Avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie : à Paris, les non-indépendantistes prêts à défendre la fédéralisation du Caillou

Les non-indépendantistes Pascal Vittori, Nicolas Metzdorf, Alcide Ponga, Virginie Ruffenach et Sonia Backès à la Maison de la Nouvelle-Calédonie, à Paris, le 29 janvier 2025.
Alors que des discussions cruciales doivent se tenir avec le gouvernement la semaine prochaine, les représentants du camp loyaliste ont organisé une réunion d'information à la Maison de la Nouvelle-Calédonie, à Paris. Ils enjoignent l'État à prendre ses responsabilités et à trancher si les deux camps ne parviennent pas à s'entendre.

"On n'a jamais été aussi unis que maintenant." Le député de Nouvelle-Calédonie Nicolas Metzdorf (qui siège avec les élus d'Ensemble pour la République) savoure le moment. À quelques jours de rencontres cruciales avec l'État sur l'avenir du Caillou, les non-indépendantistes ont organisé une réunion publique à la Maison de la Nouvelle-Calédonie à Paris. Objectifs : échanger avec les Calédoniens qui vivent loin de leur territoire et se montrer intransigeant dans leur défense de la cause loyaliste. "L'accord de Nouméa [de 1998] n'a pas fonctionné, estime l'élu loyaliste. L'idée, c'est de repartir sur l'esprit des accords de Matignon [de 1988] qui avait réparé la Nouvelle-Calédonie."

Cela, il aura l'occasion de le répéter à plusieurs reprises à ses interlocuteurs du gouvernement. Car la semaine prochaine, plusieurs sessions de discussions doivent débuter avec le ministre des Outre-mer Manuel Valls, qui rencontrera chaque camp – indépendantistes et non-indépendantistes –  séparément pour discuter de l'évolution institutionnelle du territoire avant une possible plénière regroupant l'ensemble des participants. Les représentants calédoniens devraient aussi être reçus par le Premier ministre François Bayrou, sauf si la situation politique nationale le force à revoir ses priorités (il pourrait affronter une nouvelle motion de censure après le vote du budget pour 2025).

Une crise politique et économique inédite

Déjà, l'avancée réelle du dossier calédonien s'annonce compliquée. Le locataire de Matignon souhaitait convier l'ensemble des acteurs politiques de Nouvelle-Calédonie autour d'une même table dans l'optique de rencontres trilatérales afin de faire avancer une bonne fois pour toute le dossier. Or, les indépendantistes du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) ont acté ce week-end lors de leur congrès qu'ils ne discuteront qu'avec l'État. Ce qui n'est pas pour déplaire aux loyalistes, très peu enclin à négocier avec l'Union calédonienne (une des composantes du FLNKS) qu'ils considèrent comme étant la branche radicalisée du mouvement indépendantiste.

Depuis les émeutes de l'année dernière, le Caillou est dans l'impasse politique et économique. "La situation est très difficile", reconnaît Virginie Ruffenach, vice-présidente Le Rassemblement-LR du Congrès de Nouvelle-Calédonie. Alcide Ponga, récemment élu président du gouvernement de la collectivité, considère qu'il faut d'abord régler la question de l'avenir institutionnel pour pouvoir sortir la tête de l'eau économiquement parlant.

À la Maison de la Nouvelle-Calédonie, devant laquelle quelques militants indépendantistes se sont rassemblés pour critiquer la venue des élus non-indépendantistes, ces derniers ont donc présenté leur projet. "On est là parce qu'on veut trouver des solutions", dit Sonia Backès, la présidente de la province Sud. Mais pas à n'importe quel prix. "L'accord, ce ne peut pas être l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie", dit clairement Virginie Ruffenach. 

"Ni partition, ni apartheid"

D'une même voix, les loyalistes assument donc de se tourner vers l'État pour mettre fin à ces années de blocages politiques. "L'État ne peut plus mettre dos à dos les indépendantistes et les non-indépendantistes", considère Sonia Backès. "S'il y a un accord, tant mieux. S'il n'y a pas d'accord, ce sera à l'État de s'organiser."

Lucide sur la faible probabilité de trouver un accord avec le FLNKS mais terrorisés par l'effondrement économique du Caillou qui a déjà poussé des milliers de Calédoniens à fuir le territoire, les partisans d'une Calédonie française espèrent a minima que les discussions permettront aux deux camps d'acter leurs différences. "On peut trouver un accord sur nos désaccords", estime le député Nicolas Metzdorf. 

Dans ce cas-là, ils proposent d'institutionnaliser un modèle fédéraliste pour la Nouvelle-Calédonie, où chaque province aurait davantage de pouvoir et d'autonomie pour permettre à chacune d'instaurer son modèle de société voulu. "Ce qu'on défend tous, c'est une forme de fédéralisme interne qui correspond à l'esprit des accords de Matignon [de 1988]", explique Sonia Backès à notre micro. Mais elle précise : "Il ne s'agit ni de partition, ni d'apartheid".

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Mais encore faudrait-il que les indépendantistes acceptent un tel modèle, souligne une jeune femme venue assister à la réunion publique. Or, l'Union calédonienne ne vise que la pleine souveraineté, tandis que les franges plus modérées des indépendantistes défendent un modèle d'indépendance-association. "Le combat va être rude", reconnaît Virginie Ruffenach. 

D'après Sonia Backès, l'exécutif n'aura pas un simple rôle de modérateur lors de ce nouveau cycle de discussions qui s'annonce complexe. "L'État va nous faire des propositions", assure-t-elle, sans savoir lesquelles. 

Pour le moment, François Bayrou a fixé une date limite au 31 mars 2025 pour permettre aux acteurs calédoniens de s'entendre sur un projet commun. L'horloge tourne et l'échéance électorale des provinciales, censées être organisées avant fin novembre, approche. "Il faut qu'on arrive à s'en sortir, même si on ne trouve pas d'accord", intime Alcide Ponga, le président du gouvernement de Nouvelle-Calédonie.