Ces chiffres dramatiques de la délinquance en Nouvelle-Calédonie

Le bilan 2022 de la délinquance a été présenté au haussariat le 28 mars 2023.
Si la Nouvelle-Calédonie reste épargnée par plusieurs phénomènes, et peut trouver satisfaction dans certains domaines, elle bat toujours de terribles records, atteste le bilan 2022 de la délinquance dévoilé ce mardi à Nouméa. Un nombre de violences au sein de la famille qui en fait la région de France la plus concernée, deux fois plus de violences conjugales que la moyenne métropolitaine, presque six fois plus de morts sur les routes, deux fois plus de violences physiques non crapuleuses, deux fois plus de vols de véhicules, une implication des jeunes mineurs plus importante… Détail.

Devant la presse, le haut-commissaire, le procureur, les commandants de la police nationale, de la gendarmerie et des douanes… Le bilan 2022 de la délinquance en Nouvelle-Calédonie a été dévoilé ce mardi 28 mars, en fin d'après-midi, à Nouméa. Il apporte une multitude d'enseignements (en plus de la stratégie pour cette année 2023, sur laquelle nous reviendrons dans un autre article). Les vols de voitures, les cambriolages et les violences au sein de la famille demeurent les principales manifestations de cette délinquance. Avec très souvent l'alcool comme dénominateur commun.

NC la 1ère s'attarde sur les chiffres et les tendances, dont plusieurs apparaissent très préoccupantes.

De plus en plus de vols de voiture

En analysant les chiffres des atteintes aux biens, il est considéré que la Calédonie est plutôt confrontée à une délinquance "d'appropriation". Ce "qui se traduit toujours par un fort taux de vols liés aux voitures, les véhicules étant souvent brûlés ou détruits dans la nuit qui suit". L'an dernier, il a été recensé 1 259 véhicules volés, contre 1 147 en 2019, 1 070 en 2020 et 1 139 en 2021. Pour résumer, entre 2019 et 2022, ils ont augmenté de presque 10 % (+ 9,76 %).

Deux fois plus que la moyenne nationale

Le taux de vol de véhicule pour mille habitants s'avère en Calédonie deux fois plus important qu'au niveau national : il est de 4,64, contre 2,01 - sans pour autant que ça donne lieu à des recels ou des trafics. On notera qu'en 2022 comme en 2021, Koné et Kouaoua ont déploré un nombre important de faits.

On relève par exemple plus de vingt vols de véhicules pour mille habitants à Kouaoua, et plus de dix à Koné comme à La Foa, qui se détache à l'échelle de la province Sud. Petit arrêt sur le Mont-Dore, qui pourrait paraître davantage touché par les cambriolages et vols de véhicules. Or, les chiffres 2022 montrent que l'un et l'autre phénomènes comptent environ cinq cas pour mille habitants.

Ces vols de voiture ont grimpé de 53 % à Nouméa, avec 367 faits constatés contre 239 l'année précédente. "Il convient toutefois de préciser que près du tiers de ces faits sont des tentatives", elles n'ont pas abouti. 44 % de mineurs impliqués, c'est beaucoup plus qu'en 2021 (32 %). "Le taux d'élucidation demeure également élevé avec 47 % de vols de véhicule élucidés", précise le document.

Voici la part des atteintes aux biens en 2022 rapportée à la taille des communes.
Le nombre de vols de voiture fluctue au fil de l'année.

La part de cambriolages reste plus élevée que la moyenne

Un peu moins de cambriolages enregistrés en 2022 : 1 907, contre 1 925 en 2021 et 1 924 en 2020. Et beaucoup moins qu'en 2019 (2 593). Par conséquent, le phénomène a baissé de 26,5 % en quatre ans. Reste là aussi un taux pour mille habitant supérieur au niveau national : 7,03 contre 4,8. Les nombres de cambriolage pour mille habitants les plus importants sont relevés :

  • en province Nord, à Koné (près de 15), Koumac (près de 15) et Poum (près de vingt).
  • en province Sud, à La Foa, Bourail et Boulouparis (plus de dix).

Des atteintes aux biens en diminution sur quatre ans

De façon globale, les atteintes aux biens, qui regroupent les cambriolages et les vols de voitures, ont été au nombre de 8 860 en 2022. 800 de plus en un an, mais un millier de moins comparé à 2019. Cela représente une diminution de 10 % en quatre ans. "Les taux d'élucidation très élevés tant en zone gendarmerie qu'en zone police participent à ces résultats."
Le taux d'atteintes aux biens pour mille habitants est de 32,5, contre 28,6 au niveau national. 
Des vols "le plus souvent perpétrés sans violence", pour lesquels "la part de mineurs reste élevée avec 36,04%". Et cette double observation : 

  • "les services judiciaires participent grandement à cette action en assurant le traitement procédural en temps réel et en approfondissant les investigations quand les circonstances le permettent."
  • "à Nouméa, le maillage territorial des brigades spécialisées de terrain a contribué fortement [à] l'amélioration des résultats dans la lutte contre cette délinquance acquisitive."

