Mondial 2019 : au RC Saint-Denis, dans le 93, le foot se conjugue au féminin depuis plus de vingt ans

Les U15 du RC Saint-Denis, victorieuses face à Bobigny ET.F.C, ont empoché leur billet pour la finale de la coupe départementale de Seine-Saint-Denis le 19 juin au Stade de France.
Fondé en 1984 par une poignée d’Antillais, le Racing Club de Saint-Denis a bien grandi. Il est devenu l’un des gros clubs de football de banlieue parisienne grâce... aux femmes ! Les Séniors féminines évoluent en 2ème division du championnat de France. Et derrière, la relève est assurée.
Sur le terrain d’honneur ce soir-là, les Séniors féminines se qualifient pour les demi-finales de la coupe départementale en battant la J.A. Drancy 6 à 0. Un peu plus tôt, sur un terrain annexe, ce sont les U15 qui ont brillé. Après une victoire 2-1 face à Bobigny ET.F.C, elles sont en finale de cette coupe de Seine-Saint-Denis. Dans les vestiaires, les jeunes filles chantent à tue-tête pour célébrer la victoire et cette finale qu'elles joueront au Stade de France le 19 juin prochain. 

Rien de surprenant, finalement, dans l’enceinte du complexe sportif Auguste Delaune de Saint-Denis. Ici, les footballeuses ont toute leur place. La première équipe féminine a vu le jour en 1995, 11 ans après la création du club dyonisien. Au fil des années et des obligations imposées par la fédération, les équipes se sont multipliées. Par chance, les budgets ont suivi. C’est aussi le fruit du travail et de l’envie de ses dirigeants, tous bénévoles.
 

Des racines antillaises

Alors oui, l’immense majorité des dirigeants du RC Saint-Denis sont des hommes. Paul Mert, le président. Franck Massicot et José Alexandrine, les vice-présidents. Tous sont antillais, comme une partie des entraîneurs et des éducateurs.

En 1984, Paul Mert vit à Saint-Denis. L’idée de monter "une équipe de foot loisir" naît autour d’une partie de "dominos" avec des amis : "On a été pris par l’enjeu et on a monté le Racing Club de Saint-Denis." Pourquoi ce nom? Par attachement aux Antilles et au Racing Club de Rivière-Pilote d’où est originaire Paul Mert ainsi qu'au Racing Club de Basse-Terre, ville d’un autre des fondateurs.
Paul Mert est président du RC Saint-Denis depuis 1984, année de la fondation du club.
 

A l’origine, un club de mecs

Quand on a créé [le club], c’était surtout pour les garçons. On ne parlait pas de football féminin.

- Paul Mert, président du RC Saint-Denis


Dans cette deuxième moitié des années 1980, "les gamines accompagnaient déjà leurs parents parce que c’était les garçons qui jouaient dans le club, poursuit le Martiniquais. Elles avaient envie de jouer au ballon. Et nous, on a pris ce virage, en disant, on va créer une équipe féminine."

La toute première équipe féminine du Racing Club Saint-Denis voit le jour en 1995. Mais rien n’est facile. Pour accueillir et encadrer des jeunes filles, il faut un entraîneur, un éducateur, un budget. "Je peux vous dire qu'avoir des filles, c’est pas évident mais on a tenu, on a tenu parce qu’elles savaient nous le rendre comme il faut parce qu’elles étaient très assidues aux entraînements."
 

Émancipation

Assidues aux entraînements et couronnées d’un certain succès sur les terrains. Les Séniors féminines jouent en D2, les U15 sont en finale de la coupe départementale... Pourtant, il suffit de discuter avec les joueuses pour voir que rien n'est simple. Réticence familiale, moqueries des garçons... le chemin est souvent semé d'embûches. "Au départ, mes parents ne voulaient pas, se rappelle Lina, joueuse de 22 ans qui a commencé le foot à 8 ans. Pour ma mère, c’était une crainte que j’aille jouer avec des garçons. Pour mon père, il y avait d’autres sports, peut-être un peu moins brutaux." 

Cette défiance vis-à-vis des filles dans le milieu du football, les dirigeants du RC Saint-Denis tentent de la combattre. "Dans le département où on se trouve, il y a des parents qui ont du mal à comprendre que leur fille veuille faire du foot, se désole Franck Massicot. Les mamans, les pères aussi (...) les grands frères qui n’acceptent pas que leurs sœurs, leurs enfants fassent du foot."  "On discute énormément, on leur fait comprendre que l’avenir de nos enfants passe par le foot et aussi par le sport, le foot est aussi un équilibre pour leurs enfants à l’école ou hors du milieu scolaire",  explique ce Guadeloupéen natif de Basse-Terre.
Vice-président du RC Saint-Denis, Franck Massicot est également responsable de toute la section féminine école de foot de U6 à U19.
 

Des ambitions freinées

Malgré le chemin parcouru depuis 1995, le club rencontre aujourd'hui encore quelques obstacles pour évoluer un peu plus vers une totale égalité entre les filles et les garçons. "Les hommes sont encore un peu machos, regrette Paul Mert. Au niveau des partenaires, on voit qu’il y a une petite réticence." Mais le président se console : "Les villes commencent à bouger. La ville de Saint-Denis nous accompagne énormément, même le département et la région." 

Le natif de Rivière-Pilote l'assure, à chaque rentrée, les terrains du stade Auguste Delaune sont remplis de petites filles. "On les accepte, on ne refuse personne." Après la victoire des messieurs à la Coupe du Monde l'an dernier, une belle performance des dames en 2019 pourrait faire naître de nouvelles vocations en Seine-Saint-Denis et ailleurs. "La coupe du monde, c’est mettre en valeur le travail qu’on est en train de fournir et c’est très très bien", conclut le président du Racing Club de Saint-Denis.