Mobilisation après la mort de Lionel Eguienta, alias Lionel D, pionnier du rap français

Lionel D, à droite.
Le 26 février 2020, Lionel D, pionnier du hip-hop en France, s'est éteint à Londres des suites d'une crise cardiaque. Son décès dans l'anonymat a mobilisé le monde du rap français afin de permettre le rapatriement de son corps en France. Le ministre de la Culture a expliqué agir dans ce sens.
Son nom a été oublié mais son travail a sûrement permis l'émergence de grands artistes du rap français : Lionel Eguienta, alias Lionel D, est décédé à Londres le 26 février 2020. Un infarctus l'a terrassé dans la capitale anglaise, où il vivait dans l'anonymat et vraisemblablement dans la solitude. Son ami Dee Nasty l'a annoncé sur son compte Facebook, prévenu par l'hôpital londonien car il était l'un des trois seuls numéros enregistrés dans son téléphone portable. 
  

Pionnier

À la fin des années 80, tous les deux animaient chaque dimanche l'émission Deenastyle sur Radio Nova. Un rendez-vous hebdomadaire pour les premiers fans de rap en France et surtout, deux heures d'antenne pour tous les MC débutants.
 
Parmi eux, NTM, MC Solaar, le Ministère Amer ou encore Assassin. L'un des fondateurs d'Assassin Productions, le DJ Maître Madj, en garde un souvenir reconnaissant : "Lionel s'est trouvé à un moment bien précis de l'histoire du hip-hop en France et ce qu'ils ont fait avec Dee Nasty, notament l'émission Deenastyle sur Radio Nova, a été l'une des pierres fondatrices de l'histoire du rap en France."

Celui qui se définit comme "résistant culturel" regrette l'ingratitude du milieu envers Lionel D. "On n'a presque jamais autant parlé de lui qu'en ce moment au moment où il décède", note-t-il avec amertume. 
 

On pense ce qu'on veut de lui, que son style de rap n'était peut-être pas très excitant, que ci, que ça... ok. Mais j'ai toujours été convaincu du fait qu'on ne peut pas avancer si on ne retient pas les grands moments de notre histoire et Lionel fait partie de cette histoire. Je pense qu'à un moment donné la scène ne lui a peut-être pas rendu ce qu'il fallait par rapport à ce qu'il avait amené. Mais c'est le lot des pionniers. Lionel en a fait partie. D'une part, il avait ses faiblesses et d'autre part il a sûrement été victime d'une certaine forme d'ingratitude.
Maître Madj 

 

"Lionel D a été victime d'une forme d'ingratitude"

  

Banlieusard avant tout

Comme les artistes qui passent dans leur émission, Lionel D rappe sur le monde qui l'entoure, sa vie de banlieusard. Il grandit dans le quartier Jean Cousy à Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne), né à Paris le 23 décembre 1961 d'un père martiniquais, originaire de Grand-Rivière. "J'y suis allé en 1973, j'étais môme mais j'en garde un très bon souvenir", confiait-il en 1987 dans le magazine IM'média. "J'ai une autre passion dans la vie, à part la musique : les insectes, les reptiles. Je peux rester des heures à les observer, je suis vraiment dingue de ça."

Mais pour Maître Madj, Lionel D n'a jamais vraiment mis en avant ses origines caribéennes. "Il se situait dans une démarche plus globale, plus sociale, de mec de banlieue." Et c'est dans sa banlieue, à Vitry, qu'il découvre le smurf, puis le rap, "un moyen pour les jeunes de s'exprimer", disait-il. 
 

Vivre dans une cité, c'est pas vraiment vivre. C'est un peu un autre monde. Beaucoup de gens croient que l'agressivité vient du fait que les mecs bossent pas mais il y a aussi l'environnement. Tout joue. Ils évoluent dans un monde où il y a des gens qui ne les aiment pas. Et moi je me compte dans le tas.
Lionel D en 1990

 

Mobilisation 

Lionel D sera l'un des premiers rappeurs français à signer sur un label majeur, Sony, où il publiera deux albums. L'actualité internationale le rattrapera malheureusement : l'un de ses titres, Pour toi le beur, coïncide avec la guerre du Golfe. Sa diffusion est interdite en radio. Lionel D se fait ensuite de plus en plus rare dans les médias, jusqu'à disparaître totalement du paysage. 

Aujourd'hui, ses anciens amis et certains noms du rap français demandent à ce qu'il ne soit pas oublié. Sans famille, sans passeport, il est considéré au Royaume-Uni comme un clandestin et son corps est menacé d'être incénéré et déposé dans une fosse commune. Interpellé sur les réseaux sociaux, le ministre de la Culture a expliqué être en contact avec le consulat de France à Londres pour organiser le rapatriement du corps de Lionel D en France et permettre ainsi son inhumation à Vitry-sur-Seine.