La mort de Georges Floyd lors de son arrestation embrase les Etats-unis et fait réagir des représentants ultramarins

La mort violente d’un homme noir, étouffé lors d’une interpellation par la police, filmée et diffusée sur internet et dans la presse, provoque des émeutes sur place à Minneapolis. Selon le président du CREFOM, une association ultramarine, cela ne peut pas arriver en France.

La vidéo est glaçante. Un policier blanc écrase le cou d’un homme noir sous son genou pendant cinq minutes. George Floyd, un homme sans histoire, sans arme, est par terre menotté,  plaidant pour sa vie. "Je n’arrive pas respirer", dit-il. 


Le policier, Derek Chauvin, a déjà fait l’objet de plusieurs plaintes de la part de la communauté noire pour usage excessif de la force. Tout comme son co-équipier Tou Thao, qui répète des blagues: “que veux-tu, mec” , demande-t-il. "... Ne prenez pas de drogue les enfants".

Floyd semble déjà mort. Les visages des policiers ne montrent aucune émotion.  Autour, les personnes qui filment, hurlent de rage. Mais il est trop tard. Floyd décède peu de temps après à l’hôpital. Les émeutes démarrent et se poursuivent à Minneapolis et ailleurs dans le pays. La Garde nationale était déployée jeudi dans la ville de Minneapolis pour tenter de ramener le calme après une troisième nuit d'émeutes.
 

Ca ne peut pas arriver aux ultramarins…

Dans un communiqué, le CREFOM, le Conseil Représentatif des Français d’Outre-mer. "Cette image circulant en boucle dans les médias nous a bouleversé au point de pleurer en regardant impuissants ce meurtre."
 

Communiqué du Crefom après la mort de Georges Floyd aux Etats-Unis


A la question : les Noirs de France peuvent-ils être victimes de pareils agissements de la police en France (on se souvient des récents propos de Camelia Jordana sur la peur des gens de banlieue) ? La réponse de Daniel Daniel Dalin, Président du CREFOM, le Conseil Représentatif des Français d’Outre-mer, est sans appel: "Non !", précisant qu'"Aux Etats Unis les noirs peuvent se faire tuer comme des chiens”, affirme-t-il. 
 

En fait, c’est un Etat raciste, mais c’est aussi le summum de la violence.  La France aussi est un Etat raciste, surtout parmi les élites, mais le niveau de violence est moindre.  Il y a une minorité de flics racistes, mais ils ne tuent pas des noirs comme aux USA
Daniel Dalin, Président du CREFOM


Daniel Dalin, Martiniquais, explique qu’en France, les adultes noirs ne sont pas les cibles habituelles des violences policières : “en France, c’est un phénomène qui concerne des jeunes de banlieue, nés en France mais de parents africains noirs et maghrébins”, explique-t-il. "Ca concerne beaucoup moins les jeunes de la communauté ultramarine. La classe politique, ici, a peur des jeunes de la banlieue, en partie parce qu’ils sont majoritairement musulmans.  Si jamais la violence policière atteignait le même niveau qu’aux  USA, la France serait à feu et à sang."
 

… Si, ça peut arriver ici en France


Ce point de vue n’est pas unanime parmi les représentants de la communauté. “En France, des morts aussi violentes que celle de George Floyd n’arrivent que rarement”, déclare Claudy Siar, ancien délégué  interministériel pour l’égalité des chances des Français d’Outre-mer, animateur, et fondateur de TropiquesFM.
 

Moi, j’ai vu la vidéo de la mort de George Floyd et je trouve ça révoltant. Par contre, nous avons eu Adama Traoré. C’est notre George Floyd. Si si, ça peut arriver en France, simplement moins souvent qu’aux US
Claudy Siar, ancien délégué  interministériel pour l’égalité des chances des Français d’Outre-mer


Adama Traoré, 24 ans, est mort de suffocation pendant un contrôle de police dans le Val d’Oise en juillet 2016. En banlieue, des manifestations violentes ont suivi son décès. Aucun policier n’a été inculpé en lien avec sa mort. 

La nouvelle expertise médicale, attendue depuis plusieurs jours, écarte ce vendredi 29 mai la responsabilité des forces de l'ordre dans la mort du jeune homme, a appris franceinfo auprès d'une source proche de l'enquête. 

