Depuis 1976, les chercheurs du Muséum parcourent les océans pour répertorier et inventorier la faune marine tropicale située entre 200 et 1 500 mètres sous l’eau. En quarante ans, Musorstom puis Tropical deep-sea benthos ont effectué des découvertes spectaculaires.
Scientifiques et chercheurs du monde entier se sont retrouvés à Paris ce mercredi pour célèbrer les quarante ans d'exploration du muséum des faunes marines tropicales profondes.
#1 La génèse : 1976
Tout commence en 1976. L’Office de la Recherche scientifique et technique d’Outre-mer (ORSTOM) qui est devenu par la suite l’IRD, l'Institut de recherche pour le développement, décide d’affecter un chalutier, le Vauban à Nouméa. C’est le point de départ des explorations en eaux profondes tropicales menées par les Français et en particulier les chercheurs du Muséum national d'histoire naturelle.
#2 Une découverte unique
En route vers Marseille, le Vauban fait un détour par les Philippines. Et là, le 22 mars 1976, les chercheurs font une découverte extraordinaire. Ils remontent une espèce que l’on pensait éteinte depuis l’Eocène (il y a plus de 33 millions d’années) : le Neoglyphea inopinata, un crustacée dont la taille peut atteindre jusqu’à 15 centimètres.
Jacques Forest et Alain Crosnier, les promoteurs de cette campagne Musorstom (Muséum + Orstom) s’entourent alors d’un réseau d’experts. Les campagnes se poursuivent d’abord sous l’impulsion de Bertrand Roger de Forges, de l'IRD à Nouméa puis de Philippe Bouchet, professeur au Muséum national d'histoire naturelle, spécialiste des mollusques marins. Ces expéditions prennent un nom anglais en 1999 : Tropical deep-sea Benthos.
Au total, en 40 ans, les équipes du Musorstom puis de Tropical deep-sea Benthos ont effectué 5 000 opérations de dragage et de chalutage. Avec le navire Alis en 1986 (basé en Nouvelle-Calédonie), les campagnes hauturières se poursuivent de manière active. Nouvelle-Calédonie, Vanuatu, Fidji, Wallis et Futuna, Tonga, Marquises, Australes, les voyages s'enchaînent.
On ne connaissait en Guyane que 57 espèces de crustacées décapodes (crabes, crevettes) et une vingtaine d’échinodermes (oursins, étoiles), l’expédition a permis d’en échantillonner respectivement 180 et 115. Chez les mollusques 100 à 200 espèces ont été ajoutées aux 366 déjà recensées.
Toute la carrière de Bertrand Richer de Forges a été consacrée à l’exploration. Spécialiste des crabes, il a décrit 120 espèces. Grâce à ses explorations, il a pêché des milliers d’espèces pour d’autres chercheurs. Plus de 50 espèces : gorgones, poissons, langoustes portent son nom, de même qu’un crinoïde très célèbre : Le neogymnocrinus richeri.
Cet animal marin a été identifié lors d'une campagne menée en 1986, en Nouvelle-Calédonie. Les chimistes ont isolé dans cette espèce un nouveau groupe de pigments, dont l'un des éléments est utilisé contre les virus de la dengue. Cet animal présente les mêmes caractéristiques que des formes disparu il y a 140 millions d'années ! Un exemple de fossiles vivant découvert en Nouvelle-Calédonie.
#8 Connaître pour gérer
Près de 200 scientifiques du monde entier ont travaillé au succès de ces expéditions. Des centaines d’articles scientifiques ont été publiés. Des milliers d’espèces nouvelles ont été découvertes. Aujourd’hui, ces données revêtent un intérêt particulier en raison de l’intérêt pour les ressources minérales sous-marines.
Exemple : la Polynésie française dont les fonds marins sont riches en cobalt dispose de données grâce à ces explorations. De même, en 2014, la mise en place du parc naturel de la mer de corail en Nouvelle-Calédonie s’est appuyée sur les connaissances compilées par le programme Tropical deep sea Benthos.
►Reportage sur le tri au Muséum nationale d'histoire naturelle à Paris (expédition Karubenthos en Guadeloupe) :