Avenir institutionnel : les politiques calédoniens à Paris pour une nouvelle phase de discussions

Les deux drapeaux dressés côte à côte, image d'illustration.
Cinq semaines après la venue d’Emmanuel Macron, presque six mois après le précédent rendez-vous à Paris, les élus calédoniens, indépendantistes et non indépendantistes, s’y trouvent pour de nouvelles discussions sur l’avenir institutionnel. Trilatérales ou bilatérales, chaque camp reste sur ses positions. Tour d’horizon des points de vue, pour estimer ce qu’on peut attendre de cette énième séquence politique.

Les représentants des principales forces politiques calédoniennes ont rendez-vous à Paris avec l’Etat. Encore une fois. La semaine qui s’ouvre ce lundi 4 septembre sera celle d’une nouvelle séquence destinée à construire l’avenir institutionnel. Un sommet décisif ?


Voyez l’analyse de Bernard Lassauce.

©nouvellecaledonie

Une longue parenthèse depuis le dernier référendum

L’Eveil océanien, qui se veut le porte-voix d’une troisième voie, a été convié. "Je souhaite que des trilatérales - une discussion à trois - s’opèrent le plus rapidement possible, parce que le 12 décembre 2021, [c’était il y a] presque deux ans", disait son président, Milakulo Tukumuli, le dimanche 27 août à NC la 1ère. "Le dialogue a été la porte de sortie, je suis convaincu que ce sera encore la porte de sortie demain."

Trois Non, et une contestation

Le 12 décembre 2021, c’était le dernier référendum d’autodétermination inscrit dans l’Accord de Nouméa. La consultation a vu une troisième victoire d’affilée du Non à l’indépendance, à 96,5 % des électeurs autorisés à s’exprimer. Mais plus de la moitié d’entre eux ne sont pas allés voter, l’abstention a été de 56,1 %. Il faut dire que les indépendantistes, opposés à la date du scrutin, ont appelé à ne pas y participer. Depuis, ils n’ont cessé d’en contester le résultat, jusque devant les instances internationales, tandis que le statu quo s’est enraciné. Les partisans de la pleine souveraineté n’ont plus échangé officiellement sur l’avenir institutionnel avec les défenseurs du maintien dans la France, qui revendiquent leur victoire aux référendums successifs.

Modification de la Constitution

Pour Calédonie ensemble, ce rendez-vous parisien pourrait être la base d’un consensus local. "Il faut absolument (…) que nous parvenions à un consensus", martelait Philippe Dunoyer, le député de la première circonscription, invité de la matinale sur NC la 1ère le lundi 28 août. "Parce qu’il est illusoire de penser que sans consensus local, même s’il peut se construire à Paris, on aboutirait au consensus national, qui est nécessaire (…) à une modification de la Constitution, modification de la loi organique, révision des listes électorales avec ouverture (…) et organisation des élections provinciales", prévues à ce stade en 2024. Une démarche de consensus défendue auprès de la Première ministre, Elisabeth Borne, dans un courrier que le parti CE lui a adressé. 

Succession de séquences

Gérald Darmanin s’est rendu en Calédonie quatre fois en huit mois, la dernière était avec le chef de l’Etat il y a cinq semaines. Les élus calédoniens ont aussi été conviés, en octobre 2022 pour une Convention des partenaires inédite, puis en avril 2023. Cette fois, a prévenu le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, ce sera des trilatérales, ou rien. Mais manifestement, l’Etat fera malgré tout la part belle aux réunions en bilatérales. 

Les indépendantistes misent sur les bilatérales

Nécessaires, aux yeux des indépendantistes. “On n’a pas de visibilité", a déclaré à NC la 1ère Roch Wamytan, élu de l’Union calédonienne, le mardi 29 août. Le FLNKS venait de se réunir en bureau politique élargi à Dumbéa. "C'est important d'avoir cette visibilité et de pouvoir séquencer les différentes étapes, thème par thème, pour avancer. A commencer par les thèmes politiques qui vont donner un accord global. Et ensuite, on pourra 'habiller' les différentes séquences que nous proposons", a-t-il ajouté. Le président du Congrès a évoqué une lettre envoyée par le front indépendantiste, là aussi à la Première ministre, pour demander davantage de méthode dans l’organisation des discussions. Un FLNKS qui a affirmé se trouver dans une stratégie unitaire pour ces rencontres avec l’Etat.

