Dans la galaxie du football, c'est un moment d'histoire. Comme un passage de relais, l'Argentin aux sept Ballons d'Or veut remporter à 35 ans le seul trophée qui lui manque, quand le prodige français vise un second sacre d'affilée avant ses 24 ans, comme le Brésilien Pelé en 1962.
Avant ce choc en hautes sphères, la journée de samedi offre au Maroc, l'équipe surprise du tournoi, une dernière mise en orbite contre la Croatie pour la troisième place (16h00). Mais à Doha, les regards sont déjà tournés vers la finale de dimanche.
Euphorique, l'Albiceleste voit affluer des milliers de fans dans l'émirat, dont beaucoup cherchent encore un billet, entre inquiétude et colère. La France, elle, s'inquiète pour ses champions du monde, rattrapés par un mystérieux virus qui a mis sur le flanc, tour à tour, cinq titulaires potentiels.
Varane et Coman HS
Le Guadeloupéen Kingsley Coman, joker N.1 en attaque, est touché, tout comme Ibrahima Konaté et le Martiniquais Raphaël Varane -la charnière défensive de la demi-finale face au Maroc (2-0). Tous trois souffrent à des degrés divers d'un syndrome viral que l'encadrement se refuse à nommer...
"Une petite grippe", comme le glisse Randal Kolo Muani ? Ou un simple "coup de froid", comme le martèlent plusieurs sources proches des Bleus ? "On prend un maximum de précautions", a affirmé Didier Deschamps samedi matin. Mais le sélectionneur n'avait "pas les dernières infos", à quelques heures de l'entraînement de veille de match.
Dans la douceur du mois de décembre au Qatar, la fièvre va se propager dimanche dans les travées du stade Lusail. L'enceinte flambant neuve de près de 90.000 places symbolise la démesure de l'émirat gazier, premier pays hôte moyen-oriental du Mondial, visé par de nombreuses polémiques extra-sportives.
"Cocktail parfait"
"C'est une finale à 50/50", remarque Mario Kempes, champion du monde 1978 avec l'Argentine. Le vainqueur français de 1998, Youri Djorkaeff, prolonge : "Il y a tous les ingrédients. Les fans argentins sont incroyables et puis il y a la grinta, la qualité, le coeur, l'effort, le panache des Bleus... Quand on prend les deux équipes et qu'on les met dans un shaker, on obtient le cocktail parfait."
Le "cocktail" est sans alcool -la vente est strictement encadrée au Qatar-, mais pas sans saveur : à lui seul, le duel Mbappé-Messi fait saliver les amateurs de foot, de sport, d'histoire et de statistiques.
Les deux superstars, qui font équipe sous bannière qatarie au Paris SG, se partagent la tête du classement des buteurs du Mondial avant la finale, avec cinq unités. Le vainqueur filera droit vers le Ballon d'Or, le premier pour Mbappé ou un huitième pour Messi, idole planétaire soutenue dimanche par une immense majorité de supporters.
"C'est un peuple de passionnés, ils sont à fond derrière leur équipe. Ça dégage une ambiance de fête, positive", mais "nos adversaires seront sur le terrain, pas en tribunes", rétorque Deschamps, capitaine de la première étoile en 1998, et sélectionneur de la deuxième en 2018 en Russie.
Sacrifices et efforts
Éliminés dès les huitièmes de l'Euro en 2021, privés au Qatar d'une demi-douzaine de cadres blessés, dont Karim Benzema, et désormais amoindris par ce virus, les Bleus sont des rescapés avant de retrouver l'Argentine, qu'elle a battue 4-3 en huitièmes de l'édition 2018.
"Il faut être prêt à souffrir, à faire les efforts, à se surpasser malgré la fatigue, malgré l'enchaînement, malgré les circonstances", lance le capitaine Hugo Lloris, en quête d'un deuxième titre comme capitaine, prouesse inédite.
Dans l'adversité a émergé un guide, Antoine Griezmann, ex-attaquant réinventé en "petit prince" du milieu, prêt à tous les sacrifices et à toutes les souffrances pour ses partenaires de longue date, le calme Raphaël Varane, l'insubmersible Olivier Giroud et l'increvable Lloris.
"Dernière chance"
En face, c'est la "Messimania". Pour présider à la table des légendes argentines, avec à ses côtés feu Diego Maradona, sacré en 1986, "La Pulga" n'a besoin que de cet ultime trophée : "Il sait que c'est sa dernière chance", souligne Pablo Zabaleta, son partenaire au Mondial-2014.
Contrairement à sa première finale perdue cette année-là après prolongation contre l'Allemagne (1-0), Messi semble entouré au Qatar d'une colonie de guerriers, de Leandro Paredes à Nicolas Otamendi, en passant par Julian Alvarez, révélation offensive avec quatre buts, comme Giroud.
Connaîtra-t-il la gloire du "Pibe de Oro" ? Ou sortira-t-il entre larmes et solitude, comme Cristiano Ronaldo, l'autre légende de son siècle ? "Leo" Messi détient une partie de la réponse. La France et Mbappé ont l'autre.