Nouvelle-Calédonie : dans le "squat Coca-cola", un toit mais ni eau, ni électricité

Le squat coca-cola dans le quartier de Montravel à Nouméa en 2010.
Dans le "squat Coca-cola", l'un des plus insalubres de Nouméa, on espère sans grande conviction que le référendum d'autodétermination en Nouvelle-Calédonie puisse "changer les choses". En attendant, c'est surtout l'eau, "coupée depuis un an", qui préoccupe ses habitants.
 
Pour rejoindre le squat, comme on baptise les bidonvilles en Nouvelle-Calédonie, il faut, à partir de la voie express à l'entrée nord de Nouméa, emprunter un chemin de terre défoncé, aux larges et innombrables trous remplis de boue.
Construit sur un ancien dépotoir, le lieu, qui tient son nom de l'usine voisine qui fabrique le célèbre soda, est coincé entre la voie express et la zone industrielle de Ducos. Une cinquantaine de cabanes, faites de tôles et de bois, voisinent avec des encombrants, des épaves de voitures, des débris de tôle, mais aussi de la verdure, des goyaviers, bananiers et pamplemoussiers.
 

Ni eau, ni électricité

"C'est mieux dans le squat, on paye pas de loyer", affirme Eugénie, mère de cinq enfants, et éducatrice à l'école catholique de Dumbéa. "La seule chose qu'on paye c'est l'eau. Mais des familles n'ont pas payé, et ils ont coupé l'eau, depuis un an", raconte cette Kanak originaire de l'île de Maré. "Ici il y a des familles qui travaillent, et d'autres non. C'est difficile de trouver des financements. On a fait des bingos pour récolter des fonds, mais on n'y arrive pas"
    
Si pendant le confinement, "ils ont rouvert l'eau", aujourd'hui, "l'eau est de nouveau coupée", ajoute-t-elle. Résultat, "les gens vont chercher de l'eau à la fontaine de Mont-Dore", une commune voisine, à l'aide de jerricans, ou s'approvisionnent auprès de membres de la famille à l'extérieur.  Aucune cabane n'est raccordée à l'électricité non plus. Les habitants - une majorité de Kanak venus des îles Loyauté (Maré, Lifou, Ouvéa), mais aussi des Vanuatais, des Wallisiens, des Tahitiens - ont des groupes électrogènes.

Eugénie va aller voter dimanche : "Il est temps qu'il y ait du changement, que ça change quelque chose", dit-elle, sans préciser son choix, mais dénonçant "les politiciens qui viennent nous parler, et après le vote, on ne les revoit plus".
 

"On survit"

Selon les chiffres officiels, 10.000 personnes vivent dans des squats autour de Nouméa. Comme Eugénie, beaucoup ont fait le choix de s'installer ici "pour les études des enfants" ou "pour trouver du travail". C'est le cas de Moïse, "50 ans depuis samedi dernier", lui aussi originaire de Maré, qui vit à Coca-cola depuis plus d'une douzaine d'années. "Il fallait que je descende sur Nouméa pour nourrir ma petite famille", explique ce père de quatre enfants, devant sa cabane noire et jaune, décorée de mains rouges.
    
Ici "j'ai rien à payer, sauf la nourriture", explique ce salarié d'une entreprise de construction et transport, qui "s'est démerdé tout seul" pour y arriver. Le salaire? "On fait avec, on fait avec les moyens du bord", dit-il pudiquement.
    
Entre deux cabanes, une grande bâche bleue a été posée sur le sol boueux. Assis dessus, Jessica et Fred, jouent au bingo avec une amie. "C'est cher la vie, on survit", confirme Jessica, drapée dans un drapeau kanak, qui travaille comme barmaid. "Avec notre salaire, on survit en fait. Moi ça va, je suis dans le squat, mais je pense aux autres qui sont dans les bâtiments (les appartements, ndlr), je ne sais pas comment ils font...".
    
A quelques heures du référendum sur l'indépendance, les klaxons sont incessants sur la voie express, où les militants agitent des drapeaux. Moïse, qui garde son choix secret, ne semble pas avoir beaucoup d'espoir. "On verra après le vote si ça rapporte quelque chose au pays"