"Amada Traoré n’est pas décédé d’asphyxie positionnelle, mais d’un œdème cardiogénique", conclut l'expertise médicale auquelle a eu accès franceinfo. La précédente expertise, demandée par la partie civile, mettait en cause la technique d'intervention des gendarmes, d'où cette nouvelle expertise qui avait été ordonnée par les juges d'instruction. Selon la famille du jeune homme, cette expertise médicale se base sur un faux témoignage. 

Claudy Siar note également que pendant le confinement, des jeunes ont été tabassés par les forces de l’ordre dans plusieurs banlieues.  “Ce n’est pas la mort, mais ce n’est pas acceptable”, dit-il, ajoutant, “c’est la couleur de la peau qui compte. C’est le même comportement raciste qu’aux States.”  

La statue de Colbert toujours à l’Assemblée Nationale


Par contre, les deux activistes ultramarins sont d’accord sur le racisme qui caractériserait l’Etat français et ses élites. Daniel Dalin donne un exemple.

S’il a peur des jeunes de banlieue, majoritairement musulmans, en revanche, l’Etat se sentirait coupable vis-à-vis des juifs après les déportations massives vers les camps de la mort par la police française pendant la deuxième guerre mondiale. “On ne voit pas de statues de Pétain à l’Assemblée nationale”, dit-il.  “Mais l’Etat n’a pas peur, ni se sent coupable pour la traite des ultramarins. Donc la statue de Colbert, qui a écrit le code noir de l’esclavage, est toujours là". 
 

Les Français blancs voulaient nous assimiler, nous les Français noirs, sans nous intégrer complètement; donc ils ont inventé l’expression la diversité.”  Mais il reste le plafond de verre.  Sans piston d’un milieu blanc, il est très difficile pour un noir d’avancer dans la société française
Daniel Dalin, Président du CREFOM


Claudy Siar donne un autre exemple du racisme en France, certes plus subtil que la violence policière. Début 2020, les dirigeants du gala Les Victoires de la Musique ont décidé de supprimer deux catégories: la musique du monde et la musique urbaine.

“Presque tous les artistes dans ces deux catégories sont noirs et maghrébins”, dit - il.  “Ce n’est pas une coïncidence, non. C’est un exemple du racisme qui existe à tous les niveaux de la société française.” L’animateur organise une soirée avec la radio Le Mouv “pour récompenser tous les artistes mis à l’écart par les Victoires.”

Reconnaissant l’aide qu’elle a apporté aux noirs aux USA, il soutient la discrimination positive, “affirmative action” en anglais, mais n’aime pas l’expression française.  “Ca n’a pas de sens”, dit-il, ajoutant,  “et ça sonne mal. C’est négatif et positif.” Il préfère une locution qu’il a trouvé lui-même : la diversité représentative, qui représente “toutes les couleurs du pays."
 

Policiers critiqués par politiciens démocrates

Pendant ce temps, Minneapolis les manifestations continuent.  Des jeunes Noirs et Blancs ont mis le feu à plusieurs magasins et à un commissariat de police. Il y a des manifestations, souvent violentes, dans d’autres villes américaines.

Les quatre policiers ont été limogés par le maire démocrate de Minneapolis, Jacob Frey, qui demande leur inculpation. “Etre noir aux Etats-Unis ne devrait pas égaler une sentence de mort”, dit-il.  Le gouverneur démocrate de l’état de Minnesota, Tim Walz remarque, cet incident me rend malade.

Le candidat démocrate pour la présidence, Joe Biden condamne la violence des policiers.  “George Floyd méritait mieux et sa famille a droit à la justice”, écrit-il sur Twitter. "Sa vie comptait.”
 

Les gens en ont marre de voir mourir des hommes noirs

Le chef de la police à Minneapolis, Medaria Arradondo, un Noir, exprime ses sentiments sur CNN.  “Je suis vraiment désolé pour toute la douleur et le traumatisme”, dit-il, “mais je ne peux pas tolérer toute cette violence qui met la ville en danger.”

”Je lance un appel au calme", indique le frère de George Floyd, Philonise, la voix étouffée, mais il ajoute, "je comprends la violence des manifestants. Les gens en ont marre de voir mourir des hommes noirs".

Depuis l’arrivée de Donald Trump au pouvoir, les incidents de Noirs tués par la police se succèdent.  Le Président américain demande au FBI d’accélérer son enquête sur la mort de George Floyd. Jeudi il a twitté, “quand le pillage commence, on commence à tirer.” Twitter lui a envoyé un avertissement pour “incitation à la violence”