Koniambo nickel, la fin d’une épopée de près de 50 ans dans le Nord calédonien

Chargée d’une histoire aux facettes politique, économique et sociale, Koniambo nickel ferme ses portes ce 31 août 2024, en Nouvelle-Calédonie. Evoqué dès la fin des années 1960, le complexe aura eu besoin de temps pour prendre vie. Et aura fait battre le cœur du Grand Nord pendant une décennie.

L’aventure s’arrête ce 31 août, avec la mise en veille froide de celle que tous les Calédoniens appellent avec simplicité, et une pointe d’affection, “l’usine du Nord”. Quelques âmes suffiront désormais à garder le complexe en état, pour un possible redémarrage. Si Glencore trouve un repreneur. L’actionnaire anglo-suisse se retire. Il n’est pas le premier.

Au fil des décennies traversées par le projet puis par l’usine, les partenaires internationaux se sont succédés, aux côtés de la SMSP. Depuis l’origine, la Société minière du Sud Pacifique porte Koniambo Nickel au service du développement du Nord et du rééquilibrage.

L'usine de nickel (KNS) du Koniambo (SMSP-Glencore) en Nouvelle-Calédonie.

Retour en neuf dates, sur l’épopée d’un complexe industriel qui ferme ses portes sur un goût amer d’inachevé.

1966, une promesse

La date est symbolique. Concrètement, rien ne se passe, mais le général de Gaulle, en visite en Nouvelle-Calédonie, fait la promesse d’autoriser l’implantation d’une seconde usine de traitement du minerai de nickel. Depuis 1910, seule la SLN extrait et transforme l’or vert calédonien sur le territoire.

1998, des signatures

Après le passage de la SMSP dans le giron de la province Nord (1990), après le développement de son activité d’extraction et d’export de minerai brut, le projet franchit des étapes importantes en 1998. D’abord avec la signature, le 1er février, de l’Accord de Bercy. Ce “préalable minier” scelle le principe de l’échange du massif de Koniambo et du gisement de Poum. La SLN cèdera le premier à la SMSP et récupèrera le second.

Le 29 avril, à Nouméa, la SMSP signe un accord avec le géant minier canadien Falconbridge : la société qui gèrera la future usine sera détenue à 51 % par la société de la province Nord, et à 49 % par la multinationale canadienne. Le projet peut commencer. L’investissement est alors évalué à 120 milliards de francs CFP, à la charge de l’investisseur étranger.

2006, la première pierre

Le 6 mars est posée la première pierre du futur complexe. Il sera implanté sur la commune de Voh, à quelques kilomètres du chef-lieu du Nord, Koné. Le ministre des Outre-mer de l’époque, François Baroin, est présent. Il déclare alors, comme le rapporte le magazine Mines : “Cette manifestation symbolise tous nos espoirs, elle consacre l’ouverture d’une ère nouvelle pour la province Nord, source d’un développement économique et social attendu qui saura porter ses fruits.”

Extrait d'article du Magazine Mines, n°31, juin 2006 : Pose de la première pierre sur fond de tempête boursière.

Le projet a déjà traversé des épreuves… Notamment la mort, dans un crash d’hélicoptère en 2000, de sept personnes parmi lesquelles le PDG de la SMSP, Raphaël Pidjot, et trois autres dirigeants de la société. Un drame qui mène André Dang à la tête de l’entreprise.

Autre épreuve, les incertitudes quant à la fiabilité de Falconbridge. Finalement rachetée par la multinationale suisse Xstrata, la SMSP change de partenaire mais conserve les termes de l’accord.

2010, les modules

L’usine, dont le montant a été réévalué par Xstrata à plus de 410 milliards de francs, prend forme de manière beaucoup plus visible. Après déjà trois années de travaux, les premiers modules parviennent à Vavouto. Des “morceaux” gigantesques de l’usine, fabriqué en Chine et en Inde. Le 5 septembre, arrivent les quatre premiers, sur un total de dix-sept : ils mesurent entre 20 à 34 mètres, pèsent ensemble 8 500 tonnes, et ont demandé deux ans et huit millions d’heures de travail.

2013, la coulée

Sept ans après la pose de la première pierre, c’est au tour de la première coulée de métal. Elle sort du four le 10 avril. Une première coulée technique suivie neuf jours plus tard de la première coulée officielle, celle qui marque, devant les caméras, le succès du projet d’usine du Nord. Une seule ligne de production est alors opérationnelle.

2014, l'inauguration

L’inauguration officielle du complexe est orgnisée en novembre, après l’entrée en fonction de la seconde ligne de production du complexe. Mais aussi après des déboires techniques qui retardent le lancement complet de l’usine. Le président de la République de l'époque, François Hollande, est présent. Objectif affiché pour l’année : 14 000 tonnes de nickel puis, après la montée en puissance progressive, 36 000 tonnes.

Mais le 26 décembre, les espoirs des centaines d’employés se heurtent à un problème technique considérable. Le four numéro 1 fuit, 500 tonnes de ferronickel s’échappent. Une enquête est menée, un problème de conception décelé et les deux fours, reconstruits l’un après l’autre.

Métallurgie du ferronickel. Une production de l'usine du Nord (KNS) en Nouvelle-Calédonie

2016, la crise

Le complexe n’a que trois ans mais affronte les conséquences de la crise du nickel, dont les cours sont au plus bas, et des défauts techniques. Un plan de licenciement est mis en oeuvre pour permettre la survie de l’entreprise. Et assurer le maintien de l’actionnaire Glencore, détenteur des cordons de la bourse, qui a absorbé Xstrata en 2013. La dette de KNS s’élève alors à 1 644 milliards de francs.

2017, au tour de l'autre four

Le 15 décembre, le four n°2 produit enfin sa première coulée et fait renaître l’espoir en province Nord d’une industrie métallurgique pérenne. Mais rien n’y fait. Deux ans plus tard, le bilan est catastrophique : 23 700 tonnes de nickel seulement sorties des fours en près de cinq ans, et 1 276 milliards de francs de dettes.

2024, la mise en sommeil

Après de nouvelles années de déboires techniques, Glencore jette l’éponge. Le 12 février, la mise en sommeil du complexe et le retrait de l’actionnaire anglo-suisse est annoncé. Glencore souhaite se retirer et laisse six mois pour trouver un repreneur. En vain. Même si KNS continue ses discussions avec plusieurs groupes internationaux, dans un contexte de crise débutée le 13 mai.

Fin juillet, la procédure de licenciement collectif des 1 200 salariés de KNS a été engagée. Seule une cinquantaine restera après ce 31 août pour la sécurisation d’un site désormais éteint.