La justice ordonne la protection des requins tigres et bouledogues en province Sud

Requin tigre, image d'illustration.
Nouvelle étape, dans le bras de fer judiciaire entre l'association Ensemble pour la planète et les collectivités favorables à l'abattage organisé de requins, dans leur réponse au risque qu'ils représentent. Cette fois, ça concerne la décision de retirer les tigres et les bouledogues des espèces protégées en province Sud. La cour administrative d'appel de Paris a donné raison à EPLP qui attaquait ce retrait. La province ne renonce pas, elle va se pourvoir en cassation.

"EPLP a 'fait tomber' toutes les bases légales qui autorisaient les abattages". Joie de l'association Ensemble pour la planète, en apprenant une nouvelle décision "requins" rendue en sa faveur, cette fois par la cour administrative d'appel de Paris. Le 12 janvier 2024, elle a annulé le fait que, fin 2021, la province Sud a enlevé les requins tigres et bouledogues des espèces protégées par son code de l’environnement. Cassant au passage le jugement du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie : en octobre 2022, en première instance, il donnait raison à la province.

Campagnes d'abattage

L'enjeu, ce sont les campagnes d'abattage, devenues systématiques après la série d'attaques qui ont ébranlé Nouméa début 2023. L'an dernier, selon l'Agence France presse, quelque 127 requins dont 83 tigres et 44 bouledogues ont été tués lors de ces opérations aux abords des plages de la ville. "La décision de la cour administrative de Paris restitue aux requins tigres et bouledogues leur statut protecteur", résume la présidente d'EPLP, contactée par NC la 1ère. "C'est-à-dire que le juge administratif, de la cour administrative d'appel de Paris, dit à la province Sud : 'Votre gestion du risque requin n'est pas bonne. Vous bafouez la Charte de l'environnement. Vous bafouez le code de l'environnement provincial Sud."

Le juge 'parisien' ne partage pas l'analyse faite par le juge 'local' et donne satisfaction à EPLP. Les requins tigres et bouledogues sont à nouveau protégés en province Sud, comme ils le sont en province Nord, en province Îles et dans les eaux calédoniennes de la Zone économique exclusive. 

Martine Cornaille, présidente d'EPLP 

Dans le détail, "le juge de la cour administrative d'appel de Paris se positionne sur le fond, relate-t-elle. Il estime que ce qui est allégué par la province Sud, notamment la surpopulation, n'est pas prouvé. Il estime que les impacts sur les espèces considérées, mais aussi sur les écosystèmes auxquels elles participent, ne sont pas évalués. Dans ces conditions, le principe de précaution n'est pas appliqué." 

Le bras de fer va continuer

Sollicitée, l'institution a répondu par communiqué. Le bras de fer n'est pas terminé, la "Maison bleue" se pourvoit en cassation.

La province Sud réaffirme son souhait de conduire les actions engagées afin de mieux protéger les activités nautiques et balnéaires face aux attaques de requins qui ont endeuillé notre territoire. Cette démarche conjointe vise à continuer de privilégier l’homme aux requins.

Communiqué de la province Sud, le 18 janvier 2024

Une action encadrée par la convention de partenariat qui a été signée en mai 2023 avec l’Etat, le gouvernement, la mairie de Nouméa et le Port autonome, "pour une gestion concertée de la réduction du risque requin". Dans la foulée, "la province Sud a lancé avec l’IRD [l'Institut de recherche pour le développement] une étude co-financée par l’Etat pour amplifier l’observation des requins tigres et bouledogues et se voir proposer de nouvelles actions permettant de protéger les plaisanciers de ce risque, qui s’est accru, d’attaque". Elle annonce aussi qu'elle "continuera à autoriser des opérations de régulation" quand "nécessaire".

"Etudier, assainir et réglementer"

"Sans environnement sain, pas de survie humaine possible. Protéger les requins, c'est aussi protéger l'homme", rétorque Martine Cornaille. La présidente d'EPLP évoque trois pistes "pour mieux gérer ce risque" : étudier, assainir et réglementer. "Il faut absolument mieux connaître la biologie des requins, notamment tigres et bouledogues. Il faut aussi faire des efforts en matière d'assainissement. C'est en cours, auprès de [Sonia] Lagarde [maire de Nouméa] et c'est très bien. Elle a pratiquement quadruplé le budget municipal dédié à l'assainissement." 

Côté réglementation, "on a demandé que les bateaux soient équipés de cuves à eau grises et à eaux noires". Sur ce point, on rappelle qu'un texte du gouvernement a été pris. "Il faut aussi avoir le cran de sanctionner lorsque la réglementation n'est pas respectée, poursuit-elle. Lorsque Mme Lagarde interdit la baignade et dit par ailleurs [que] si il y a des baigneurs, on ne les sanctionnera pas, c'est du plus haut degré du ridicule." Et cette proposition : "Lorsque les interdictions [de baignade] interviennent, par exemple après les intempéries, c'est toujours a posteriori. Nous, on voudrait une interdiction générale qui prenne effet en amont." 

Un renfort salué

Bref, "il y a mille choses à faire et nous nous réjouissons de la récente décision de Mme Lagarde de recruter treize pompiers nageurs sauveteurs qui vont participer à la surveillance de la baignade. Il faut multiplier les moyens de surveillance humaine, et technologique, de façon à sécuriser, autant que faire ce peut, les usagers de la mer. Mais au final, les requins sont chez eux en mer et il faut que chacun assume son risque."