Beaucoup plus d'atteintes aux personnes

En 2022, 5 279 cas d'atteintes aux personnes ont été décomptés. Le chiffre était de 4 775 en 2021, 4 787 en 2020 et 3 994 en 2019. Cela donne une augmentation de 32 % sur quatre ans. Et un taux pour mille habitants là encore supérieur à la Métropole (19,45 contre 11,79).

En la matière, la Calédonie se distingue "par la prégnance des violences physiques non crapuleuses", celles dont le mobile n'est pas le vol, pour faire très simple. Tendance tristement à la hausse : 3 872 faits enregistrés en 2022, contre 3 458 en 2021, 3 622 en 2020 et 2 967 en 2019. Ces quatre dernières années, elles ont augmenté de 30,5 %. Avec un taux pour mille habitants deux fois plus fort que dans l'Hexagone (14 au lieu de 7). Autre enseignement, "les coups et blessures volontaires sur personnes de quinze ans et plus évoluent entre 2019 et 2022 de + 31%". 

Des faits le plus souvent liés à une consommation excessive d'alcool, et régulièrement commis au sein de la famille. En revanche, la proportion de vols avec violences est "nettement inférieure à celle observée en Métropole" (0,68 pour mille habitants, contre 1,02). Ces violences physiques crapuleuses, "qui avaient connu une importante diminution en 2021 connaissent une très légère hausse en 2022 (+ 15 faits) mais sont en baisse de - 6,6% comparativement à 2019." 

Toujours davantage de violences sexuelles

Le bilan 2022 de la délinquance révèle également cette réalité inquiétante, le nombre de violences sexuelles qui ont été recensées ne cesse d'augmenter : + 46 % en quatre ans ! On en a relevées 420 en 2022, contre 405 en 2021, 310 en 2020 et 287 en 2019. Certes, les chiffres attestent d'une certaine libération de la parole, qui permet de mettre en lumière davantage de faits. Mais les services référents parlent malgré tout d'une "évolution très défavorable".

La région de France qui connaît le plus de violences intrafamiliales

La confirmation est terrible : "La Nouvelle-Calédonie est le territoire le plus concerné par les violences intrafamiliales de l'ensemble de l'espace national." Avec 2 510 faits déclarés en 2022, contre 1 576 en 2019, l'augmentation se poursuit d'année en année et atteint 59 % sur quatre ans. 

Trois femmes tuées par leur conjoint

C'est même une hausse de 62,8 % qui est constatée pour les violences conjugales. En 2022, trois femmes ont été tuées par leur conjoint, à Koumac, Nouméa et Bourail. Il y a eu au moins 1 845 agressions au sein du couple, contre 1 636 connues en 2021, 1 453 en 2020 et 1 133 en 2019. Avec 6,8 faits pour mille habitants, c'est un peu plus du double de la moyenne nationale (3,28). On rappelle qu'en 2021, les violences conjugales étaient en cause dans 30 % des gardes à vue. Et qu'en centre pénitentiaire, un détenu sur cinq l'est pour des violences conjugales.

La hausse des violences conjugales, un phénomène continu depuis 2019. Si une libération de la parole est certainement à l'origine d'un accroissement d'un nombre de signalement, le niveau drastiquement élevé situe la Nouvelle-Calédonie parmi le territoire où les femmes, principales victimes, sont les plus exposées. 

Bilan 2022 de la délinquance

"Le cadre familial et conjugal, est-il écrit dans ce bilan, favorise la répétition des actes." Au moins 60 % des victimes ont confié avoir subi des faits répétés au cours de ce laps de temps. Les trois quarts des victimes ont expliqué "avoir été giflées, frappées, étranglées, ou avoir subi d'autres types de brutalités". 17 % ont dit "que leur agresseur a tenté de porter atteinte à leur vie".

Les chiffres des violences au sein des couples restent élevés. Le taux de violence physique et sexuelle est sept fois plus élevé qu'en France métropolitaine. 

Bilan 2022 de la délinquance

De plus en plus d'enfants battus à Nouméa ?

Ce n'est pas tout. Le document se fait l'écho d'un "phénomène inquiétant". En zone police, ce qui correspond à Nouméa, "les violences sur mineurs dans le cadre intrafamilial augmentent de 59 % avec 186 faits en 2022 contre 117 faits de cette nature en 2021".

En revanche, le territoire est épargné par des phénomènes qui touchent la métropole et certains Outre-mer tels que le grand banditisme, les vols à main armée, le trafic d'êtres humains ou de stupéfiants à grande échelle.