Les non indépendantistes s'impatientent

Dans le camp non indépendantiste, pour le Rassemblement-LR et les Loyalistes, pas question de s’en tenir aux bilatérales, après six séquences sur ce mode. Il faut des trilatérales, et un calendrier précis. "L’avenir de la Calédonie ne se fera pas sans nous, entre juste les indépendantistes et l’Etat", posait Virginie Ruffenach, présidente du groupe Rassemblement au Congrès, avant de s’envoler pour l’Hexagone. "Les partisans de la France sont légitimes dans ce pays autant que les indépendantistes (…) Nous espérons que ce qu’a dit le président de la République, quand il est venu en Calédonie sur la place des Cocotiers, se transformera en actes."

Des actes qui doivent se traduire par des engagements concrets sur l’avenir. Pour les Loyalistes, on parle même d’un accord général. "Il faut maintenant avoir des choses claires, avoir un statut pérenne pour la Nouvelle-Calédonie, insiste leur porte-parole, Gil Brial. Il faut assumer ses responsabilités. Elles sont difficiles à prendre, ces décisions, mais il faut les prendre. Et il faut proposer un vrai plan, un plan d’avenir (…) Les Calédoniens, qu’ils soient loyalistes ou indépendantistes, veulent des perspectives. Et on ne leur donne pas des perspectives en faisant des bilatérales."

"Atermoiements"

Là encore, une missive a été adressée à Elisabeth Borne, pour exprimer une impatience et défendre la tenue de discussions tripartites dès à présent. Selon l'AFP, les représentants des Loyalistes et du Rassemblement y demandent, en cas d’absence de trilatérales, que l’État communique d’ici au 9 septembre sur le calendrier d’adoption de la réforme constitutionnelle annoncée pour début 2024 et sur le texte qui serait soumis au Parlement. "Les Calédoniens, qui ont voté par trois fois non à l'indépendance, ne supportent plus les atermoiements des indépendantistes (...). Il est temps d'avancer avec ceux qui le souhaitent vraiment et qui ont le courage d'assumer leur décision devant les électeurs", signent la secrétaire d'État à la Citoyenneté et présidente de la province Sud Sonia Backès, le député Nicolas Metzdorf et Virginie Ruffenach.

Quatre congrès indépendantistes à l'horizon

Durant cette semaine parisienne, le FLNKS n’entend absolument pas engager de négociations. Cette séquence ne serait pour lui qu’un rendez-vous préparatoire. "Nous espérons qu’au retour de Paris, nous allons revenir avec des éléments, a annoncé Roch Wamytan, sous forme d’un rapport (…) pour préparer dans la foulée les différents congrès" des quatre partis qui composent le front indépendantiste. "Pour ensuite prendre les décisions qui vont s’imposer à nous pour pouvoir aller vers un compromis. Parce qu’il faut bien trouver un compromis." Accord global, réforme institutionnelle, dégel du corps électoral, relance économique, identité kanak, réparation du fait colonial : autant de sujets de fond qui vont être au centre des débats.

Quel programme ?

Dans l'attente d'un programme officiel, quelques éléments sur le contenu de la semaineA partir de ce lundi, réunions du groupe de travail sur le nickel, filière majeure à la situation bien fragile. Le gouvernement calédonien a fait savoir que son président Louis Mapou (Union nationale pour l'indépendance) participera. Mardi, bilatérales entre l’Etat et chaque camp politique, au ministère de l’Intérieur et des Outre-mer. Mercredi, rencontre sous l'égide de la Première ministre, au format Comité des partenaires. Et peut-être la première réunion tripartite…