Maurice: démission du Premier ministre Anerood Jugnauth, son fils lui succède

Anerood Jugnauth
Le Premier ministre mauricien, sir Anerood Jugnauth, a démissionné lundi et a été immédiatement remplacé par son fils Pravind, ce qui a suscité l'indignation de l'opposition qui dénonce une succession de type monarchique et réclame de nouvelles élections.
Anerood Jugnauth, 86 ans, un cacique de la vie politique mauricienne, a présenté dans la matinée sa démission à la présidente Ameenah Gurib-Fakim, conformément à ce qu'il avait annoncé samedi dans un message télévisé.
 

"Céder la place aux jeunes"

"Le poste de Premier ministre est une fonction qui comprend de grandes responsabilités. C'est un grand fardeau. Je l'ai assumé, mais maintenant il est temps de céder la place aux jeunes", a-t-il déclaré à sa sortie de la présidence. Ce dirigeant de centre-droit était le chef du gouvernement depuis décembre 2014, après la victoire de la coalition qu'il dirigeait aux élections générales. Son mandat devait prendre fin en 2019.

"Je suis satisfait d'avoir toujours servi le pays honnêtement", a ajouté celui qui avait aussi été Premier ministre entre 1982 et 1995, puis entre 2000 et 2003, et président de la République entre 2003 et 2012.
 

Après le père, le fils

Quelques minutes après lui, son fils Pravind s'est présenté à la présidence pour se voir remettre sa lettre de nomination. "Je suis très serein. C'est une grande responsabilité qui m'a été confiée. Il nous faudra nous mettre au travail dès maintenant", a-t-il déclaré. Pravind Jugnauth, 55 ans et actuel ministre des Finances, est le chef du Mouvement socialiste mauricien (MSM), le principal parti de la coalition au pouvoir. C'est à ce titre que la présidente lui a demandé de succéder à son père. 


Un fort rejet de l'opposition

Mais sa désignation suscite un fort rejet de l'opposition, qui dénonce une transmission du pouvoir par héritage familial. Celle-ci devait boycotter sa prestation de serment lundi après-midi et entend se mobiliser pour réclamer de nouvelles élections. "Le mieux aurait été que le Premier ministre dissolve l'Assemblée nationale avant sa démission et rende le vote à la population. Il ne l'a pas fait et c'est une honte qu'il termine plus de 50 ans de carrière politique de cette façon", a regretté un des dirigeants de l'opposition, Paul Bérenger.
 

Une campagne pour des élections 

"Nous comptons organiser une campagne politique à travers le pays pour réclamer la tenue d'élections générales", a ajouté l'ancien Premier ministre et chef du Mouvement militant mauricien (MMM). Paul Bérenger a cependant assuré qu'il respectait "scrupuleusement" la Constitution et n'appellerait pas à des manifestations, ne voulant "prendre aucun risque" de voir survenir des affrontements entre partisans de l'opposition et de la majorité.

L'île Maurice a connu une remarquable stabilité démocratique depuis son indépendance du Royaume-Uni en 1968. Depuis qu'Anerood Jugnauth avait indiqué en septembre qu'il pourrait quitter son poste avant la fin de son mandat, la question de sa succession a donné lieu à des débats passionnés dans cet archipel de 1,3 million d'habitants.
 

Une transmission contestée

Nombre de Mauriciens estiment que le poste de Premier ministre ne peut se transmettre de père en fils, sans en passer par des élections. Pravind Jugnauth a préféré éluder la question après sa nomination. "C'est le rôle de l'opposition, à chacun son opinion", a-t-il commenté au sujet des critiques qui lui sont adressées. Il a révélé avoir déjà constitué son cabinet, mais a refusé de le dévoiler, la prérogative en incombant à la présidente de la République.

Son père devrait en faire partie, selon plusieurs sources bien informées. "Je souhaite avoir une équipe qui travaille dans la solidarité, parce qu'il y a de grands défis à relever. La population attend beaucoup de nous. Elle a mis sa confiance dans l'alliance gouvernementale", a-t-il ajouté.

Il devra composer avec une majorité parlementaire réduite. Depuis le départ en décembre de quatre ministres, membres du Parti mauricien social démocrate (PMSD), qui ont rejoint l'opposition pour protester contre un projet de réforme constitutionnelle, la coalition au pouvoir ne dispose plus que de 41 députés sur 69. La démocratie parlementaire mauricienne est fondée sur le système en vigueur en Grande Bretagne, qui a colonisé Maurice entre 1810 et 1968.