Pour la Communauté du Pacifique réunie à Nouméa, mieux se nourrir est l'enjeu majeur des îles face au changement climatique

Marché de Nouméa
Freiner l'importation d'aliments contribuant à l'obésité ou encore produire davantage de légumes : la sécurité alimentaire est l'une des questions abordées par les 27 Etats insulaires membres de la Communauté du Pacifique, réunis en Nouvelle-Calédonie, depuis jeudi, pour leur conférence annuelle.

Avec 60% des captures annuelles de thon de la planète, l'océan Pacifique contribue largement à l'alimentation mondiale et pourtant ses populations font face à des défis majeurs, que le changement climatique aggrave, s'inquiète la Communauté du Pacifique.

Dans le Pacifique insulaire, 70% de la population vit de la pêche et de l'agriculture de subsistance, selon la Communauté du Pacifique. "Pourtant, depuis ces vingt dernières années, la nourriture importée et ultra-transformée est privilégiée par les populations. Issus d'une agriculture très subventionnée, ces produits sont bien moins chers que la nourriture produite localement", pointe Karen Mapusua, directrice de la division ressources terrestres de la Communauté.

Avec pour conséquence une épidémie de maladies non transmissibles - obésité, diabète, hypertension, maladies cardio-vasculaires - responsables de 60 à 80% des décès prématurés dans les pays membres de la Communauté. Pour changer la donne, certains mènent une politique volontariste, tels les Etats fédérés de Micronésie."Nos agriculteurs produisent principalement des tubercules : taros, ignames, maniocs. On veut les inciter à produire à nouveau des légumes, en organisant la filière pour (...) remplacer au moins en partie les importations", explique à Nouméa la déléguée micronésienne Elina Akinaga.

Collection botanique 

Des efforts mis à mal par le changement climatique, avec notamment des cyclones plus puissants et plus fréquents, comme au Vanuatu récemment touché par Lola (catégorie 5), alors même que la saison cyclonique n'a pas encore officiellement commencé. Sans compter la montée des eaux, qui provoque érosion, inondations et hausse de la salinité. Pour parer à ces problèmes, la Communauté du Pacifique a créé en 1998 à Fidji un centre de conservation et de recherche génétique des cultures du Pacifique. 

"En cas de destruction totale d'une espèce, on peut fournir au pays membre de nouveaux plants grâce à notre collection botanique. On développe également des variétés résistantes à la sécheresse et la salinisation des eaux. C'est particulièrement vrai pour le taro, consommé partout dans le Pacifique et très sensible à ces deux phénomènes", pointe Karen Mapusua.

Les Etats du Pacifique insulaire ont toutefois des atouts."Dans la plupart des pays, chaque famille dispose d'un lopin de terre, et les pratiques agricoles restent ancrées, même chez ceux qui ont quitté les zones rurales pour les centres urbains", poursuit Karen Mapusua. "La crise Covid l'a montré, par exemple aux Fidji, où le secteur du tourisme a subi un coup d'arrêt, les Fidjiens sont rentrés dans leurs villages et ont monté leurs micro-entreprises agricoles", dit-elle.

La culture traditionnelle du Pacifique basée sur les structures communautaires permet également de gérer au mieux les ressources, notamment halieutiques. Au royaume de Tonga ou en Micronésie, les villageois eux-mêmes gèrent les réserves marines de proximité et décident des périodes d'autorisation et d'interdiction de pêche, en fonction de chaque site.