« Mémoires libérées » : regards croisés sur l’histoire des traites et des esclavages depuis l’Europe, les Caraïbes et l’Afrique

« Mémoires libérées » explore les vécus de territoires des Caraïbes, d’Afrique et d’Europe, marqués par le monde esclavagiste. Résultat de la réflexion d’acteurs de cinq pays, l'exposition est installée à Nantes, jusqu’au 30 juin. 
"C’est avant tout un moyen d’expression des différents territoires partenaires du projet, autour de cette histoire commune de la traite et de l’esclavage". C’est ainsi que Patricia Afadé, commissaire de l’exposition présente "Mémoires libérées", installée à l’Hôtel du département de Loire-Atlantique, à Nantes, jusque fin juin.

"L’histoire de la traite et de l’esclavage est souvent présentée d’une façon très euro-centrée", souligne celle qui est aussi coordinatrice de l’association nantaise "Les Anneaux de la Mémoire". Avec quatre organismes partenaires d’Antigua et Barbuda, du Cameroun, du Sénégal et d’Haïti, l’association a donc décidé de faire différemment et de croiser les regards sur cette partie de l’Histoire. 

Patricia Afadé, commissaire de l'exposition "Mémoires libérées"

Pour mener à bien ce projet, un comité scientifique international a été mis en place pour penser l’exposition. "Des historiens, des chercheurs, des sociologues qui travaillent sur ce sujet, mais aussi des artistes et des représentants institutionnels, comme de l’Unesco ou du CNMHE, Comité national pour la Mémoire et l'Histoire de l'Esclavage… ", précise Elise Dan Ndobo, vice-présidente de l’association nantaise Les Anneaux de la Mémoire. "C’est au sein de ce comité, qu’il a par exemple été fait le choix de consacrer toute une première partie aux différents continents au 15e siècle, avant l’installation de la traite atlantique. Des territoires qui avaient à ce moment là, le même niveau de développement, explique Patricia Afadé. L’occasion de rappeler aussi certains faits parfois méconnus, comme la traite transsaharienne, déjà présente sur le continent africain. 

Un monde atlantique esclavagiste

Près de 15 millions d’Africains ont été déportés en quatre siècles par le commerce triangulaire. A travers documents d’archives, panneaux explicatifs et objets, "Mémoires libérées" revient sur la mise en place de ce système économique, avec les premières campagnes au départ des ports européens, Nantes notamment, jusqu’au développement de l’économie autour de la culture du café mais surtout celle de la canne à sucre. Au 18e siècle, elle domine l'économie des Antilles. Retour aussi sur la violence du système esclavagiste.  

Au 18e siècle, la culture de la canne à sucre domine l'économie des Antilles

Avec ces conséquences : "Les trois continents vont être fortement impactés. En Europe, c’est le développement économique, des arts, des lettres et l’embellissement des villes comme Nantes. Aux Antilles, la mise en place de sociétés esclavagistes réglementées, discriminatoires. En Afrique, c’est le début du déséquilibre. La traite va bouleverser les systèmes économiques, politiques et sociaux", résume Patricia Afadé.
 

Résistances et héritages 

"Il nous a paru aussi très important d’aborder les résistances, comme les révoltes ou le marronnage. On parle souvent de l’abolitionnisme, la part belle donnée aux Européens. Mais les captifs et les esclaves ont toujours résisté. Des côtes africaines, dans les navires négriers, jusque dans les plantations, ils n’ont jamais accepté leur condition d’esclaves". Et puis il y a les héritages, les différents mouvements de revendication aujourd’hui (récupérations, panafricanisme) ou l’influence dans les arts, comme le gwoka. "On évoque l’esclavage contemporain aussi. Même s'il n'est pas le même, il ne faut pas oublier qu'il existe"
 

Sept artistes associés

Autre particularité de cette exposition, la présence d’œuvres artistiques, que l’on découvre au fil des espaces. "Nous avions déjà travaillé avec le peintre guadeloupéen Jean-Marc Hunt sur une autre exposition itinérante en Guadeloupe, en 2011 et nous avions trouvé que le fait de donner la parole à un artiste permettait de sensibiliser différemment le public, explique Elise Dan Ndobo, vice présidente de l’association nantaise des Anneaux de la Mémoire. L’histoire des traites et des esclavages n’est pas une thématique facile à aborder avec les scolaires notamment. L’art est une autre entrée"

Oeuvre de l'artiste plasticien guadeloupéen Jean-Marc Hunt

Les artistes qui ont participé : Mark Brown (Antigua et Barbuda), Alex Bien-Aimé (Haïti), George Marks (Etats-Unis), Mballo Kebe (Sénégal), Jean Marc Hunt (Guadeloupe), Hervé Youmbi (Cameroun), Philippe Monges (Ile-de-France)
 

Mise en valeur du patrimoine

L’exposition "Mémoires libérées", a été mise en place dans le cadre du projet TOSTEM, tourisme autour des sites de la traite, de l’esclavages et de leur mémoire, débuté en 2014. Projet dans lequel les cinq associations partenaires travaillent à la mise en valeur du patrimoine, témoin de cette partie de l’Histoire. "Ces héritages sont des témoignages. C’est très important de montrer aux générations actuelles, que ce soit en Haïti ou en Guadeloupe par exemple, qu’elles ont une histoire et quelle mérite d’être racontée et reconnue", insiste Elise Dan Ndobo.
 

Une exposition itinérante

"Mémoires libérées" est présentée au Conseil départemental de Loire-Atlantique, qui co-produit le projet, à Nantes, jusqu’au 30 juin. Une programmation culturelle est aussi prévue dans ce cadre. L’exposition sera ensuite présente dans les 4 autres territoires partenaires, Antigua et Barbuda, Haïti, Cameroun et Sénégal. Les organisateurs aimeraient qu’elle soit présentée en Guadeloupe.
 
Pour plus de renseignements : memoiresliberees.org 
Les associations porteuses du projet: Les Anneaux de la Mémoire – Nantes ;  La Route des Chefferies – Cameroun; La Fédération Nationale des Offices du Tourisme et des Syndicats d’Initiatives du Sénégal (FNOTSIS)- Sénégal; Association Touristique d’Haïti – Haïti;  African Slavery Memorial Society of Antigua and Barbuda – Antigua-et-Barbuda