Les discussions sur l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie, entamées à Paris mardi 11 avril, se sont achevées ce vendredi. Si les débats ont repris entre les indépendantistes et le gouvernement, le dialogue entre indépendantistes et non-indépendantistes, rompu depuis le référendum de décembre 2021, reste au point mort. Jamais les deux délégations ne se sont croisées pendant leur séjour parisien, pas même pendant l'inauguration de la salle Lafleur-Tjibaou à l'Assemblée nationale, mercredi.
Le ministre de l'Intérieur et des Outre-mer, Gérald Darmanin a salué "des discussions constructives" et se félicite de "la qualité des échanges". Il se rendra en Nouvelle-Calédonie en juin prochain "pour poursuivre les négociations".
Le FLNKS "satisfait"
Le FLNKS, qui avait refusé de se rendre à Paris en octobre dernier à l'invitation d'Elisabeth Borne, a été reçu par la Première ministre dès mardi. La délégation composée de huit personnes a rencontré plusieurs fois Gérald Darmanin et le ministre délégué aux Outre-mer, Jean-François Carenco, pour évoquer la question sensible du gel du corps électoral, celle des modalités d'exercice du droit à l'autodétermination et l'évolution du statut du territoire.
"Nous concluons ce soir dans un esprit serein, et satisfait de notre semaine à Paris", a déclaré Victor Tutugoro en sortant d'une dernière réunion place Beauvau, vendredi 14 avril. Nous avons été entendus, ils ont accepté d’évoquer tous les sujets." Si Victor Tutugoro salue un gouvernement "très ouvert", il considère que le moment de renouer le dialogue avec les non-indépendantistes n'est pas encore venu. "À ce stade, nous avons besoin de continuer à peaufiner les questions évoquées ici avec les ministres. Les choses sont sur la table, on va prendre le temps d’en discuter, explique-t-il. La question d’une trilatérale se posera en son temps."
Un "manque de respect" pour certains indépendantistes
Mais du côté des non-indépendantistes, on s'impatiente. Dans un courrier adressé au ministre de l'Intérieur et des Outre-mer daté du vendredi 14 avril, une partie de la délégation indique "regretter" l'absence de dialogue entre les deux parties. Les signataires voient dans le refus des indépendantistes d'entamer des discussions "un manque de respect, voire une forme de sectarisme" et dénoncent de la "mauvaise volonté".
Philippe Dunoyer et Philippe Gomès, de Calédonie ensemble, ainsi que la loyaliste Françoise Suvé, ne sont pas signataires de cette missive.
Un "cap" a été franchi
"La Calédonie ne peut plus attendre, il n’est pas normal que les indépendantistes refusent de parler avec nous", tranche Virginie Ruffenach, qui voit néanmoins dans la tenue des bilatérales à Paris une "étape nécessaire".
Cette étape était à mon avis nécessaire, parce que nous franchissons un nouveau cap. Avant, il n’y avait que les non-indépendantistes, aujourd’hui des bilatérales avec indépendantistes et non-indépendantistes, et, je l’espère, demain, à Nouméa des trilatérales avec le ministre Darmanin.
Virginie Ruffenach
"Il y a du positif et du négatif", abonde Nicolas Metzdorf, qui qualifie la semaine de "mitigée". La venue des indépendantistes dans la capitale reste une avancée, même s'il regrette qu'ils "aient refusé jusqu’au bout de discuter".
On s’est toujours parlé en Nouvelle-Calédonie, et on se parle tous les jours. On est élus au Congrès ensemble, on est au gouvernement collégial ensemble. On n’est pas toujours d’accord, loin de là, mais on se parle. Finalement, il n’y que sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie qu’on ne se parle pas. C’est bien triste.
Nicolas Metzdorf
Pour débloquer la situation et renouer le dialogue, Nicolas Metzdorf en appelle à l'État : "L’État doit faire des propositions, ça le sort de son rôle d’arbitre, mais est-ce que l’État a vocation à être un arbitre dans un territoire français ? (...) Il est important que l’État, désormais, prenne la main, qu’il soit force de proposition. Je crois que le ministre [de l'Intérieur et des Outre-mer] en est convaincu, c’est même lui qui nous l’a proposé."
Avant de se rendre à Nouméa début juin, Gérald Darmanin s'envolera pour New-York en mai, pour "évoquer la situation de l'archipel devant le Comité spécial de la décolonisation des Nations unies". L'ONU considère la Nouvelle-Calédonie comme l’un des dix-sept territoires du monde encore à décoloniser.