Bilan 2022 de la délinquance

L'alcool, ce "prétexte"

L'usage excessif d'alcool ou de cannabis est constaté de façon récurrente par les forces de l'ordre dans les actes de violence. Alcool qui est "régulièrement utilisé comme prétexte pour expliquer voire justifier la violence physique", est-il encore analysé dans le document. "Alors qu'il sert principalement de catalyseur, déclenchant des actes provenant d'une violence déjà présente dans les actes du quotidien et au sein des familles."

Environ six mille "IPM" par an à Nouméa

Les IPM, ce sont les ivresses publiques manifestes. Chaque année, près de six mille cas sont recensés par la police nationale, donc à Nouméa. En 2022, 3 360 personnes en IPM ont été placées en cellule de dégrisement (ce qui est toutefois moins que les quatre mille de 2020).

Sans surprise, ces interpellations se produisent surtout le samedi. De 23 heures à 4 heures du matin. Et chez les vingt-24 ans. "Enfin, on constate en 2022 sur les six premiers mois, une tendance haussière de l'ivresse féminine à 14,23 % contre 13 % depuis 2019." N'oublions pas d'indiquer que "ces quinze dernières années, la conduite en état d'ivresse a représenté 90% des suspensions administratives de permis de conduire". 

Presque six fois plus de morts sur les routes que la moyenne métropolitaine

La Calédonie détient un autre record à pleurer. "A titre de comparaison avec la France métropolitaine, développe le bilan de la délinquance, en 2022 cinquante personnes sont décédées pour un million d'habitants soit cinq tués pour 100 000 habitants." Quand on répète que 70 Calédoniens ont perdu la vie dans un accident de la circulation l'an dernier, il apparaît que la mortalité chez nous est près de six fois supérieure à la moyenne métropolitaine. Principaux facteurs à l'origine des accidents mortels : l'alcool (présent dans 73 % des cas), la vitesse excessive (62 %), le non-port de la ceinture (58,5 %), le cannabis (43,5 %) et le défaut de permis (39 %). 

Les trois-quarts des faits dans l'agglomération nouméenne

La délinquance à la Calédonienne est présentée comme un phénomène localisé et urbain, marqué notamment par les vols de véhicule et les cambriolages. 84 % des faits sont constatés en province Sud, et l'agglomération du Grand Nouméa en regroupe à elle seule 76 %. Restent 14 % en province Nord et 2 % en province îles.

Des taux d'élucidation "très supérieurs aux moyennes nationales"

En 2022, le taux d'élucidation dans les affaires d'atteintes à l'intégrité physique a été de 88,5 % en zone gendarmerie et de 69,65 % en zone police (un tout petit moins qu'en 2021). Concernant les atteintes aux biens, c'était 40,03% en zone gendarmerie (un tout petit peu mieux) et 32,8% en zone police (moins qu'en 2021). Globalement, ce taux d'élucidation sont "très supérieurs aux moyennes nationales avec plus de 60 % en zone police été plus de 63 % en zone gendarmerie".

Une part de mineurs plus grande

La part des jeunes mineurs dans les faits de délinquance.

En 2022, la part des moins de dix-huit ans dans les faits de délinquance générale a été de 18,77 %. Elle doublait, à 36,04 %, si on ne retenait que les atteintes aux biens. Voire 39 % pour les atteintes aux biens à Nouméa. Zoomons un peu plus encore, les jeunes mineurs ont été impliqués dans 49 % des cambriolages à Nouméa. Dans 47 % à l'échelle de la province Sud. Concernant les vols de véhicules, c'est 44 % à Nouméa et 40 % "dans les autres communes de province Sud". Cette proportion de moins de dix-huit ans s'avère un peu moindre pour les atteintes aux personnes (9,97 %). Mais d'une façon générale, "la délinquance des mineurs demeure très active et préoccupante".

Certains d'entre eux sont très jeunes, livrés à eux-mêmes et particulièrement hermétiques à toute forme d'autorité. La quasi-totalité des actes d'appropriation est réalisée à des fins ludiques. De nombreux mineurs bien ancrés dans la délinquance présentent déjà une addiction à l'alcool et au cannabis. Plusieurs facteurs sont à l'origine de cette situation, il s'agit souvent de jeunes vivant dans un contexte familial particulièrement défavorable.

Bilan 2022 de la délinquance

158 bracelets électroniques

Ajoutons que les deux centres pénitentiaires, de Nouméa et de Koné, comptent 640 détenus. Il y a eu en 2022 351 peines aménagées, dont 158 bracelets électroniques. 

Voyez enfin la synthèse de Caroline Antic-Martin et Gaël Detcheverry :

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