Mise au point cinglante du haut-commissaire en Polynésie contre une bloggeuse

René Bidal, haut-commissaire de la République en Polynésie française.
Chose rare, le Haut-commissaire René Bidal, représentant de l’Etat en Polynésie française, a rédigé un droit de réponse définitif à l’encontre de Christine Bourne, bloggeuse très proche de l’ancien président Gaston Flosse, et qui collectionne les plaintes pour diffamation. Explications.
Hier, le Haut-commissaire de la République en Polynésie française a battu des records de popularité. Sur sa page Facebook, alors que d’ordinaire les "posts" du représentant de l’Etat  sont "likés" par une poignée de personnes, sa dernière publication a été partagée près de 750 fois en 15 heures (lettre du haut-commissaire ci-dessous).

Lettre ouverte


L’objet de ce succès inhabituel ? Une lettre ouverte très personnelle, adressée à Christine Bourne, une bloggeuse toujours influente, très proche de l’ancien président de la Polynésie française, Gaston Flosse, auteure d’éditos quotidiens au lance-flammes et d’informations parfois inexactes. Et gare à ceux qui oseraient contester son autorité médiatique !

Samedi, la bloggeuse était donc outrée de ne plus recevoir les communiqués du haut-commissaire et celui-ci en a pris pour son grade : "Préfet empêtré dans la rigidité préfectorale métropolitaine, sans humour, au sourire factice et à la colère immédiate."
 

"Soit on fait du journalisme, soit on fait du spectacle"

Comme ses prédécesseurs, René Bidal aurait pu traiter l’éditorialiste online "par le mépris", mais celui qui est en poste depuis seulement quatre mois, ne l’entend pas ainsi : "Se taire serait vous persuader que vous disposez d’un pouvoir de nuisance qui, à mes yeux, s’arrête aux limites de votre autosatisfaction." Et d’ajouter : "Il faut choisir, soit on fait du journalisme, soit on fait du spectacle et l’on peut, alors, se détourner de toutes les règles, notamment celle de l’honnêteté intellectuelle."

Editorialiste et conseillère de Flosse

Il faut dire qu’entre militantisme politique et journalisme, Christine Bourne n’a jamais vraiment choisi. Avant de tenir un blog, celle-ci a longtemps été l’éditorialiste incontournable de La Dépêche de Tahiti, le principal quotidien de l'île, lorsque Gaston Flosse était président. Dans un ancien rapport sur la gestion de la présidence Flosse, la Chambre territoriale des comptes avait levé le voile sur leur très grande proximité. Ainsi, entre 1991 et 2004, le président lui avait confié "une mission de conseil en communication" pour une rémunération mensuelle d’abord fixée à 4200 euros, avant d’être augmentée. L’éditorialiste détaillait sa fonction : "Des entretiens confidentiels sur la stratégie à mener et les tactiques à utiliser étaient prévues chaque fin de semaine, outre les entretiens quasi quotidiens au téléphone."

Gaston Flosse, l'ex-président de la Polynésie française

"Il fallait être bien avec le gouvernement"

Christine Bourne ne voyait pas d’inconvénient à commenter l’actualité politique tout en conseillant secrètement le principal dirigeant politique. "J’avais pris la précaution de demander l’autorisation écrite à ma direction générale que ça arrangeait bien, aussi, d’avoir quelqu’un dans la place, disait-elle aux journalistes Gérard Davet et Fabrice Lhomme, dans leur livre L’homme qui voulait être roi (Fayard, 2013). Mais bon, à l’époque, il fallait être bien avec le gouvernement pour avoir des exonérations sur du matériel, moins d’impôts, etc."

Refuge sur internet

Après la chute de Gaston Flosse en 2004 et son éviction de la Dépêche de Tahiti, Christine Bourne a trouvé refuge sur Internet. Lorsque Gaston Flosse a été réélu président de la Polynésie, en 2013, Christine Bourne est réapparue au premier rang des conférences de presse présidentielle. Ses relations sont plus complexes avec le nouveau président, Edouard Fritch.

Edouard Fritch, président de la Polynésie française

"Elucubrations mensongères et diffamatoires"

En février dernier, le ministre polynésien de l’Equipement Albert Solia annonçait le dépôt d’une plainte pour diffamations et injures publiques, suite à des "élucubrations mensongères et diffamatoires". L’an dernier, le président de la Polynésie Edouard Fritch lui-même l’avait attaquée pour diffamation. La semaine dernière, le tribunal correctionnel de Papeete lui a donné raison et a condamné Christine Bourne à verser un franc symbolique.

L’an dernier, c’est également Yves Conroy, spécialiste des actions en justice contre les politiques locaux et protestant, qui avait annoncé vouloir saisir la justice. Cette fois, Christine Bourne avait accusé les protestants polynésiens de vouloir adopter "la charia à leur sauce"...