L’association Mémoires et partages profite des élections pour pointer l’amnésie du port normand, ville du Premier ministre, quant à son passé négrier. Comme à Bordeaux et La Rochelle, elle demande aux candidats d’éclaircir leurs positions sur un travail de mémoire qu’elle juge urgent.
Contrairement à ses homologues de la côte atlantique, la ville du Havre a été en grande partie détruite en 1944, la seconde guerre mondiale ayant effacé plusieurs siècles d’histoire dans la cité normande. Malgré cette "table rase" et à l’instar de Nantes, Bordeaux et La Rochelle, la commune recèle quelques traces des liens qu’elle a entretenus avec la traite et l’esclavage. La visite proposée par Mémoires et partages se déroule en six étapes : six lieux emblématiques du passé négrier racontés comme six moments-clés de la vie d’un captif africain, depuis la capture jusqu’à la liberté.
Après la mairie symbole du pouvoir qui réduit les hommes en esclavage, direction la Maison de l’armateur, seul musée havrais qui évoque l’histoire de ce crime. L'histoire des bourreaux plutôt que celle des victimes, s'insurge Karfa Diallo. Au XIXe siècle, l'hôtel particulier de cinq étages appartenait à Martin-Pierre Foache qui fit fortune grâce au commerce triangulaire. Un hôtel particulier transformé en musée "à la gloire du bon goût de l'armateur !", ironise le guide franco-sénégalais, un brin amer.
C’est comme raconter l’histoire de la Shoah au travers de la maison d’un nazi.
-- Karfa Diallo, directeur de l'association Mémoires et partages
Dans une lettre ouverte au Premier ministre publiée mi-février, Karfa Diallo réclame à Edouard Philippe, maire de la ville de 2010 à 2017 et de nouveau candidat cette année, "une gouvernance mémorielle sérieuse et respectueuse de la mémoire du port négrier que fut la capitale normande."Un courrier, adressé à l’ensemble des candidats en lice au Havre et dans d'autres anciens ports négriers est venu appuyer sa démarche quelques jours plus tard.
Présente lors de la première visite du "Havre négrier", Marie Levaray, numéro 2 sur la liste écologiste, rappelle que son programme prévoit de mettre en place "une commission de réflexion sur la mémoire de l'esclavage et de la traite négrière chargée de faire des propositions pour l'accès à cette histoire, comme l'ont fait les villes de Bordeaux et Nantes".
Le programme de la liste "Un Havre citoyen" est un peu plus conséquent : des plaques explicatives apposées aux panneaux des rues qui portent des noms d'armateurs, "un pôle d'accueil et de coordination qui oeuvre contre toutes les discriminations et l'exploitation des êtres humains" et "l'utilisation de la richesse historique et portuaire du Havre dans toute ses composantes", notamment l'histoire maritime et la traite négrière.
Les services de la Mairie du Havre ont, eux, proposé de rencontrer les membres de l'association, mais le candidat Edouard Philippe, tête de liste, n'a pas répondu au courrier pour le moment.
Deuxième port négrier de France
Entre 1679 et 1791, plus de 500 navires négriers ont été armés dans les ports du Havre et de Honfleur pour participer à la traite, déportant au moins 90.000 Africains, vers les Antilles françaises notamment. Voilà qui fait du Havre le deuxième port négrier français sur le plan des expéditions, d’après l’historien Eric Saunier interrogé par Ouest France.
Selon les archives municipales, ce sont précisément 451 expéditions qui ont quitté la cité océane, 134 le port voisin de Honfleur.
La visite du "Havre négrier" avec l'association Mémoires et partages en vidéo :
Les listes candidates aux élections municipales en 2020 au Havre
Le Havre écologie - Demain commence aujourd'hui / LVEC / M. Alexis DECK
Rassemblement national Le Havre / LRN / M. Frédéric GROUSSARD
Un havre citoyen avec Jean-Paul Lecoq / LDVG / M. Jean-Paul LECOQ
Le Havre ! / LDVC / M. Edouard PHILIPPE
Lutte ouvrière - faire entendre le camp des travailleurs / LEXG / Mme Magali CAUCHOIS
Le Havre animaliste / LDIV / Mme Beatrice CANEL-DEPITRE