Avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie : indépendantistes et non indépendantistes renouent le dialogue

Milakulo Tukumuli, Gilbert Tyuienon et Philippe Gomès quittent le ministère de l'Intérieur pour se rendre à l'Élysée.
Si le gouvernement a réussi à asseoir autour d'une même table les deux délégations, les négociations ne débuteront que dans les prochaines semaines. Pour laisser le temps aux parties de trouver un accord et permettre aux Calédoniens d’être consultés sur celui-ci, les élections provinciales, prévues en mai 2024, pourraient être reportées.

"Les choses ont plus avancé en quelques jours que ces dernières années", s’enthousiasme Milakulo Tukumuli, le président de l’Éveil océanien. Le gouvernement a réussi son pari : relancer le dialogue entre indépendantistes et non indépendantistes calédoniens. Les deux camps ne s’étaient plus parlé depuis la victoire du Non au troisième référendum sur l’indépendance, organisé en décembre 2021, et dont les indépendantistes ne reconnaissent pas la légitimité. Réunis à la même table par Gérald Darmanin mercredi, les délégations ont de nouveau échangé ensemble avec le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer ce vendredi, avant de se rendre à l’Élysée, où elles ont été reçues par le président de la République pendant près d’une heure et demie.

De l’avis unanime des participants, la séquence parisienne est une réussite. "Le sentiment que nous avons, c'est que nos interlocuteurs étaient animés d’un bon état d’esprit. Ils voulaient avancer", explique le président du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, l’indépendantiste Roch Wamytan. De l’autre côté de l’échiquier, la non indépendantiste Virginie Ruffenach ne dit pas autre chose : "C’est plutôt très encourageant. Les indépendantistes étaient vraiment animés d’un sens des responsabilités." "Tous les clignotants sont au vert, sourit Philippe Gomès, de Calédonie ensemble. Il y a un projet sur la table et tout le monde est autour la table". Mercredi, le gouvernement a remis aux délégations un projet d’accord, qui servira de base aux futures discussions.

Les délégations calédoniennes pénètrent dans la cour de l'Élysée, le 8 septembre 2023.

Si tous s’enthousiasment, "la négociation n’est pas encore enclenchée", rappelle Roch Wamytan, qui refuse de parler de "trilatérales" : "Quand on parle de trilatérales, on se met ensemble et on négocie. Ce n’est pas le cas. Le gouvernement a rassemblé l’ensemble des délégations, mais il n’y a pas eu de négociations."

Nous avançons, mais nous avançons à petits pas.

Roch Wamytan, président du Congrès de Nouvelle-Calédonie et membre du FLNKS

Il a encore été question "de la méthode et du calendrier", explique-t-il. Un calendrier qui a été assoupli pour permettre aux forces indépendantistes de se concerter. Les négociations proprement dites ne débuteront qu’après les congrès des différents partis qui composent le FLNKS, soit pas avant la fin du mois d’octobre.

Consultation des Calédoniens sur un projet d’accord et possible report des élections provinciales

De nombreux sujets sont sur la table, notamment l'épineuse question du corps électoral, resté figé en 1998, que le gouvernement Borne et les non indépendantistes veulent modifier avant les prochaines élections provinciales, prévues en mai 2024. Selon Milakulo Tukumuli, deux thèmes en particulier posent problème : la question de l’autodétermination et celle de la citoyenneté calédonienne. "Une fois qu’on aura fait sauter ces verrous, ce sera du pain béni", explique-t-il. Côté indépendantiste, on souhaite refondre la citoyenneté calédonienne. "Nous préférons aborder la question du corps électoral non pas uniquement par la durée de résidence (...) mais plus par une négociation sur un code de la nationalité calédonienne, explique Roch Wamytan, qui souhaite "élargir les critères" pour accéder à la citoyenneté du territoire. Quelqu'un qui arrive, au bout de deux, trois ans, est-ce qu’on peut considérer que c’est un Calédonien ? Je ne crois pas."

On va pouvoir commencer à travailler sur le fond. (...) On se donne jusqu’au mois de novembre pour trouver un accord, s’il n’y a pas d’accord, on passera directement à la question du dégel par une réforme constitutionnelle.

Sonia Backès, présidente de la province Sud et cheffe de file des Loyalistes

L’objectif est de parvenir à un accord d’ici la fin 2023. "Dans trois mois, on sera arrivé à une convergence", veut croire Philippe Gomès. Une fois l’accord trouvé, les Calédoniens seront consultés sur le projet. Selon les participants, Emmanuel Macron espère lancer le processus de réforme constitutionnelle – nécessaire pour écrire l’après accord de Nouméa, puisque celui-ci est constitutionnalisé – au premier trimestre 2024. Pour laisser le temps aux négociations, les élections provinciales pourraient être reportées. "Le président de la République a annoncé les élections provinciales pour la fin 2024", détaille Virginie Ruffenach, qui considère que "l’accord qu’on doit trouver mérite bien qu’il y ait quelques mois de retard".

De nouvelles rencontres entre les délégations doivent être organisées, en Nouvelle-Calédonie cette fois, à l'occasion de la visite de Gérald Darmanin et du ministre délégué aux Outre-mer, Philippe Vigier, courant octobre.