Le Martiniquais Patrice Annonay, notre consultant handball, nous livre les clefs du match France-Suède de ce vendredi. Il s’agira avant tout pour les Français de ne pas douter et surtout de garder leur force collective face à une nation qui semble renaître de son glorieux passé.
C’est la quatrième demi-finale d’affilée des bleus dans un championnat du monde depuis le titre acquis au Qatar en 2015. Ces quatre matchs ont généré deux titres et deux médailles de bronze. En matière de demi, les français sont spécialistes de les servir bien frappées et l’histoire du handball l’a prouvé. Même si les deux derniers matchs de ce type se sont soldés par deux défaites dans l’Euro en Croatie en 2018 et le Mondial au Danemark en 2019. Les hommes de Guillaume Gille possèdent les atouts nécessaires pour passer l’obstacle et aller en finale, le Martiniquais Jean-Jacques Acquevillo devrait revenir dans un groupe où Melvyn Richardson le Réunionnais doit retrouver ses marques dans ce sprint final.
Outre-mer la 1ère : Patrice que pouvez-vous nous dire sur cette équipe de Suède du renouveau ?
Patrice Annonay : C’est une équipe surprise car on n’a pas entendu beaucoup parler d’elle dans ce tournoi. Les Suédois ont battu facilement le Qatar qui était peut être émoussé par son match d’avant. J’ai un Suédois dans mon équipe du Tremblay–en–France, Henrik Olsson qui m’en dit beaucoup de bien (NDLR Henrik Olsson n’est autre que le fils de Staffan Olsson, l’un des plus grands joueurs du monde des années 90 quand les Suédois dominaient la planète handball). Car maintenant cette sélection est composée par une nouvelle génération de joueurs talentueux comme l’ailier de Montpellier Lucas Pellas. Et c’est une équipe en plein renouveau qui joue ce Mondial sans huit joueurs majeurs.
C’est un bon groupe qui avance discrètement, complètement dans le moule scandinave avec des remontées de balle, de la vitesse, ça joue vite et bien. Ils ont deux gardiens talentueux qui évoluent en Allemagne, à Rhein Neckar Löwen et Lemgo, Andreas Palicka et Peter Johannesson. C’est costaud !
La Suède c’est du lourd, mais du déjà connu, du déjà joué. Ceci dit en face de la France aujourd’hui il y a une partie d’inconnu, je pense que les Suédois ont une carte à jouer. Aux Français de les faire déjouer car on sera favoris pour ce match.
On les avait joué en quart de finale au Mondial de 2017 à Lille, ils nous avaient posé des problèmes avant qu’on se retrouve à Bercy. Mais on les avait battu 29/23. C’est du classique nordique, avec une très bonne manipulation de balle et de joueurs fins et techniques avec cette bonne paire de gardiens. La formule est scandinave, ça ressemble à l’Islande qu’on a affrontée au tour principal.
Outre-mer la 1ère : L’équipe de France devra se méfier de quoi ?
Patrice Annonay : D’abord d’elle-même, attention à ne pas faire d’excès de confiance et à ne pas trébucher car l’équipe de France a désormais rempli son contrat. L’objectif était de parvenir en quart de finale, il est atteint. Aujourd’hui on a des ressources mentales, on a fait tellement de matchs délicats dans cette compétition qu’on ne craint plus rien.
On doit rester dans notre projet de jeu et quel que soit le scénario, on s’en sortira toujours grâce au collectif. Dès qu’un joueur ou deux veulent se prendre pour Zorro et faire les sauveurs, ça marchera moins bien. On s’en sortira grâce au collectif, à la circulation de balle, toujours trouver la passe en plus pour un tireur en meilleur position pour le shoot, une défense rugueuse et les gardiens qui montent en puissance.
Outre-mer la 1ère : La force des bleus est en eux, la France dégage une belle sérénité vous ne trouvez pas ?
Patrice Annonay : Désormais les garçons vont pouvoir jouer le coup à fond. On a coutume de dire qu’une demi-finale ou une finale ça appartient aux joueurs. A ce moment de la compétition on découvre une équipe de France qui monte en puissance collectivement. Chacun apporte sa pierre à l’édifice. Il n’y pas de joueurs stars qui tirent l’équipe comme on avait souvent avant avec Nicolas Karabatic ou Daniel Narcisse. Le sélectionneur a fait des choix en tournant avec son groupe sur les feuilles de match, en faisant confiance par exemple à Nedim Remili et en laissant Kentin Mahé sur le banc face aux Hongrois.
Outre-mer la 1ère : Il y a quand même un sacré capitaine qui a tiré ses coéquipiers vers le haut avant hier, Mickaël Guigou …
Patrice Annonay : C’est son rôle, Mika en bon capitaine a été un vrai fer de lance, il a rameuté ses troupes, qui jouaient à l’envers face à un gardien en transe, Roland Mikler et à l’impact des tireurs hongrois. Mika en bon capitaine a rassemblé ses soldats, a pris ses responsabilités aux tirs, aux interceptions et ça a bien remis l’équipe dans les rails. Ce France-Hongrie était un beau match à voir.
Outre-mer la 1ère : Malheureusement la France n’aura pas tous ses atouts pour ce match avec deux blessés, est-ce ennuyeux ?
Patrice Annonay : Les deux blessés sont des joueurs d’importance sur notre base arrière, Lucas Karabatic et Timothey N’Guessan. C’est une vraie tuile tant Tim avait démontré de bonnes choses depuis le match contre le Portugal et Luka est la tour de contrôle de la défense. Donc Jean-Jacques Acquevillo va sans doute revenir. Mais le groupe est solide, il grandit au fur et mesure de la compétition. J’ai presque envie de dire qu’ils se sont entraînés à gérer tous les types de situation dans un match et surtout dans le money-time.
Encore une fois les Bleus sont sortis gagnants d’un duel très serré, ils ne doutent jamais et ne se sont jamais affolés. Le groupe a emmagasiné de l’expérience dans les moments cruciaux d’un match et ça pourrait nous servir.
Outre–mer la 1ère : Comment s’aborde une demi-finale ?
Patrice Annonay : Comme un quart de finale, on reste encore dans les matchs couperets, où on a vu que tout est possible comme le Danemark qui s’en sort aux tirs aux buts face à l’Egypte. Une première marche est passée, il faut passer la deuxième et aller le plus loin possible. Comme je le répète, maintenant que l’objectif est atteint, que les joueurs se fassent plaisir, qu’ils se lâchent et qu’ils continuent à nous montrer du beau jeu collectif et une solidarité hors pair.
Outre-mer la 1ère : L’autre demi-finale opposera l’Espagne au Danemark, comment la voyez-vous ?
Patrice Annonay : On aura clairement deux styles de jeu en opposition, c’est un très gros match, une finale avant la lettre. Ce sera un match tactique avec des Latins, les Espagnols qui nous ressemblent, face aux méthodiques et cliniques Danois. De part et d’autre il y a deux gardiens exceptionnels avec Rodrigo Corralès l'ex joueur du PSG et Niklas Landin qui a tué les Egyptiens. Le réalisme à la Danoise peut l’emporter, mais je vois quand même l’Espagne gagner et j’espère qu’ils rencontreront l’équipe de France, c’est tout ce que je souhaite !