Mayotte : Trois semaines de grève avant une grande manifestation unitaire [Synthèse]

Mayotte est paralysée depuis trois semaines par des manifestations contre l'insécurité avec de nombreux barrages routiers érigés aux points-clés de l'île. Ce mercredi, une nouvelle opération  "île morte" est organisée. Retour sur ces trois semaines de '"grève générale". 
Depuis le mardi 20 février, Mayotte a entamé un mouvement de contestation populaire contre l'insécurité. Une nouvelle mobilisation de grande ampleur est prévue ce mercredi 7 mars. Elle réunira les élus, l'intersyndicale, le collectif des citoyens de Mayotte et toute la population. 

# Le point de départ du conflit 

L'insécurité à Mayotte est un sujet récurrent depuis plusieurs années, mais l'on peut situer le point de départ de cette nouvelle mobilisation au mois de janvier dernier. Le 19 janvier, de violents affrontements (caillassages et bagarres entre bandes rivales) ont éclaté au lycée Kahani de Mamoudzou, nécessitant l'intervention des forces de l'ordre et l'évacuation des élèves. Les agents décident alors d'exercer leur droit de retrait.

Le 20 janvier, les agents sont rejoints par la majorité des chauffeurs de bus scolaires de Mayotte en raison du caillassage d'un véhicule le 6 février. De 200 à 250 conducteurs sur les 270 que compte l'île ont refusé de travailler et se sont rassemblés avec leurs véhicules à Mamoudzou ce jour-là. 

#La mobilisation prend plusieurs formes  

Près d'un millier de manifestants, selon la police, ont défilé mardi 20 février dans les rues de Mamoudzou pour protester contre l'insécurité. Les mouvements de protestation contre l'insécurité se mettent en place et sont menées notamment par un collectif d'associations affirmant que l'insécurité qui sévit sur l'île est directement liée à l'immigration clandestine venue des îles voisines de l'Union des Comores.

Le 26 février, quelque 300 personnes rassemblées à Mamoudzou appellent à une journée "île morte" le lendemain. Plus d'un millier de personnes, selon la police, défilent dans les rues de Mamoudzou et une très grande majorité des entreprises de Mamoudzou sont restées fermées toute la journée.

La grève continue tant qu'on n'est pas entendus au ministère (porte-parole du mouvement).


Depuis le 20 février, la mobilisation prend plusieurs formes: des manifestations dans les rues du chef-lieu, opération escargot, blocage de la liaison maritime entre Grande-Terre et Petite-Terre, et barrages érigés de l'aube jusqu'à la tombée de la nuit sur les axes routiers principaux paralysant une partie de la circulation. 

#Les annonces pour désamorcer la crise 

La ministre des Outre-mer Annick Girardin annonce le mercredi 28 février une série de "mesures déterminées" pour améliorer la sécurité à Mayotte, dont l'envoi de deux pelotons de gendarmerie mobile, la mise en place "dans les dix jours" d'un "plan de sécurisation des établissements et des transports scolaires", et "l'arrivée de dix policiers supplémentaires de la police aux frontières" d'ici à la fin mars.

Le gouvernement ne laissera pas un territoire de la République s'enfoncer dans la violence et ses citoyens penser qu'on ne s'occupe pas d'eux

 

Au-delà des annonces sécuritaires, Annick Girardin appelle à "dessiner une nouvelle vision pour Mayotte", avec "des priorités clairement établies: la sécurité et la lutte contre l'immigration clandestine, bien entendu, mais aussi la santé, le logement et les transports, qui font votre vie de tous les jours".

# La position des élus mahorais 

Le samedi 3 mars, une réunion entre le préfet et les maires des 17 communes de l'île tourne court. Les élus mahorais remettent au représentant de l'Etat une motion "pour dire le mécontentement des Mahorais" avant de quitter la réunion. Ils annoncent également que les mairies de Mayotte seront fermées à partir de lundi 5 mars. 

Réunis lundi 5 mars dans l'hémicycle du Conseil départemental, les élus de Mayotte font deux annonces. D'abord, Ils ont fait appel à un bureau d’étude pour élaborer un projet de remise à niveau et développement pour Mayotte. Celui-ci est chiffré à un milliard huit cents millions d’euros. Ensuite, ils se sont déclarés solidaires du mouvement et descendront, eux-aussi, dans la rue, aux côtés des manifestants ce mercredi 7 mars. 

#Laurent Wauquiez entre dans l'arène  

Le président des Républicains, Laurent Wauquiez, a estimé ce lundi 5 mars à l'occasion d'un déplacement à Mayotte que l'île était "abandonnée" par le président de la République, Emmanuel Macron.

Je pense que ces gens-là ne mesurent pas la situation extrêmement difficile dans laquelle est plongée l'île


En déplacement à Saint-Martin, la réponse de la ministre des Outre-mer Annick Girardin est immédiate: 

Si malheureusement certains hommes politiques ou femmes politiques veulent surfer sur une violence, certes, qui existe à Mayotte, pour l'amplifier et pour créer encore plus de malaise, sachez que ces gens-là seront responsables de ce qui arrivera demain


La France Insoumise est sur la même tonalité que Les républicains. Le député européen Younous Omarjee, proche de Jean-Luc Mélenchon, estime que le "devoir" des ministres est de se rendre à Mayotte, en pleine crise.

La France est la 5e puissance économique mondiale, la 2e puissance de l’Union européenne, mais accueille en son sein les régions les plus pauvres d’Europe : les Outremer. Parmi lesquelles Mayotte qui selon Eutostat est, avec une autre région bulgare, la région la plus pauvre de l’UE


#A l'Assemblée nationale aussi

Après trois semaines de grève, les députés se sont également emparés de ce dossier brûlant à l'occasion des questions d'actualité au gouvernement ce mardi 6 mars. LR demande "la restauration de l'autorité de l'Etat". LFI réclame, comme les élus locaux, un plan de 1,8 milliard d'euros. 
Annick Girardin explique aux députés qu'avec le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb, elle va annoncer "dans les heures qui viennent" de nouvelles mesures pour la sécurité et qu'une "Conférence pour l'avenir de Mayotte" va être organisée.