Jadis au coeur des événements, la répartition des terres est, à la veille du référendum sur l'indépendance du 4 novembre, un sujet qui s'est apaisé grâce à la restitution de milliers d'hectares aux clans autochtones.
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Attablé sur sa terrasse en béton à deux pas de la plage, Bernard Lepeu se souvient "qu'aux alentours de 1978", il avait avec son frère réservé un accueil picaresque à Paul Dijoud, alors secrétaire d'Etat aux Dom-Tom, en visite dans sa tribu de Wagap à Poindimié (côte est). "C'est lui qui a initié la première réforme foncière. On lui a donc remis une lettre incendiaire puis on a enroulé un bout d'étoffe autour de sa taille, symbole de revendication chez les Kanak. Il était en furie", se souvient ce gaillard blagueur. Accaparées par les missionnaires et les colons au XIXe siècle, les terres de Wagap étaient réclamées par ses propriétaires originels.
Lors des événements des années 1980, une quasi guerre-civile entre indépendantistes et pro-français qui a fait plus de 70 morts, la revendication foncière deviendra un marqueur du combat des Kanak. Ils exigent le rétablissement "du lien à la terre" alors que des milliers d'hectares leur ont été confisqués durant la colonisation.
Président de la Chambre d'agriculture, Gérard Pasco appartient à ces familles d'européens chassées de leur propriété. "Mes beaux-parents ont été molestés, leur maison brûlée, leur bétail tué", rapporte encore ému cet agriculteur, militant du dialogue et de la réconciliation entre communautés, consacrés par les accords de Matignon (1988) puis de Nouméa (1998).
Après le référendum, une commission de travail doit être créée pour que la Chambre d'agriculture contribue à la mise en valeur des terres restituées, dont beaucoup sont en friche. "Dans la région de Ponérihouen (côte est), on compte 20.000 hectares sur lesquels il n'y a rien", explique M. Pasco, qui a engagé une première démarche de partenariat dans le village de Canala. En une quarantaine d'années depuis 1978, 160.000 hectares ont été restitués, dont 130.000 de terres privées rachetées par l'Adraf (Agence de développement rural et d'aménagement foncier de l'État) pour une somme totale de 6 milliards CFP (50 millions d'euros).
"La terre reste un clou dans la chaussure entre les Européens et les Kanak. Il faut lister les terres qui sont encore à revendiquer et puis que ça s'arrête pour rassurer tout le monde", préconise-t-il. Selon l'historien Joël Dauphiné, en 1914, 61 ans après la prise de possession par la France de la Nouvelle-Calédonie, où ils étaient alors les seuls habitants, les Kanak ont vu leur territoire réduit à 8% de la superficie de l'île.
Lors des événements des années 1980, une quasi guerre-civile entre indépendantistes et pro-français qui a fait plus de 70 morts, la revendication foncière deviendra un marqueur du combat des Kanak. Ils exigent le rétablissement "du lien à la terre" alors que des milliers d'hectares leur ont été confisqués durant la colonisation.
"Nos terres sans condition"
"Nos terres sans condition" est un slogan qui revient en boucle et se traduit sur le terrain par des agressions, des massacres de bétail, incendies et des expulsions musclées d'éleveurs blancs. Sous la pression, la réforme foncière progresse. "Au milieu des années 1980, l'État a racheté nos terres aux colons. L'un d'eux a été blessé par balles par des jeunes kanak échauffés et le clan Waka des six tribus de la région a récupéré environ 900 hectares", poursuit Bernard Lepeu.Président de la Chambre d'agriculture, Gérard Pasco appartient à ces familles d'européens chassées de leur propriété. "Mes beaux-parents ont été molestés, leur maison brûlée, leur bétail tué", rapporte encore ému cet agriculteur, militant du dialogue et de la réconciliation entre communautés, consacrés par les accords de Matignon (1988) puis de Nouméa (1998).
"Kanak et Broussards"
Lorsqu'en début d'année, "des revendications confuses et spontanées" ont refait surface en plusieurs points, suscitant l'inquiétude des "broussards", il s'est empressé de calmer les esprits. "On ne veut plus se tirer dessus". Le 3 juillet, Gérard Pasco entouré d'une délégation d'agriculteurs a rencontré le président du Sénat coutumier, Paul Sihazé, "pour mettre les choses à plat". "Depuis la prise de possession (1853), il n'y avait pas eu, à ma connaissance, de véritable échange entre les Kanak et les Broussards. C'était historique", se félicite-t-il.Après le référendum, une commission de travail doit être créée pour que la Chambre d'agriculture contribue à la mise en valeur des terres restituées, dont beaucoup sont en friche. "Dans la région de Ponérihouen (côte est), on compte 20.000 hectares sur lesquels il n'y a rien", explique M. Pasco, qui a engagé une première démarche de partenariat dans le village de Canala. En une quarantaine d'années depuis 1978, 160.000 hectares ont été restitués, dont 130.000 de terres privées rachetées par l'Adraf (Agence de développement rural et d'aménagement foncier de l'État) pour une somme totale de 6 milliards CFP (50 millions d'euros).
Régime des quatre "i"
Soumis au régime des quatre "i", le foncier coutumier kanak est inaliénable, incessible, insaisissable et incommutable, et est attribué à des entités à cheval entre droit commun et droit coutumier, les GDPL (Groupement de droit particulier local), rassemblant les clans propriétaires. "Grosso modo sur la Grande-Terre, il y a 290.000 hectares de terres privées et 320.000 hectares de terres coutumières. C'est pour cela que je pense que la réforme est finie, qu'on est arrivé à un équilibre", observe Nicolas Metzdorf, membre du gouvernement en charge de l'agriculture et de l'élevage et fils de broussard."La terre reste un clou dans la chaussure entre les Européens et les Kanak. Il faut lister les terres qui sont encore à revendiquer et puis que ça s'arrête pour rassurer tout le monde", préconise-t-il. Selon l'historien Joël Dauphiné, en 1914, 61 ans après la prise de possession par la France de la Nouvelle-Calédonie, où ils étaient alors les seuls habitants, les Kanak ont vu leur territoire réduit à 8% de la superficie de l'île.