"J'ai essayé de faire revenir cette personne qui a marqué deux buts mais elle ne s'est jamais représentée !": 20 ans après, Lilian Thuram n'en revient toujours pas de son doublé inscrit contre la Croatie en demi-finale de la Coupe du monde 1998 (2-1), dans un entretien.
La1ère.fr avec AFP •
La Coupe du monde, ça représentait quoi pour vous enfant ? Lilian Thuram : Enfant, ce n'est même pas un rêve, c'est plus que ça: c'est quelque chose qui existe, mais qui n'est pas vraiment vrai. On joue la Coupe du monde - j'étais le Brésil - avec les amis. Quand on est enfant, la Coupe du monde c'est toujours la finale: on joue, et on gagne, et si on perd on recommence. Je me souviens de la Coupe du monde 82, et j'étais en larmes. On s'imagine jouer une Coupe du monde, mais on ne s'imagine pas vraiment que c'est possible, parce qu'il n'y a pas de raison que je devienne joueur de foot et que je joue la Coupe du monde.
Est-ce que les gens vous en parlent ?
Il n'y a pas une journée, que ce soit en France ou à l'étranger, sans que quelqu'un ne me parle de la Coupe du monde. C'est toujours avec beaucoup de joie: très souvent, il y a beaucoup de plaisir et de bonheur dans les yeux de la personne qui m'interpelle.
C'est assez incroyable, parce que récemment je suis allé voir une pièce de théâtre, et quelqu'un m'a dit: On sait exactement où nous étions lors de la finale. C'est quelque chose qui a marqué profondément la France, et ceux qui aiment le foot, et c'est quelque chose qui est profondément ancré en moi. C'est un sentiment de plénitude, comme s'il y avait un bonheur éternel dans le fait d'avoir gagné cette Coupe du monde.
Un peu quand même... Justement, quelles ont été les conséquences de votre doublé ?
Ç'a été une très bonne chose que je marque deux buts, parce que si on avait perdu 1-0, la France entière aurait dit : Ah ouais, on aurait pu gagner la Coupe du monde, mais Thuram s'est trompé sur le premier but... Donc ç'aurait été une catastrophe.
Tout le monde a été surpris, moi le premier, et on s'est dit : Non mais c'est une blague, c'est pas lui ! Mes coéquipiers, après le match, rigolaient. C'était pas vraiment moi: j'ai essayé de faire revenir cette personne qui a marqué deux buts mais elle ne s'est jamais représentée!" (rires).
Ce geste, évidemment, je n'y ai pas pensé avant le match. S'il n'y avait pas eu les images, je n'aurais pas su que j'ai fait ce geste-là. Marcel Desailly est le premier à s'approcher vers moi et il me dit: Mais Lilian, qu'est-ce que tu es en train de faire? Moi j'ai dit: Ben j'en sais rien...
Comment regardez-vous le joueur Zinédine Zidane ?
Je le connaissais avant, en Espoirs, donc je connaissais la valeur du joueur. Le voir devenir le joueur qu'il était en train de devenir en équipe de France, ça ne m'étonnait pas. La première fois que je l'ai vu, lors d'un rassemblement de jeunes à Clairefontaine, je devais avoir 17 ans. Je vois un joueur en train de jongler, qui lance le ballon très haut, le récupère.
Le soir, j'appelle des amis: J'ai vu un mec, c'est incroyable, il est trop fort ! C'était Zidane. Les gens ne s'en rendent pas compte, mais la plus grande qualité de Zinédine Zidane, ce n'est pas sa technique: c'est un gros travailleur. Quand quelqu'un est très technique, les gens sont persuadés que c'est facile.