Même si elle trouve désolant de constater qu’un long post argumenté sur les discriminations déclenche souvent bien moins de commentaires que les photos de vacances sans intérêt de certains ou les vidéos virales de chats en tout genre.Heureusement, Maguy Nestoret-Ontanon garde le cap. Fidèle à ses idéaux. Depuis un an, la Martiniquaise est de retour dans l’univers du sport : conseillère Haute Performance à l’Agence Nationale du Sport. Elle y travaille au sein du Pôle piloté par Claude Onesta, ancien entraîneur à succès de l’équipe de France de handball : "Claude, le manager général nous challenge beaucoup. Comme Bertrand Delanoë à la Mairie de Paris. J’aime ça. Je retrouve un peu l’exigence du haut niveau."
Son travail au sein de cette nouvelle agence ? "J’accompagne les Fédérations dans leur recherche de la performance. Tout en pilotant en équipe, les suivis socio-professionnels des sportifs qui cherchent à sécuriser leur parcours. Réussir à vivre normalement alors qu’ils sont en pleine carrière sportive. Tout en préparant aussi la reconversion. Exister pendant et après le sport."
Sa reconversion, Maguy peut en être fière. Des postes importants. Des montagnes déplacées. De quelques millimètres seulement parfois. Mais c’est déjà beaucoup. À 51 ans, la Martiniquaise ose enfin croire en elle : "Ça m’a pris du temps mais aujourd’hui, je connais mes capacités, ma valeur. J’aimerais juste que l’on soit de plus en plus nombreux à croire en nous. Je pense ici aux minorités."
Son combat contre les inégalités est loin d’être terminé. "Je suis fatiguée et en colère mais je n’arrêterai pas de me battre." Se battre notamment pour sa fille Chloé, 19 ans. Une brillante étudiante en psychologie dont sa maman est la plus grande fan : "Ah ma fille, c’est quelque chose… Je ne suis pas fière d’elle ; je suis HYPER fière ! Nous avons d’ailleurs une relation très fusionnelle. Je suis persuadée que sa génération est plus forte que la nôtre. Les discriminations vont reculer, vous verrez. En tout cas, je l’espère."