En 2017, la loi du 28 février de programmation relative à l’égalité réelle Outre-mer consacrait, après concertation de l’ensemble des acteurs concernés, la fréquence du recensement de la population de Mayotte, ainsi que ses modalités de réalisation et de diffusion. C’est donc en 2021 que l’Insee a effectué pour la première fois le recensement de la population sur le modèle de la méthode applicable à tous les départements de l’Hexagone et à ceux d’Outre-mer. Résultat, au 1er janvier 2022, Mayotte comptabilisait 300.000 habitants, selon cet organisme.
Pour l’Insee, la dynamique démographique de l’archipel est spécifique. « Depuis 1958, la population de l’île a décuplé et elle a doublé entre 1997 et 2017. (…) Mayotte est, de loin, le département dont la croissance démographique est la plus rapide : près de 4% par an entre 2012 et 2017. Par comparaison, la croissance démographique est de 3% par an à Madagascar entre 1993 et 2018 [Instat] et de 2,3% par an aux Comores », relève l’étude. « La population croît d’un ordre de grandeur semblable à celui de pays africains en pleine explosion démographique tels que le Niger, la Guinée équatoriale ou l’Angola. (...) Près de la moitié des habitants sont de nationalité étrangère [Insee, 2019] et les trois quarts des naissances sont de mères étrangères. »
Une méthodologie adaptée
Pour tenir compte de ces spécificités, l’Insee a dû adapter sa méthodologie. Par exemple, l’ensemble des habitations informelles, généralement en tôle, sont recensées de façon exhaustive lors de la collecte dans les grandes communes. « Elles ne sont pas échantillonnées au même titre que les autres logements. Ainsi, la part des logements recensés sur un cycle de 5 ans sera bien plus importante à Mayotte (de l’ordre de 60 à 70%) qu’en métropole (40%) ». Par ailleurs, avant chaque enquête, une cartographie précise est établie afin de repérer les logements concernés, en dur ou en tôles.
D’autres éléments viennent corroborer les chiffres de l’Insee, selon cet organisme, comme des statistiques de la population produites sur la base de la consommation de riz, ou le nombre d’enfants inscrits dans les établissements scolaires, qui serait en adéquation avec celui des enfants dénombrés au recensement de la population. Mais cela n’empêche pas certains d’affirmer que cette dernière est bien plus nombreuse que ce que disent les chiffres de l’Insee, arguant notamment du fait que la population en situation d’illégalité n’est pas recensée.
« C’est bien l’ensemble de la population résidente qui est dénombrée dans le cadre du recensement, quels que soient son statut ou sa nationalité », réplique l’Institut statistique. « Les agents recenseurs se rendent dans tous les quartiers, y compris dans les quartiers de « bangas » (maisons en tôle). À Mayotte, les communes et la population sont très attachées au recensement, qui est toujours un événement. En 2017, le taux de collecte était très élevé : 97,6% des logements ont été recensés, davantage qu’en métropole (96,4%). » L’Insee souligne par ailleurs qu’il est beaucoup plus difficile de recenser les mzungus (Hexagonaux), cloîtrés dans leurs résidences sécurisées et qui n’ouvrent pas toujours leur porte aux agents recenseurs.
Mayotte est aussi une terre d’émigration
Si on comptabilise plus d’arrivées que de départs dans l’archipel, Mayotte est aussi une terre d’émigration, un facteur souvent négligé. Entre 2012 et 2017, l’excédent migratoire était certes de 32.500 personnes pour les natifs de l’étranger, principalement des femmes âgées de 15 à 34 ans originaires des Comores accompagnées de leurs enfants. Cependant, relève l’Insee, « Mayotte est également une terre d’émigration, une caractéristique peu connue. Le solde migratoire des natifs de Mayotte est très déficitaire et ce déficit s’est accru : 25.900 personnes ont quitté le territoire entre 2012 et 2017, après 14.900 entre 2007 et 2012. De nombreux jeunes de 15 à 24 ans partent pour poursuivre des études ou chercher du travail en métropole, freinant ainsi la croissance démographique. »
L’institut statistique publiera en 2025 une nouvelle mesure de la population mahoraise, qui dressera pour chaque commune les chiffres de la population légale au 1er janvier 2023, point d’orgue d’un cycle de cinq années d’enquêtes. « À partir de cette date, une mise à jour annuelle permettra de suivre l’évolution de la population de façon plus précise, comme partout ailleurs en France », précise l’Insee.