Après les deux succès de "Requiem pour une République", retraçant la guerre d'Algérie puis "Frakas" qui évoquait la guerre au Cameroun, l'ex-journaliste Thomas Cantaloube a décidé de conclure sa trilogie par une période qui, selon lui, n'avait pas été assez approfondie : celle des révoltes de Guadeloupe en mai 1967, "les gens ont été marqués par cette période de l'histoire" nous raconte le scénariste.
Son intérêt de travailler sur cette période est parti des multiples références à mai 67 faites par les Guadeloupéens lors de reportages diffusés durant les manifestations de 2009 ou plus récemment celles liées à l'obligation vaccinale.
Lorsque j’étais journaliste, à chaque fois qu’il y avait des manifestations en Guadeloupe, par exemple en 2009, contre le coût de la vie ou contre la vaccination obligatoire, qui avaient à priori rien à voir, les gens parlaient de mai 67, il y avait une sorte de spectre "Mai 67" qui revenait dans leurs discours.
Nicolas Cantaloube
Un roman volontairement réaliste
La particularité de cette histoire vient de son écriture et comment elle a été racontée. Dans "Mai 67", Thomas Cantaloube tend à donner aux lecteurs le plus de précisions possibles, obtenues grâce à un travail de terrain, en interrogeant directement sur place les Guadeloupéens.
Ainsi, ce roman, volontairement réaliste, implique le lecteur dans une mise en perspective temporelle. En utilisant un vocabulaire volontairement cru, l'auteur a souhaité interpeller son lectorat sur la gravité des violences en mai 1967.
J’ai choisi d’utiliser le langage de l’époque pour marquer. C'est des choses que les gens ne diraient plus aujourd’hui et encore moins dans un roman. Ce langage méprisant de l’époque que j’ai employé, quitte à choquer, a pour but d'interpeller.
Thomas Cantaloube
Un lien direct avec "Mai 68" ?
Tout au long du roman, l'auteur créé un lien avec les évènements de mai 1968 qui ont entrainé des millions de personnes dans les rues parisiennes et lyonnaises, survenus un an plus tard. Thomas Cantaloube axe entre autres sa réflexion sur l'impact médiatique qu'ont eu les manifestations en Guadeloupe en 1967 sur la politique nationale.
En 1968, il y a eu 3 ou 4 morts durant le mois de mai. Maintenant, nous ne savons pas si celles-ci étaient accidentelles ou volontaires. A contrario, un an plus tôt en Guadeloupe, il y a eu au moins huit morts et cela passe complètement inaperçu. Personne ne se choque, mais pourquoi ? Parce que c’est loin. De plus, on se moque de cette affaire en l’étouffant dans les hautes sphères politiques parisiennes.
Nicolas Cantaloube
Et dans une période de Guerre Froide, l'auteur souligne une certaine "paranoïa" de la part des autorités publiques, qui accroit les tensions entre la Guadeloupe et Paris.
En résumé, l'ouvrage "Mai 67" découle d'un long travail de recherche et d'écriture, où certains détails paraissent presque irréels tant ils sont violents. Le roman édité dans la "Série noire" de Gallimard, s'annonce être à la hauteur des deux précédents.