Mansour Kamardine : "La France doit être fière du choix des Mahorais" [#MaParole]

Il y a dix ans, Mayotte devenait le 101e département de la République française. L’occasion d'entendre l’un des artisans de ce changement, le député LR de Mayotte, Mansour Kamardine. Dans #MaParole, il évoque son enfance ainsi que son long parcours d’élu, maire puis député.

La départementalisation, il y croit depuis sa tendre enfance. A Sada, Mansour Kamardine a fait partie des Sorodas, ceux qui voulaient que Mayotte reste avec la France tandis que les Serrez la main entendaient rejoindre la République des Comores indépendante en 1975. Ce clivage politique a marqué sa vie. Dix ans après la départementalisation de Mayotte, le 31 mars 2011, le député Mansour Kamardine raconte son parcours.

 

#1 La commune des Sorodas

Natif de Sada, Mansour Kamardine a hérité d’un prénom de "gagnant". Mansour en arabe signifie le victorieux. Comme tous les enfants de Sada, il a commencé très jeune à se rendre à l’école coranique où il aimait retrouver les copains et le fundi. Très tôt, "un peu par gourmandise", dit-il, il a rejoint "l’école de la République" avec sa sœur. Il n’avait que 5 ans. Pendant les vacances, Mansour Kamardine allait souvent à Mbouanatsa, la commune de sa grand-mère maternelle. Il se souvient aussi qu’il aidait à refaire le toit de la maison en feuilles de cocotiers ou qu’il gardait les cabris alors qu’il n’aimait pas trop ça. Son père l’avait convaincu de s'occuper des bêtes en lui racontant que Mahomet lui-même avait un troupeau de chèvres.

Au début des années 70, pour entrer en 6e, on devait passer un concours à Mayotte, et les résultats étaient annoncés à la radio des Comores. Mansour Kamardine est arrivé le premier de son année à Mayotte et il est donc parti dans l’unique collège de l’archipel à Dzaoudzi en Petite Terre. Là, il est devenu très vite délégué de classe et du collège. En parallèle, pendant ces années 70, le débat autour de l'avenir de Mayotte avec les Comores ou avec la France agitait les esprits. Mansour Kamardine se souvient d’avoir voté très tôt, "à l'âge de 16 ans", pour le maintien de Mayotte en France. Il n’y avait pas de listes électorales à l’époque. Il se souvient aussi que pendant que son père Daniel Kamardine était parti en voyage pour militer en faveur de Mayotte française, il aidait sa mère à accoucher de sa sœur. Un souvenir gravé dans sa mémoire et qu’il lie à son choix pour la "mère patrie".

 

#2 Le plus jeune maire de France

Atteint de la tuberculose, Mansour Kamardine n’a pas pu poursuivre des études comme il le souhaitait et, pendant près de deux ans, il s’est soigné. Sous l’influence d’un cousin policier de Sada, il a passé un concours pour devenir inspecteur de police. Mais le travail ne lui plaisait guère et il a rapidement démissionné. Nommé secrétaire général de la mairie d’Acoua où il ne s'est pas entendu avec le maire, il s'est fait débaucher par l'édile de Tsingoni. Et puis à l’âge de 23 ans, contre toute attente, Mansour Kamardine a été élu maire de Sada. Il était alors le plus jeune maire de France. 

Un an à peine après son élection, il a dû faire face au cyclone Kamisy qui a complétement dévasté Sada et marqué durablement l'histoire de Mayotte. Le jeune maire a ensuite décidé de faire reconstruire des bâtiments de la commune en tenant compte des risques naturels. Durant cette même année 1984, Mansour Kamardine a fait la connaissance de Jacques Chirac, "un peu par hasard" à Grenoble lors d’une réunion des leaders du RPR. Et en 1986, quand Jacques Chirac Premier ministre a effectué son premier voyage officiel à Mayotte, il a demandé à Mansour Kamardine de traduire en shimaoré son discours et notamment la fameuse phrase : "Il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs".

Voyage de Jacques Chirac à Mayotte et aux Comores en 1986

En 1989, réélu maire de Sada, l’élu, encouragé par son épouse prévoyante, a décidé de se lancer dans des études de Droit à La Réunion. Après avoir mené de front son mandat d’élu et ses études, il a finalement démissionné de la mairie en 1991 et prêté son serment d’avocat en 1994 à Mamoudzou. Il sera ensuite bâtonnier de Mayotte de 1997 à 1999. La politique n’a jamais vraiment quitté les pensées de Mansour Kamardine. Il s’est ainsi présenté à deux reprises aux élections législatives face à Henri Jean-Baptiste en 1993 et en 1997 et à chaque fois, il a été battu. Il faut dire que son parti le RPR ne lui apportait pas son soutien en raison d’alliances avec l’UDF au niveau national.

En 2002 après la victoire de Jacques Chirac aux élections présidentielles, Mansour Kamardine a été élu pour la première fois député de Mayotte. Et une fois député, il a milité pour le rattrapage social et économique de l'archipel ainsi que pour l’abolition de la polygamie sur l’île.

 

#3 Dix ans de départementalisation

Son premier mandat de député s’est terminé en 2007. Selon Mansour Kamardine  le mouvement social des enseignants lui a couté sa réélection et non pas la fin de la polygamie "comme certains commentateurs ont pu l’écrire".

Le 29 mars 2009, la population de Mayotte a voté par référendum à 95,24 % en faveur de la départementalisation. Mayotte est devenue officiellement le 101e département le 31 mars 2011 sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Pour Mansour Kamardine, cela représentait une immense fierté, mais il a déploré que "la départementalisation ait été faite à contrecoeur par certains fonctionnaires". 

La liesse n’a effectivement pas duré. A partir de septembre 2011, un gros mouvement social contre la vie chère a bloqué Mayotte pendant trois mois. Mansour Kamardine comprenait les revendications, même si un gouvernement proche de ses convictions était aux manettes. Six années plus tard, l'avocat de Mamoudzou a décidé de repartir en campagne électorale. Et cette fois, il a gagné et a pu redevenir député de Mayotte en 2017.

Au moment du vote de confiance au gouvernement d’Edouard Philippe, il a été le seul député LR à voter en faveur du Premier ministre d’Emmanuel Macron. Il s’en explique dans #MaParole. Mais en 2018, quand un vaste mouvement social a enflammé Mayotte après l’affrontement de bandes rivales, puis le caillassage d’un bus, Mansour Kamardine a pris le parti des manifestants contre le gouvernement. La population de Mayotte demandait des moyens à l’Etat pour lutter contre l’insécurité.

Dix ans après la départementalisation, Mayotte cumule les records. Le plus fort taux de chômage, la population la plus jeune, le plus grand nombre de naissance, le plus fort taux de pauvreté, le plus fort taux de délinquance. La population a été multipliée par 11 en 60 ans. Mansour Kamardine estime qu’il fait encore "bon vivre" à Mayotte, mais il n’hésite pas à employer et justifier le terme de "remplacement" pour évoquer la situation actuelle. 

Mansour Kamardine

Prise de son : Bruno Dessommes.

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♦♦ Mansour Kamardine en 5 dates ♦♦♦

►23 mars 1959

Naissance à Sada à Mayotte.

►23 mars 1983

Il devient maire de Sada.

►19 octobre 1986

Visite de Jacques Chirac alors Premier ministre à Mayotte.

►15 novembre 1988

Début des études de Droit à La Réunion.

►19 juin 2002

Elu pour la première fois député de Mayotte.